Devenue la première présidente de ce petit pays d’Amérique centrale gangréné par la corruption et le trafic de drogue, Xiomara Castro veut légaliser l’avortement thérapeutique et le mariage pour tous.
Xiomara Castro, qui est devenue jeudi 27 janvier la première femme présidente du Honduras, n’avait jamais pensé faire de la politique jusqu’au coup d’État qui a renversé en 2009 son mari, le président de gauche Manuel Zelaya.
« Pendant 200 ans (le Honduras) a été gouverné uniquement par des hommes », rappelait dans un entretien à l’AFP en novembre celle qui va désormais entrer dans l’histoire du petit pays d’Amérique centrale.
Oratrice au verbe haut prononcé d’une voix douce, cette femme, issue d’une famille catholique de la classe moyenne, a gagné sa popularité en prenant la défense des plus deshérités dans un pays où plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Dans un Honduras profondément conservateur et à la tradition machiste, la dirigeante du parti de gauche Libre a réussi à surmonter le double handicap d’être qualifiée par ses opposants de « communiste » et de marionnette de son mari.
Cependant, plus que d’un vote d’adhésion, Mme Castro a bénéficié d’un vote sanction contre le Parti national (PN, droite) au pouvoir et le président sortant Juan Orlando Hernandez, contre lequel elle avait échoué de peu à se faire élire en 2013.
Cette fois, Xiomara Castro est parvenue à réunir une coalition de partis de gauche et de centre gauche pour l’emporter face au candidat du PN, Nasry Asfura, le dauphin du président sortant.
Elle a notamment bénéficié du soutien de Salvador Nasralla, une star de la télévision qui avait échoué de peu en 2017 face à M. Hernandez, réélu lors d’un scrutin marqué par des accusations de fraude et désormais soupçonné par Washington d’être impliqué dans le narcotrafic.
Toujours coiffée d’un chapeau blanc de style western, et vêtue de rouge pendant la campagne électorale, la candidate a martelé son projet d’un « socialisme hondurien démocratique ».
Elle a aussi pris soin de se démarquer des régimes cubain et vénézuélien, qui ont servi d’épouvantail à ses rivaux de droite.
« Fort caractère »
Après son mariage à l’âge de 16 ans, cette mère de quatre enfants, et grand-mère, a assisté son mari en administrant ses fermes, ses élevages de bétail et ses exploitations forestières dans le centre du pays.
« Xiomara n’avait jamais imaginé se présenter à la présidence et de pouvoir gagner, c’est le coup d’Etat (contre son mari) qui lui a donné cette occasion historique », relève le sociologue Eugenio Sosa, professeur à l’Université Nationale.
Après avoir été élu en 2006 sous l’étiquette du Parti libéral, Manuel Zelaya avait vite pris un net tournant à gauche, se liant notamment avec le Vénézuélien Hugo Chavez et le Nicaraguayen Daniel Ortega. Il a été chassé du pouvoir en 2009 par une alliance entre milieux d’affaires et partis de droite, avec le soutien de l’armée.
La Première dame s’était alors fait connaître en prenant la tête des manifestations contre l’éviction de son mari.
« Xiomara est une femme douce, mais elle a un fort caractère », dit d’elle l’ancien chef d’Etat, 69 ans. « Elle m’a accompagné merveilleusement et sans son appui je ne serais pas arrivé (à la présidence). Le destin c’est comme ça : maintenant, c’est moi qui lui apporte mon soutien », a-t-il déclaré pendant la campagne.
Au soir de sa victoire, Mme Castro avait « tendu la main à (ses) opposants » et promis de former « un gouvernement de réconciliation ».
« Je n’ai pas d’ennemis », a-t-elle lancé à l’attention de ceux qui ont tenté de la discréditer non seulement en la taxant de « communiste », mais aussi en raison de ses propositions de légaliser l’avortement thérapeutique et le mariage des couples de même sexe, des thèmes sensibles dans un pays à forte présence catholique et évangélique.
Mme Castro va devoir gouverner un pays meurtri par la violence des gangs, le trafic de drogue et les conséquences de deux ouragans dévastateurs qui ont ravagé en 2020 le pays où 59 % de la population vit dans la pauvreté.
Elle a promis de s’attaquer au fléau de la corruption qui gangrène le pays. Elle a annoncé pendant la campagne qu’elle demanderait aux Nations unies de nommer une commission pour soutenir la lutte contre la corruption.