Il est des textes qui happent alors que les premières lignes vous laissent — je le confesse — indifférent. Et puis la magie opère, la rencontre se fait étrangement et l’on va jusqu’au bout. C’est le cas avec le premier roman de Michel-Maxime Legault, Michelin. Avec des petits tableaux de souvenirs, des presque rien mais qui en disent long, se construit celui qui deviendra Michel-Maxime, faisant en même temps le sort au Michelin qu’il aurait pu être.
On ne choisit pas son prénom. Certain.e.s d’ailleurs en changent officiellement. Mais le comédien Michel-Maxime Legault a failli se prénommer Michelin si une de ses sœurs, plus âgée, « [sa] sœur schizophrène qui avait toute sa tête », n’avait pas convaincu ses parents d’éviter de commettre cette erreur. Que serait devenu ce garçon s’il avait porté le nom d’une marque de pneumatiques ?
La question du prénom est une amorce pour l’auteur afin de revisiter son enfance. Il a grandi dans une ferme avec ses six frères et sœurs. Rien ne le prédestinait à faire carrière sur scène, et encore moins à écrire. Au tournant de la quarantaine, confiné par la pandémie, Michel-Maxime Legault se livre à ce qu’il appelle, avec humour dans la voix, « une introspection », comme il le confie en entrevue : « Quand j’écrivais à ce moment-là, je n’avais aucune idée de ce que je ferais de ce texte, je n’avais aucune intention précise, sinon de raconter une histoire, celle d’un petit garçon qui aurait pu porter un prénom ridicule. Et puis, il y a eu une première lecture publique, une lecture d’un journal intime en fait, raconte le comédien, qui a connu un certain succès, d’où l’idée de le publier. En fait, il est question d’un enfant qui naît dans un milieu rural et qui a un parcours qui s’avère différent. »
La lecture publique amène la publication du récit, mais cela ne s’arrête pas là puisque Michel-Maxime Legault a décidé de l’adapter pour la scène et, depuis mars dernier, il est en tournée à travers le Québec. La mise en scène est signée Marie-Thérèse Fortin.
Quitter sa région natale, la découverte de son attrait pour la scène et, bien sûr, son orientation sexuelle. La rencontre avec un monde à l’opposé de celui d’où il vient, avec la culture, pour échapper au petit Michelin qu’il n’aurait peut-être pas cessé d’être s’il était resté dans la ferme familiale.
L’humour est au rendez-vous, ce qui évite le pathos pour parler des épreuves de l’enfance, des relations avec ses frères et ses sœurs. Par petites touches de souvenirs se dessine le portrait d’une famille dysfonctionnelle, mais quelle famille ne l’est pas ? Des relations qui nous ont aussi construites et qui nous poursuivent même lorsque l’on croit s’en être éloigné.
Il n’y a pas en fait de rupture entre le milieu d’où l’on vient et celui dans lequel on se trouve aujourd’hui, simplement un continuum dont il est important de retrouver les passerelles. Un roman sur la réconciliation avec son passé et un chant d’amour pour les sien.ne.s qui fait du bien.
INFOS | Michelin, Michel-Maxime Legault / Les Éditions du Quartz 2024
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