Mercredi, 17 avril 2024
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    Chucky, plus qu’une poupée sanglante!

    De prime abord, on pourrait s’étonner qu’un contenu gai prédominant soit associé à une série télévisée d’horreur portant sur la poupée sanglante Chucky. Le personnage iconique est apparu pour la première fois en 1988 dans le film Child’s play (Jeu d’enfant) et au fil de ses sept opus et du remake de 2019, il a cependant laissé peu à peu transparaître ses affiliations queer jusqu’à une consécration étonnante dans une série télévisée présentée à l’automne 2021.


    La raison de cette réappropriation progressive tient en Don Mancini, lui-même gai, qui fut le scénariste de tous les films de la franchise, exception faite du remake, réalisateur des volets 5 à 7 (Génération Chucky, La Malédiction de Chucky, Le Retour de Chucky) et producteur exécutif de la série télévisée, de même qu’à la barre de la scénarisation et de la réalisation de plusieurs épisodes. Le film de 1988 se voulait avant tout une critique acerbe du consumérisme à outrance, mais c’est avec le quatrième opus, Bride of Chucky (La fiancée de Chucky), que les thèmes gais ont commencé à apparaître avec plus d’emphase. Dans sa suite directe, Seed of Chucky (Le fils de Chucky), sa progéniture cherche même à comprendre la nature de son identité sexuelle.


    Traditionnellement, dans le film d’horreur, la thématique LGBTQ se loge habituellement sous deux enseignes, soit le sous-entendu ou l’incarnation du mal. À titre d’exemples, dans les franchises Scream (Frissons), Hellraiser et Final Destination (Destination finale), les références sont de nature métaphorique. Même A Nightmare on Elm Street 2 : Freddy’s Revenge (Les Griffes de La Nuit 2 : La Revanche de Freddy), un film de 1985 considéré comme le « film d’horreur le plus gai de tous les temps », se contente de sous-entendus.


    De fait, pendant très longtemps, c’est uniquement lorsqu’un personnage représente le mal absolu que la métaphore est abandonnée. On n’a qu’à penser à Rebecca (1940), Rope (La corde, 1948) ou Psychose (1960) d’Alfred Hitchcok, de même que Sleepaway Camp (Massacre au camp d’été, 1983) et Silence of the Lambs (Le Silence des agneaux, 1991). La toute récente série fait donc figure d’ovni télévisuel puisque sur quatre personnages principaux, outre Chucky, elle met en scène deux adolescents de 14 ans, Jake Wheeler (Zackary Arthur) et Devon Evans (Björgvin Arnarson), qui affrontent conjointement deux épreuves : une poupée meurtrière et une appropriation pleine et entière de leur orientation sexuelle. Contrairement aux clichés du genre, l’enjeu n’est par ailleurs pas dans l’acceptation de ce qu’ils sont, mais bien plutôt de faire face à l’intolérance des autres puisque les deux jeunes hommes évoluent dans une petite ville conservatrice peuplée d’adultes (parents et autres personnes en situation d’autorité) dont la morale est plus que corsetée.

    Chucky incarne ici une corruption de l’âme puisqu’il suggère aux protagonistes de ne pas embrasser ce qu’ils sont réellement, mais bien plutôt une vision toxique qui les mène vers une inéluctable destruction. Ce n’est que progressivement que les jeunes affrontent leurs démons et découvrent ce qui se cache réellement derrière le persifflage, les promesses et les machinations de la poupée. Deux autres personnages gravitent autour de Jake et Devon : Lexy Cross (Alyvia Alyn Lind), dans le rôle d’une adolescente profondément narcissique qui pratique l’intimidation comme activité de détente, et Junior Wheeler (Teo Briones) dans le rôle du cousin instable de Jake. S’ajoute à cela une myriade de personnages plus ou moins déséquilibrés : pères homophobes ou aux attentes démesurées, mère intransigeante, sœur sociopathe, de même que certains vétérans de la franchise originale (Jennifer Tilly, Alex Vincent et Christine Elis).


    Les personnages sont étonnamment complexes et évoluent tous bien au-delà du cliché auquel ils se destineraient normalement dans ce type de production. Une progression psychologique de ces derniers, de même que des retournements de situation inattendus sont donc légion, ce qui maintient constamment le spectateur dans une délicieuse incertitude.


    Il faut également prêter attention puisque la série ne se gêne pas pour truffer les épisodes de nombreuses références à d’autres films de l’univers horrifique. C’est notamment le cas de la franchise Child’s Play, via des flashbacks aux couleurs sépia, ainsi qu’à Carrie, via la célèbre citation « They’re all gonna laugh at you » (Ils vont tous rire de toi) qui devient ici « They were all laughing at you » (Ils ont tous ri de toi). La série met par ailleurs l’accent sur un concept propre à la communauté LGBTQ, celle de famille choisie puisque les quatre jeunes sont tous issus de réalités dysfonctionnelles ou brisées et forgeront entre eux des liens profonds et durables.

    Qu’on ne s’y trompe par ailleurs pas, malgré une distribution principale relativement jeune, les spectateurs sont gâtés par des scènes sanglantes et truculentes ainsi qu’un humour à la fois noir et camp qui se déguste avec le plus grand plaisir.

    Devant le succès remporté, le réseau Syfy a lancé la production d’une seconde saison. Au Canada, la série est disponible sur Showcase ou Stack sur Prime TV. Un doublage français existe, mais n’était pas encore disponible au Canada au moment d’écrire ces lignes.


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