Karen Reyes est une jeune fille de 10 ans qui est fascinée par les monstres et qui est d’ailleurs convaincue d’appartenir à un genre bien distinct de l’espèce humaine : les lycanthropes. Nulle surprise, puisqu’en 1968, être une louve-garou est sans doute socialement beaucoup plus acceptable qu’être attirée par les femmes.
Dans le premier volume, Karen enquête sur la mort d’Anka Silverberg, une belle et mystérieuse voisine rescapée de la Shoah, qui ce se serait « suicidée » d’une balle en plein cœur. L’explication lui semble tirée par les cheveux et elle décide donc de revêtir un imperméable à la Colombo pour faire la lumière sur cette histoire.
Ce faisant, elle part à la rencontre d’autres monstres, bons et mauvais. Elle se retrouve plongée au cœur d’un véritable nid de vipères où pullulent truands, prostituées, drag queens scarifiées et fantômes qui, pour chaque réponse apportée, soulève un lot de nouvelles questions.
Elle lève ainsi le voile sur le passé d’Anka, au cœur des camps d’extermination nazis, mais également sur des éléments troublants du passé de sa propre famille, plus particulièrement son frère, Deeze, qui aurait eu un frère jumeau tué par balle alors qu’il n’était encore qu’un bébé. Mais dans quelles circonstances et que cherchent à cacher les forces policières ? Par ailleurs, qu’est-ce qui se dissimule au sous-sol de son immeuble, derrière des portes soigneusement cadenassées ?
Elle peut heureusement compter sur l’aide de Shelley, une nouvelle camarade qui partage son obsession des monstres et qui flirte avec elle, de Jeffrey « The Brain » Alvarez, dont le principal loisir est d’élaborer des théories du complot, et de Françoise, une amie qu’elle avait autrefois connue sous le nom de Franklin.
Un roman graphique qui adopte plusieurs formes : journal intime, roman policier et bestiaire de monstres fantastiques. Le récit est d’ailleurs émaillé de magnifiques planches en format pleine page, pastichant le style de certaines couvertures Pulp des comics des années 40 et 50.
Le premier volume, louangé par la critique et récipiendaire de nombreux prix, a été publié en 2017 (2018 en français) et il aura fallu attendre sept années pour enfin pouvoir plonger dans sa suite. Il faut dire que l’autrice, Emil Ferris, est demeurée partiellement paralysée après avoir contracté le virus du Nil.
Malgré cette longue attente, ce nouvel opus ne déçoit pas, tant par la magnificence de son graphisme que par un récit qui, bien que sautant parfois du coq à l’âne, demeure toujours prenant, voire hypnotisant. Il faut par ailleurs souligner le travail hors pair réalisé par la maison d’édition québécoise Alto, tant pour la traduction française de Jean-Charles Khalifa que pour le lettrage de Toussaint Louverture et Emmanuel Justo.
INFOS | Moi, ce que j’aime, c’est les monstres (livre deuxième) / Emil Ferris. Québec : Alto, 2024, 416 p.