Jeudi, 13 février 2025
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    LA GÉANTE : Le théâtre musical sur la première icône queer québécoise

    Avant Michel Tremblay, Clémence Desrochers, André Brassard, Marie-Claire Blais, Michel Marc Bouchard, Jean-Paul Daoust et plusieurs autres figures légendaires issues de la diversité sexuelle, il y a eu Rose Ouellette. Un petit bout de femme capable de soulever des montagnes, de faire rire les foules et de marquer l’histoire, tout en aimant une femme en secret. C’est tout ça et bien plus qui sera raconté dans La Géante (dès le 11 juillet à Joliette, et dès le 15 août à Victoriaville), le théâtre musical écrit par Geneviève Beaudet, avec une mise en scène par Jade Bruneau, qui jouera également l’amoureuse de Rose, Gertrude, longtemps tenue dans l’ombre.

    Au lieu d’adapter une comédie musicale née sur Broadway ou dans le West End, vous osez une fois encore créer une œuvre originale. Pourquoi ?

    Jade – Au Québec, on a tendance à se diminuer en se comparant avec l’international ou en regardant les productions sur Broadway. On fait beaucoup d’adaptations de shows qui viennent d’ailleurs. C’est super, mais en ce moment, plus que jamais, avec les enjeux de financement du milieu culturel, il y a un travail à faire pour revaloriser la place de la culture locale. Il ne faut pas sous-estimer la capacité de la langue québécoise à susciter le grandiose, même sans d’immenses moyens pour créer les décors.

    Quelle est la charge de travail d’une création ?
    Jade – Le travail s’est échelonné sur deux ans, à partir du moment où Geneviève a eu son idée de génie jusqu’à la première. C’est probablement un record ! On relève le défi grâce à une profonde amitié et une collaboration qui traversent le temps, avec un vocabulaire commun et des sensibilités similaires, parce que si on se compare à Broadway, un show comme Hamilton s’est écrit sur 10 ans !

    Geneviève – C’est un énorme défi de partir de rien. Au départ, j’ai réfléchi aux personnages et à comment on allait raconter l’histoire. Rapidement, Jade, Simon Fréchette-Daoust et la gang du Théâtre de l’Œil ouvert ont embarqué dans le projet en lisant les textes, en donnant leurs commentaires et leurs idées. Puis, la compositrice Audrey Thériault s’est jointe au projet. Ensuite, les autres membres de l’équipe de conception ont suivi, avant de lancer les répétitions.

    Geneviève, qu’est-ce qui t’inspirait particulièrement chez Rose Ouellette ?
    Geneviève – Comme on voulait mettre de l’avant une femme québécoise, après avoir écrit sur La Corriveau, j’aurais pu piger dans n’importe quelle année entre la Conquête et aujourd’hui. Un jour, je me suis mise à lire sur Rose Ouellette et j’ai eu une illumination ! Elle a été la première femme à diriger deux théâtres institutionnels en Amérique du Nord, une des premières à populariser l’art de l’improvisation, des décennies avant la LNI, et elle a eu une histoire d’amour secrète, qui était néanmoins acceptée par le milieu artistique. Tout ça après avoir grandi dans le Faubourg à m’lasse dans une famille pauvre, avec énormément de frères et sœurs qui sont mort.e.s en bas âge. Elle a quitté l’école assez jeune pour travailler à la factory. Selon moi, elle représente bien l’histoire de nos ancêtres canadiens francophones.

    À l’annonce du spectacle, plusieurs personnes ont appris que la Poune avait été en couple avec une femme.
    Jade : C’est important de préciser que nous ne l’avons pas sortie du placard. Il y a plusieurs années, Yves P. Pelletier a fait un formidable documentaire sur son histoire, dans lequel sa petite-fille Kathleen Verdon a dévoilé au public que sa grand-mère était homosexuelle. Aujourd’hui, plusieurs personnes pensent que la discrimination des LGBTQ+ n’est plus un enjeu, mais ça existe encore. Évidemment, pour nous, c’était important d’en parler. En plus, la conjointe de Rose, Gertrude, a été dans l’ombre, car on parlait d’elle comme la secrétaire. Pourtant, elle a tenu la main à Rose Ouellette à chaque étape de son ascension. Sans elle, Rose n’aurait pas eu la même vie. Elles étaient comme René et Céline. On voulait donc revaloriser son legs.

    Quelle est la trame narrative du spectacle ?
    Geneviève – Je raconte son enfance, son adolescence et les débuts de sa vie d’adulte assez rapidement. Ensuite, on suit la trentaine d’années durant lesquelles elle a été directrice du Théâtre Cartier et du Théâtre National. Le spectacle se concentre sur ces années-là, donc bien peu sur la Rose Ouellette que je connaissais : celle très âgée qui participait à des sketchs de Bye Bye. Ce n’est pas non plus un show biographique. Je me suis inspirée de faits réels et de son autobiographie, mais je me suis laissé une belle liberté dans la création de certains personnages.

    Pourquoi avoir choisi Gabrielle Fontaine pour interpréter Rose ?
    Jade – Sa petitesse, sa rousseur et son physique lui donnent un casting impeccable pour le personnage. Gabrielle est un rayon de soleil qui n’a pas besoin d’inventer la légèreté de Rose Ouellette. Elle possède aussi ce petit côté poétique qui appartient à un autre monde. Je voulais que la distribution incarne la poésie du spectacle et la signature musicale qui n’est pas du tout dans l’imitation de Olivier Guimond, Rose Ouellette ou Juliette Petrie, même si on les parsème comme des épices partout dans le spectacle.

    Quelle est votre position face à la légitimité des interprètes queers ou non queers pour jouer des personnages LGBTQ+ ?
    Jade : C’est une question délicate. Tu es le premier qui me la pose. Je suis contente. Merci ! On a épluché le bottin de l’UDA avec beaucoup d’ouverture. Pour faire du théâtre musical, il y a plusieurs défis au niveau du casting; l’interprète doit jouer, chanter et danser, ajoutons à cela les enjeux de casting physique. Au sein de la distribution, il y a plusieurs personnes qui sont queers dans différents rôles. C’était surtout important pour nous de valider qu’on présentait quelque chose de juste, que ce soit porté par des gens qui comprennent l’importance du message et qu’on puisse croire à cette histoire d’amour entre les deux femmes.

    INFOS | LA GÉANTE — Théatre musical original, du 11 juillet au 10 août 2024 au Centre culturel Desjardins de Joliette, et du 15 au 24 août à l’Espace culturel Le Carré 150 de Victoriaville (et en juin 2025 à Montréal). https://www.lageante.ca


    LIRE AUSSI : Sortir du placard – Fugues.com

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