Fidèle à son habitude, l’acteur Théodore Pellerin brille outre-mer, alors qu’il incarne cette fois Jacques de Bascher, un dandy français qui entretient une relation à la fois forte et ambigüe avec l’icône de la mode Karl Lagerfeld, dans la série française Becoming Karl Lagerfeld, disponible sur Disney+. En fait, la série aurait aussi pu s’appeler Becoming Jacques de Bascher, tant le personnage incarne un rôle important dans la série, mais aussi dans la vie du célèbre créateur qui a travaillé pour Chloé, Fendi et Chanel.
Comment t’es tu préparé pour interpréter le personnage de Jacques?
Théodore Pellerin : Il y avait tellement de ressources, il y avait tellement de choses à lire. Il fallait comprendre l’univers, comprendre le monde de la mode, les mécanismes de pouvoir qui sont en jeu… Jacques, c’est quelqu’un qui a existé, mais ce n’est pas une icône qui fait partie de la culture populaire et que tout le monde connait la voix, les manières… Il y avait une espèce de liberté à ne pas avoir à calquer une idée connue de tous. En même temps, il y a les ressources disponibles sur comment il vivait sa vie, qu’est-ce qu’il lisait, qu’est-ce qu’il écoutait comme musique. Jacques, c’était un grand lecteur. Pour moi, la recherche la plus intéressante, c’était de lire les livres qu’il lisait lui, et de comprendre ce dans quoi il se projetait, et quels personnages le fascinait. C’était quand même un érudit, et c’était quelqu’un qui voulait écrire. C’était aussi quelqu’un qui, dans son incapacité à écrire et à créer faisait de lui-même un personnage. [Par exemple, dans les œuvres de Thomas Mann], c’est beaucoup des intellectuels qui passent leur vie à être enfermés et à lire et qui finissent par rencontrer la jeunesse et la beauté et à être en émoi en se disant que là est la grâce. Jacques c’était un être de la nuit. C’était un être de fête, de sexe et d’excès. Mais ce n’était pas par dépit ou par addiction, c’était une philosophie de vie qu’il avait. Il y a ces choses-là qui me permettent de comprendre ça sur lui. J’ai aussi parlé à des gens qui l’ont connu un peu. Ça c’était un cadeau énorme.
En quelque sorte, t’es-tu retrouvé dans ce personnage?
Théodore Pellerin : Toujours. Je pense que c’est ça le but de jouer. Et c’est à ça que la recherche sert : créer assez de lien avec le personnage pour que la chose soit tangible et que quand tu arrives sur le tournage tu te sentes vivant. Après ça, les liens sont souvent flous, ne sont souvent pas si clairs. Je ne pourrais pas dire : « Je me suis vraiment retrouvé dans cet aspect-là de lui ». Et ce n’est même pas nécessairement des liens avec ma vie, c’est plutôt : est-ce qu’il y a quelque chose qui me touche? Est-ce qu’il y a quelque chose qui résonne? Je ne pense pas que l’idée c’est de dire : « Moi j’ai vécu ça » ou « Moi je pense ça ».
As-tu fait face à des défis pour interpréter Jacques de Bascher?
Il y en avait plusieurs. Un des aspects qui me faisait un peu peur c’était ce grand confort-là en société que Jacques avait et ce plaisir-là qu’il avait à être vu et à être regardé, et cette confiance-là qu’il allait être vu. Je me disais : « Comment je peux faire pour me sentir comme ça? » J’ai des moments, des soirées où je me trouve cute, mais lui j’ai l’impression qu’il avait constamment cet état-là qui émanait de lui. C’est là que les costumes entrent vraiment en jeu et que la création physique du personnage vient créer quelque chose que tu ne peux pas vraiment avoir naturellement. Ça donne tellement une autre image de soi, un autre rapport de ce que tu représentes dans l’espace ces costumes-là que ça m’a donné ce qu’il fallait. Alors que, dans la vie, c’est pas du tout quelque chose qui m’appartient, cette confiance-là, cette force de caractère, ce genre de narcissisme un peu débordant.
Et devoir faire l’accent français?
Théodore Pellerin : J’avoue que ce n’est pas quelque chose auquel je pensais tant que ça. Faire des accents en anglais, c’est plus de travail, mais en français ça va. Ça faisait déjà 7 mois que j’étais à Paris parce que je tournais Franklin, où je jouais le marquis de Lafayette, donc il y avait déjà un moment où j’étais bien entouré.
Jacques de Bascher était assez ouvertement homosexuel, mais n’est jamais devenu l’auteur qu’il a souhaité être. Penses-tu que l’homosexualité de Jacques de Bascher l’a bloqué dans son cheminement professionnel?
Théodore Pellerin : Je ne pense pas. Je pense qu’il avait un inconfort face au jugement de son père. Sa grande sœur, Anne, était homosexuelle. Je ne sais pas comment les gens faisaient pour être aussi affirmés à cette époque-là alors que c’était tellement homophobe et même illégal. Mais je pense que ça faisait même partie du charme que l’homosexualité avait pour lui. Je pense que c’était totalement un provocateur et quelqu’un qui voulait être remarqué. Je ne pense pas que c’était quelque chose qui jouait tant que ça dans la honte. Ou sinon de manière très souterraine.
Quand il était dans la marine, il jouait à des jeux qui étaient de coucher avec le plus d’hétérosexuels possibles. Il réussissait. Il y avait une initiation à la marine où tous les gars devaient se mettre nus et faire toutes sortes de chose. Je pense que ça peut être traumatique pour beaucoup, mais pour lui c’était absolument génial. Il y a plein d’histoires de lui qui se fait arrêter par la police, et finalement il réussit à ramener le policier chez lui. C’était quelqu’un de complètement anormal. Il avait un pouvoir d’attraction surdimensionné. Il y avait peut-être d’autres choses qu’il voulait cacher. Il aurait préféré être de la noblesse plus haute.
Travailler sur une série sur le monde de la mode t’a-t-il attiré ou répugné de cet univers?
Théodore Pellerin : Je trouve que c’est un monde qui est très très dur. Je pense que je peux être attiré par les belles créations, les beaux vêtements. Mais je ne pense pas être attiré par l’industrie de la mode. Je pense que je serais très malheureux d’essayer d’être là-dedans. Je préfère être chez moi et lire des livres. J’admire quand même les artistes qui touchent à leur époque, qui la voient, qui la racontent en vêtement. Il y a des photographies de mode que je trouve géniales et qui racontent des histoires intéressantes. Mais je ne serais pas capable de survivre.
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