Jeudi, 25 avril 2024
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    La droite conservatrice d’ici a maintenant peur des drags

    Le débat sur les dragqueens est arrivé au Québec, alimenté sur les réseaux sociaux par les complotistes antivax, puis amplifié par certains chroniqueurs. Et après une manifestation qui a forcé le déplacement de l’Heure du conte de Barbada, puis suscité l’adoption à l’unanimité d’une motion de soutien par les députés de l’Assemblée national pour soutenir ce type d’activité, Éric Duhaime s’en est mêlé. Le chef conservateur du Québec (un parti sans aucun élu, rappelons-le) lançait, début avril, une pétition « pour protéger les enfants des drag queens ».

    Depuis le début de la pandémie de COVID-19, il semble qu’on assiste à la structuration d’un écosystème d’une droite réactionnaire plus organisée. D’ailleurs, ce sont à peu près les mêmes leaders complotistes, qui avaient pris parole et position durant la pandémie, et qui maintenant réagissent à l’existence d’activités de lecture publique aux enfants par des drag queens.

    La popularité des drags
    Les drags, est-il nécessaire de le rappeler, sont de plus en plus populaires auprès de la population en général, grâce entre autres, au succès des émissions de téléréalité de RuPaul’s Drag Race. On les retrouve maintenant partout à la télé, mais aussi dans des banquets, des congrès, des mariages. Depuis 2016, la drag queen Barbada propose son activité L’heure du conte dans différentes bibliothèques pour donner aux enfants l’envie de lire, tout en découvrant la richesse des différences. En juin 2022, sa venue à la bibliothèque de Dorval avait suscité des messages haineux et menaçants. Suite à ça l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal, avait annoncé annuler deux lectures de contes qu’elle devait donner dans des bibliothèques à la suite d’un inconfort exprimé par des personnes élues, qui ont par la suite changé de décision, suite à la pression des citoyens. Rappelons que Barbada anime d’ailleurs, depuis un an, une émission télé d’éveil à la musique qui s’adresse aux enfants, un travail d’éducation qu’il fait aussi comme enseignant de musique auprès des jeunes depuis 16 ans.

    Le mouvement antivax est maintenant antidrag
    Très actif dans le mouvement d’opposition aux mesures sanitaires durant la pandémie, François Amalega a non seulement participé à la manifestation pour tenter d’annuler l’Heure du conte que la dragqueen Barbada (éducateur et enseignant de musique auprès d’enfants depuis plus de 16 ans) en Montérégie, mais on lui attribue désormais l’organisation de l’événement. Durant la manifestation, il a lancé devant les caméras des télé : «Toutes les sociétés humaines ont pour fondement la famille et l’amour, les enfants sont appelés à être protégés!» 

    Le discours conservateur utilisé ne surprend pas. La recette qu’utilise la droite n’est pas nouvelle. On utilise une fois de plus la protection des enfants comme moyen ultime pour obtenir des appuis. On sous-entend que les mouvements progressistes cherchent à détruire la famille, les repères culturels, à travers des enjeux comme l’avortement, le rôle des femmes, les droits des minorités sexuelles. Les drag queens étant perçues comme l’effort d’une élite malveillante qui tente de briser ce qu’on appelle la «famille traditionnelle» ou la «sexualité normale».

    En jouant sur l’émotionnel, on tente à utiliser cet argument dans le but de rallier à une cause, quelle qu’elle soit. Essentiellement les enfants représentant l’innocence qui n’a pas été pervertie par le système. La crainte dans les milieux conservateurs, c’est l’idée que d’aller entendre une drag queen raconter une histoire quelconque aurait pour effet de « convertir » les enfants à l’idéologie du genre. Au moment d’écrire ces lignes, la pétition avait recueilli plus de 30 000 signatures, à peu près le même nombre qu’une autre pétition qui vient soutenir l’idée des Heures de conte auprès des jeunes.

    Les drags, cible ultime ou première étape ?
    Clairement, une partie du mouvement complotiste — que la pandémie a permis de fédérer — est désormais très active au niveau du discours anti-drag, comme un phénomène d’écho. Les réseaux sociaux dont le fonctionnement (par communauté) participent au développement d’écosystèmes complotistes, véhiculant beaucoup plus rapidement et plus facilement qu’auparavant les idéaux. Et sans qu’on s’en rendre vraiment compte, on est passé du discours anti-vax à anti-drag assez facilement.

    Il faut toutefois faire preuve de nuance sur la question et ne pas accoler tout de suite l’étiquette de complotiste à quiconque ne serait-ce que pour essayer de délégitimer leur voix, et ce, malgré leur vision réactionnaire. Les courants idéologiques semblent traverser les frontières de plus en plus, et plus facilement. Rappelons que le mouvement anti-drags provient des États-Unis qui sont en année pré-électorale des présidentielles. Il y a clairement une influence par rapport à ce qui s’est passé sur la question des drag queens. Des groupes d’extrême droite, comme les Proud Boys, parfois armés, ont fait annuler aux États-Unis des événements avec des drag queens. Et, depuis le début 2023, des États américains – comme l’Arizona, le Tennessee, l’Arkansas, l’Iowa ou encore le Texas – ont légiféré contre les spectacles de drag queens hors des bars et cabarets. La droite québécoise se montre plus alerte à tout ce qui se passe à l’extérieur et on peut craindre que ce discours nourrisse de plus en plus l’intolérance. Et les conséquencesbien réelles au Canada. On a qu’à regarder l’augmentation des crimes haineux à l’encontre des minorités sexuelles depuis quelques années comme l’a noté les dernières analyses de Statistique Canada. 

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