Mardi, 22 avril 2025
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    Comprendre les origines du chemsex pour moins juger

    Intervenant dédié aux enjeux du chemsex à la Clinique médicale urbaine du Quartier latin, Daniel Jonathan Laroche plaide pour un retour aux sources du phénomène pour apaiser les jugements.

    Dans quel contexte as-tu accumulé une compréhension du chemsex ?
    Daniel Jonathan Laroche : J’ai eu mes propres expériences pendant plusieurs années avec le chemsex dans ma vie personnelle. Un jour, j’ai dû faire du travail sur moi-même et des changements. J’ai commencé à faire du bénévolat, ce qui m’a amené à faire de l’intervention dans le milieu communautaire. Depuis l’été 2024, je travaille comme intervenant à la clinique du Quartier latin.

    En quoi consiste le programme de chemsex ?
    Daniel Jonathan Laroche : On veut offrir à la communauté un service de soutien. Très souvent, les services dans le système de santé sont moins adaptés pour la clientèle de GBHarsah (gais, bisexuels, hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes). Les professionnel.le.s ne les comprennent pas toujours. Bref, on les accompagne en fonction de ce qu’ils veulent faire : simplement en parler en profitant d’une écoute pleine de compréhension, réduire leur consommation ou entamer un cheminement pour arrêter complètement.

    Quel est l’impact du chemsex sur l’épidémie de VIH dans la communauté ?
    Daniel Jonathan Laroche : Je n’évolue pas en recherche, alors je n’ai pas les données exactes, mais on observe une augmentation certaine. Selon les chiffres de la Direction régionale de la santé publique de Montréal, en 2022, on observait une hausse du VIH dans la communauté. Il y a également une hausse importante de la consommation.

    La pandémie a fait beaucoup de tort à la santé mentale et beaucoup de gens se sont tournés vers la consommation, ce qui peut entraîner une hausse de pratiques sexuelles non protégées et de plus grands risques de transmission du VIH. Également, il y avait moins de services de soutien réguliers pendant la pandémie et certaines personnes sont devenues moins enclines à prendre leur PrEP. Les gens se sont un peu déresponsabilisés, ce qui fait écho à tout le reste : la santé mentale, l’isolement, la sexualité qui sert à compenser quand on ne va pas bien, etc.

    En 2025, quels sont les plus grands enjeux en matière de prévention ?
    Daniel Jonathan Laroche : Il n’y a pas d’investissements des gouvernements en prévention. Au Québec, on essaie de guérir, mais on ne prévient pas. Aussi, il y a beaucoup de stigmatisation envers le crystal meth. Je comprends que c’est une drogue beaucoup plus forte que les autres et qui fait des ravages souvent plus rapidement que les autres, mais plus on la stigmatise, moins les gens vont en parler : c’est ça le plus gros danger. Je dirais aussi que lorsqu’on retrouve dans notre environnement des personnes qui ont besoin de soutien, on est parfois moins porté à vouloir leur offrir, car ça nous affecte directement. On a parfois tendance à prendre nos distances des personnes qui consomment et qui auraient besoin de notre aide.
     
    Peut-on avoir une consommation responsable ?
    Daniel Jonathan Laroche : C’est possible, mais ce n’est pas tout le monde qui peut y arriver. Ça dépend de la substance qu’on consomme. Les plus associées au chemsex sont le crystal meth, le GHB et la kétamine. Les gens qui consomment les deux dernières, sans cristal, sont peut-être plus en mesure de contrôler leur consommation. Par contre, quand on implique des stimulants comme le crystal meth, une drogue puissante qui dure longtemps et qui a des effets sur le cerveau, c’est souvent plus difficile de garder un équilibre et d’avoir une consommation récréative. Cela dit, certains le font. On remarque aussi qu’une personne avec une vie plus structurée, avec une job à temps plein, qui étudie ou qui fait du sport régulièrement, va être tellement organisée, même dans ses downs, qu’elle va continuer quand même ses activités.

    Quelle devrait être la réponse de la communauté aux enjeux du chemsex ?
    Daniel Jonathan Laroche : Offrir du soutien, de la communication et de l’empathie.
    On gagnerait à se montrer plus attentifs envers nos amis, car il y a généralement des signes permettant de s’apercevoir de ce qui se passe. Peut-être qu’on pourrait être plus ouverts à militer pour ces services-là. Notre communauté a longtemps eu l’habitude de se faire entendre, mais on commence à perdre ces réflexes.

    Quels sont les principales idées préconçues à propos du chemsex ?
    Daniel Jonathan Laroche : Je pense aux anciennes campagnes de peur du crystal meth, où on voit une personne qui n’a plus de dents dans la bouche. Ça suffit. Ce n’est pas vrai que tu vas consommer du crystal et perdre toutes tes dents. Aussi, c’est faux de dire que tu vas automatiquement finir à la rue. Et on doit arrêter de dire que tout est perdu pour les personnes qui consomment. Ou encore que ça ne nous concerne pas. Je vois des gens de tous les milieux qui ont de très bons emplois et qui ont besoin d’aide.

    Quelles sont les informations trop méconnues à propos du chemsex ?
    Daniel Jonathan Laroche : Le grand public doit comprendre que la consommation sexualisée dans la communauté queer part de l’époque où on devait se cacher pour se rencontrer. On devait se rendre dans des endroits clandestins où on retrouve souvent des transactions de drogues. Aussi, encore de nos jours, quand on grandit avec l’impression d’être inadéquat en raison de notre orientation sexuelle, ça laisse des traumas, même si on finit par l’accepter à l’âge adulte. C’est pour ça que la consommation prend autant de place dans la communauté. En plus, nous sommes moins centrés sur le fait d’avoir des enfants, on a moins de responsabilités, on a plus de libertés dans nos temps libres. Tout ça explique pourquoi le phénomène du chemsex est présent. Si on ne prend pas ça en considération, on ne pourra jamais vraiment comprendre.

    INFOS | https://methetrealite.com
    CMU du Quartier Latin https://www.cmuql.com

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    GILEAD, qui n’a eu aucun droit de regard sur celui-ci.

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