Situé sur la rue Ontario, juste de biais avec le Lion d’Or, le Road kill café est une véritable terre d’accueil pour la faune hétéroclite de l’Est de Montréal : un univers LGBTQ qui trouve ici ses racines dans le bestiaire des figures mythiques de la mythologie canadienne et des Premiers Peuples. Sylvain Rivard nous ouvre les portes de ce qu’il qualifie lui-même de « mouroir à bibittes oubliées ».
L’expression n’est pas innocente puisque chaque centimètre carré de l’établissement est peuplé d’écorchés vifs qui y ont établi leurs pénates et qui viennent y noyer leurs misères. On serait porté à ne jeter qu’un coup d’œil distrait à ces épaves, mais ce serait au détriment des histoires troublantes qu’elles renferment.
Puisant à même les grands mythes fondateurs, toutes origines confondues, l’auteur en affirme adroitement le côté intemporel puisque chacune des histoires, bien que moderne chez ses protagonistes, n’est en fait qu’une éternelle relecture des figures emblématiques du passé. Feux-follets, Manitou, Ti-Jean, Kateri et Thunderbird sont donc à la table d’honneur. La palme revient cependant à « La monstresse cannibale », une réinterprétation du mythe du Wendigo qui laisse une impression puissante et indélébile.
L’écriture de Sylvain Rivard traduit avec force la richesse de son imaginaire par l’intermédiaire de descriptions percutantes et exaltées. Chaque personnage est détaillé avec grand soin, que ce soit dans le délabrement du corps ou de l’âme. L’ouvrage s’accompagne par ailleurs de 17 dessins, par lesquels l’auteur incarne avec éloquence le visage de ces expatriés de la vie.
INFOS | Road kill café / Sylvain Rivard. Montréal : Éditions Somme toute, 2022, 80 p.