Tout au long de la première saison de Survivor Québec, Nicolas Brunette a été sous-estimé. Le grand public prédisait régulièrement son élimination. Les autres concurrent.e.s l’ont sorti du jeu. Pourtant, après avoir remporté tous les défis de l’île de la rédemption, le jeune homme de 25 ans a réintégré la compétition et fait son chemin vers une victoire éclatante.
En termes de représentation, qu’est-ce que ça signifie qu’un homosexuel participe à Survivor ?
Nicolas Brunette : C’est une nécessité pour les émissions de représenter la diversité, surtout dans un jeu comme Survivor qui reproduit une microsociété pour voir ce qui va se créer et comment ça peut refléter ce qui se passe dans notre monde. C’est important que les personnes qui regardent l’émission puissent se reconnaitre. Moi-même, quand je regardais les autres versions de Survivor et que je voyais des gens de la communauté, ça me donnait souvent le goût de suivre leur aventure un peu plus, même si ce n’est pas le seul critère qui m’interpelle.
Es-tu fier de dire que le premier survivant du Québec est une personne LGBTQ+ ?
Nicolas Brunette : Je trouve ça intéressant, parce que le premier gagnant de la version américaine de Survivor était aussi un homme gai. C’est une immense fierté pour moi d’avoir remporté cette saison, surtout après avoir fait un coming out à ma tribu lors de la première journée. Je suis resté authentique du début à la fin. J’avais de la facilité à bâtir des liens vrais avec les gens. Auprès du public, ça me réchauffe le cœur de voir des personnes parfois plus âgées de la communauté ou des jeunes en train de découvrir leur sexualité se reconnaitre en moi. Une maman m’a dit que son fils me voyait comme son héros… et que ce ne sont pas tous les héros qui portent des capes et qui ressemblent à Thor !
À quel point étais-tu fan de l’émission ?
Nicolas Brunette : Ma famille, mon chum et mes ami.e.s pourraient répondre à cette question-là pour moi. Depuis dix ans, c’était dérangeant à quel point je parlais de Survivor. C’était mon rêve d’y aller. Aujourd’hui, comme les gens veulent m’en parler, c’est un grand luxe, parce que je n’ai plus besoin de l’imposer aux autres. J’ai regardé plusieurs saisons et fait partie de groupes de fans sur les réseaux sociaux. Il faut dire qu’à la fin du primaire et au secondaire, je n’avais pas beaucoup d’ami.e.s et que les communautés en ligne m’ont permis de trouver des gens avec qui connecter. Une des premières communautés virtuelles à laquelle j’ai adhéré est celle de Survivor.
Pourquoi voulais-tu y prendre part ?
Nicolas Brunette : Survivor exige de fortes capacités sociales et une grande confiance en soi. C’est difficile d’intégrer un jeu avec 19 personnes qui veulent bâtir des relations pour avancer, mais qui travaillent également pour s’éliminer. Je m’étais donc donné le défi de vérifier si la confiance et les capacités sociales acquises au cours des dernières années étaient solides. Je me considère relativement extraverti dans la vie. Avec mes amis, je prends souvent la parole. À Noël, en famille, c’est moi qui vais prendre le lead sur les jeux qu’on va faire. Finalement, lors du premier jour à Survivor, Martin nous apprenait des techniques de survie. Maryse inventait des jeux. Martine était si belle et ouverte avec ses émotions. Denis parlait comme le plus grand des sages. Je pensais que j’avais une personnalité vibrante jusqu’à ce que je sois entouré de 19 autres personnalités vibrantes. J’avais l’impression de ne pas être à ma place.
Dans les premiers jours, tu as aussi ressenti la peur d’être rejeté en raison de ton homosexualité. Qu’est-ce qui a réactivé cette peur ?
Nicolas Brunette : On a fait beaucoup de progrès en tant que société, mais je ne savais pas que je m’embarquais avec qui. Il y a encore des personnes pour qui mon orientation sexuelle est un problème. Elles peuvent avoir de la difficulté à me faire confiance ou elles ne voudront pas créer une relation avec moi. J’étais pris dans un grand dilemme personnel. J’avais peur d’en parler, de me mettre des bâtons dans les roues et de ne pas pouvoir créer une relation avec quelqu’un à cause de ça. En même temps, je savais que je serais à Survivor une seule fois dans ma vie et je me demandais si je voulais vraiment cacher une chose qui me rend si fier et ne pas être authentique à 100 %. C’est correct de mentir dans ce jeu, mais mentir sur sa personne de manière si flagrante… c’est quelque chose que je ne voulais pas faire. J’ai fini par en parler.
Comment ça s’est passé ?
Nicolas Brunette : J’ai été tellement soulagé et heureux, mais pas surpris de leurs réactions. Ça n’a jamais été un problème. Autour du feu, on échangeait à propos des personnes qui nous manquaient. Je parlais de mon copain et des choses que j’ai faites pour lui avant de partir, et ça suscitait les mêmes réactions que les autres quand il était question de leurs partenaires.
Quelles ont été les plus grandes difficultés de cette expérience ?
Nicolas Brunette : On sait que je suis un hypersensible, et j’en suis très fier, mais Survivor est un défi éprouvant émotionnellement, avec les épreuves, la fatigue et la faim. Ajoute à ça le jeu qui te force à éliminer des personnes avec qui tu as connecté pour vrai. Sur l’île de la rédemption, je pleurais après chaque défi gagné. J’étais fier d’avancer, mais ça me brisait le cœur de voir le rêve de mes ami.e.s se terminer pour que le mien se poursuive.
Sais-tu ce que tu veux faire des 100 000 $ ?
Nicolas Brunette : Cet été, mon copain et moi allons faire un voyage. On vient tout juste de déménager à Montréal et on voudrait acheter une propriété dans environ un an. Mais le projet dans lequel je veux investir la majorité de l’argent, c’est le processus d’adoption et les premiers moments pour élever un petit bébé quand le temps viendra.