Né à Granby en 1948, Guy Ménard étudie la philosophie à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Il poursuit une maitrise en théologie à l’Université de Montréal et un doctorat en ethnologie / anthropologie à l’Université de Paris VII, sa thèse portant sur Une rumeur de Berdache : contribution à une lecture de l’homosexualité masculine au Québec.
C’est donc « bardé » de tous ces prestigieux diplômes que Guy Ménard va entreprendre un parcours professionnel impressionnant. Après avoir œuvré au sein de divers organismes, dont le Centre de pastorale en milieu ouvrier de Montréal et l’Office de catéchèse du Québec, il décroche un poste de professeur au département de sciences des religions de l’Université du Québec à Montréal, de 1982 à 2012.
« Il s’est principalement intéressé aux liens entre religion et sexualité […] ainsi qu’aux transformations du fait religieux dans le monde contemporain1. » Dès 1979, par exemple, il collabore à un imposant dossier sur l’Église et l’homosexualité, paru dans Le Berdache. Il y pointe le lourd « héritage » du judéo-christianisme dont il est difficile de se défaire, surtout pour les gais qui restent des fidèles2. Cette thématique, il l’avait déjà abordée dans « Jalons pour une libération gaie », publié dans le recueil Sortir en 1978 : « Le Dieu de la tradition judéo-chrétienne, écrivait-il, en dépit de toutes les défigurations que lui ont fait subir les croyants à travers l’histoire, demeure essentiellement un Dieu de la libération3. »
En 1990, il est cofondateur de Religiologiques, une revue axée sur les sciences humaines et la religion. Dans le numéro hors série daté du printemps 2020, on a rassemblé 18 auteurs afin de lui rendre hommage. La professeure Eve Paquette précise : « Il ne s’agit pas ici de “faire l’éloge” de cette personne ou de ses travaux, mais bien de se permettre de penser avec elle, à partir de styles, d’objets et de méthodes variés4. » Car, assurément, Guy Ménard est avant tout un chercheur, un penseur — libre penseur, dira-t-on — qui a su porter une réflexion éclairée sur les enjeux de son époque, entre autres sur la question de l’homosexualité.
Cette réflexion, elle prendra la forme d’articles qu’il rédigera dans une multitude de magazines ici et à l’étranger, dont Relations, Cahiers de recherche du Regroupement interuniversitaire pour l’étude de la religion, Vie ouvrière, Gai-Pied et la Revue internationale d’action communautaire. En 1985, dans Anthropologie et Sociétés, il propose un article intitulé « Du berdache au Berdache : lectures de l’homosexualité dans la culture québécoise ». Faisant référence au périodique Le Berdache, édité par l’ADGQ entre 1979 et 1982, il note que « le choix d’un tel nom, par une revue gaie militante québécoise, équivalait bien sûr à proposer le berdache — et l’écologie amérindienne du berdache — comme figure emblématique et même comme une sorte de “modèle” de cette acceptation/intégration socio-culturelle de l’homosexualité, revendiquée par le mouvement gai depuis une quinzaine d’années5 ».
Guy Ménard a participé à des ouvrages collectifs comme Mariage homosexuel – Les termes du débat, et Nouveau regard sur l’homosexualité. Questions d’éthique qui constitue les actes du colloque tenu en novembre 1996 à la Faculté de théologie de l’UdeM. « En allant à l’encontre des morales établies, souligne-t-il, l’homosexualité contemporaine a, entre autres choses, ébranlé la vieille idée victorienne bétonnée du mâle trois-pièces et ainsi ouvert de nouvelles possibilités — parfois assez vertigineuses — d’être un homme6. »
Il a fait paraitre de nombreux ouvrages, tantôt sous forme d’essais et de romans, tantôt de poésies et de haïkus. Parmi eux, retenons De Sodome à l’Exode. Jalons pour une théologie de la libération gaie (1982), où l’auteur requestionne les « positions traditionnelles de la théologie et de la morale chrétiennes sur l’homosexualité et suggère quelques pistes en vue d’une relecture chrétienne beaucoup plus positive de la réalité homosexuelle et du mode gai, [notamment en prônant une] théologie de la libération7 ».
Quant à L’Homosexualité démystifiée : questions et réponses, « André Janoël [y] voit un
“exposé franc et honnête en ce sens qu’il n’escamote pas les points délicats” 8 ». Un point de vue que partage le chroniqueur Christian Bordeleau, affirmant que « l’option prise par Guy Ménard est celle de détruire tous les mythes, toutes les faussetés, véhiculés par la société sur l’homosexualité et il y parvient avec brio9 ». Signalons aussi Religion et sexualité à travers les âges, où l’auteur « réfléchit à la manière dont toutes les traditions religieuses de l’humanité ont envisagé la sexualité10 ».
Sur un mode plus intime et personnel, Guy Ménard transporte le thème de l’homosexualité dans un roman, L’Accent aigu, ce qui n’est pas très fréquent au début des années 80, voire audacieux certainement, surtout que l’écrivain y va d’un langage plutôt cru. L’histoire se passe à Paris où séjourne un étudiant québécois. Il rencontre Serge avec lequel il vit une relation complexe. Et d’autres gars aussi, Steve, Flip et ce beau Norvégien à la tignasse blonde. Puis, cela arrive : « lui et moi, un moment fondus l’un dans l’autre, cailloux lignés, mués en éternité de basalte ; nos désirs pétrifiés, insensibles, livrés aux seuls spasmes des marteaux-piqueurs » (p. 164). Avec Les larmes de Godzilla, Guy Ménard s’adonne aux limericks, soit de courts poèmes humoristiques et irrévérencieux sans dessus ni dessous. Du genre :
jadis œuvrait au Saint-Office,
un monsignor portant cilice
qui aimait les jeunes garçons
et leurs gazouillis polissons
sous sa pourpre cardinalice
_
il fit coucher son maître queux
sur son beau Steinway demi-queue ;
et là, en guise de sonate,
il lui titilla la prostate
en lui faisant un tête-à-queue
Voilà un héros de notre histoire, érudit et prolifique, qu’on pourra mieux connaitre en se plongeant dans ses Mémoires intitulées Confections : une vie sous toutes ses coutures. « Ces pages, précise l’éditeur, “confectionnées” de réminiscences, d’observations, de réflexions, de souvenirs, de revenances. De mots, d’images, d’émotions, de bribes et de broc11. » D’autres esprits curieux préféreront se procurer son plus récent livre de nouvelles, La Sphinge, où « l’auteur, pour notre plus grand bonheur, crée […] des univers riches et foisonnants qui nous font voyager — en souriant — de l’Irlande à l’Éthiopie, du Bethléem à Paris, du Brésil au Mile End, du Ciel à Saint-Henri12 !»
Notes
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Ménard. Consulté le 3 octobre 2022.
- Guy Ménard, « Homosexualité et tradition chrétienne et si le temps des bûchers était passé »,
Le Berdache, no 4, octobre 1979, p. 25-36. - Guy Ménard, « Jalons pour une libération gaie », in Luc Benoit, Paul Chamberland, Georges Khal et Jean Basile, Sortir, Les Éditions de l’Aurore, 1978, p. 114.
- https://actualites.uqam.ca/2020/religiologiques-hommage-guy-menard. Consulté le 4 octobre 2022.
- Guy Ménard, « Du berdache au Berdache : lectures de l’homosexualité dans la culture québécoise », Anthropologie et Sociétés, vol. 9, no 3, 1985, p. 117.
- Guy Ménard, « Éthique et homosexualité : la part de l’immoralisme », in Guy Lapointe et Réjean Bisaillon, Nouveau regard sur l’homosexualité. Questions d’éthique, Montréal, Éditions Fides, 1997, p. 89.
- Guy Ménard, De Sodome à l’Exode. Jalons pour une théologie de la libération gaie, Laval, Guy Saint-Jean Éditeur, 1982. Quatrième de couverture.
- Cité dans : Réginald Hamel, John Hare, Paul Wyczynski, Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord, Montréal, Éditions Fides, 1989, p. 976.
- Christian Bordeleau, « L’Homosexualité démystifiée », Le Berdache, no 15, novembre 1980, p. 51.
- Courriel de Guy Ménard, 7 octobre 2022.
- https://www.renaud-bray.com/Livres_Produit.aspx?id=2084294&def=Confections+:+une+vie+
sous+toutes+ces+coutures,M%C3%89NARD,+GUY,9782895785583. Consulté le 4 octobre 2022. - https://instantmeme.com/livres/la-sphinge. Consulté le 6 octobre 2022.