Mardi, 22 avril 2025
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    Montréal à travers la lentille de Suzanne Girard…

    Suzanne Girard, militante montréalaise et photographe de renom, est à l’honneur dans la nouvelle exposition collective Battre le pavé : la photo de rue à Montréal, qui débutera le 18 avril au Musée McCord Stewart.

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    Tirée principalement de la célèbre collection de photographies du Musée McCord Stewart, l’exposition Battre le pavé présente l’histoire de la photographie de rue, telle que pratiquée à Montréal du 19e siècle à nos jours, avec plus de 400 photographies de 30 photographes.

    De nombreuses photos de Suzanne Girard sont aujourd’hui conservées dans la prestigieuse collection de photographies du Musée McCord Stewart. La professeure de photographie, aujourd’hui âgée de 75 ans et retraitée du Collège John Abbott, où elle a enseigné pendant 25 ans, a également joué un rôle clé dans la création de plusieurs festivals de cinéma locaux, tels que le Festival des films de femmes de Montréal, le Festival international du cinéma chinois et le premier et le plus ancien Festival de cinéma LGBTQ du Canada, l’innovant image+nation. Mais Suzanne Girard est surtout connue pour avoir cofondé, avec Puelo Deir, Divers/Cité, la première organisation structurée de la Fierté montréalaise, qui a placé Montréal sur la carte gaie internationale en 1993 et ​​a contribué à la réputation favorable de notre ville comme destination queer internationale.

    Suzanne Girard a consacré 22 ans de sa vie en tant que directrice générale de Divers/Cité, où elle a encadré plusieurs générations de jeunes queers, dont moi, jusqu’à la fermeture de Divers/Cité en 2015. Nous nous sommes récemment assis pour une séance de questions-réponses en toute franchise.

    Qu’est-ce qui t’a attiré vers la photographie ?
    SUZANNE GIRARD : J’ai terminé mes études secondaires l’année de l’Expo 67. J’ai ensuite suivi un cours de photo avant de commencer le cégep, avec des appareils photo et des chambres noires. Et j’ai eu la piqûre. C’était une période culturelle très active à Montréal à cette époque.

    Tu as aussi enseigné la photographie au Collège John Abbott.
    SUZANNE GIRARD : J’y ai enseigné la photographie pendant 25 ans. J’ai enseigné un semestre pendant la COVID avant de prendre ma retraite. J’ai adoré enseigner à John Abbott. J’étais aussi coprésidente de leur département d’arts médiatiques. Lorsque Divers/Cité a pris fin, j’ai enseigné à temps plein.

    Comment t’es-tu impliquée dans cette exposition ?
    SUZANNE GIRARD : J’ai rencontré l’historienne de la photographie Zoë Tousignant, qui est la conservatrice de la photographie au Musée McCord Stewart. Lorsque nous nous sommes rencontrées, je lui ai parlé du collectif de photographes Plessisgraphe, que j’ai fondé avec Marik Boudreau et (la regretté) Camille Maheux, et Zoë nous a invitées à participer à l’exposition.

    Lesquelles de vos photos sont exposées ?
    SUZANNE GIRARD : C’est une série sur le bar lesbien Labyris, rue Saint-Denis, que j’ai photographié en 1982 pour une exposition à la galerie Powerhouse. Labyris était un petit bar où tout le monde se connaissait. J’ai pris des photos pendant quelques week-ends pendant que les gens faisaient la queue à l’extérieur. J’ai aussi fait beaucoup de travail en laboratoire parce que j’étais une accro du labo. J’adorais manipuler les images au maximum. Quand je suis passée au numérique, j’ai arrêté toute manipulation d’images. Incroyable, non ?

    Ta célèbre photo de l’ancienne lutteuse professionnelle Denise « Babyface » Cassidy, en complet blanc, debout dans l’embrasure de la porte de son légendaire bar lesbien du centre-ville de Montréal, Babyface, capture une époque. Comment cette photo a-t-elle été prise ?
    SUZANNE GIRARD : C’était en 1979 et c’était son 41e anniversaire. C’était sa fête d’anniversaire. Les gens se souviennent toujours de cette photo. L’autre photo bien connue a été prise lorsque Denise m’a demandé : « Peux-tu aussi me photographier avec ma voiture ? »

    Qu’est-il arrivé à Denise Cassidy ?
    SUZANNE GIRARD : Elle était une snowbird qui vivait en Floride à la fin de sa vie, mais elle est apparemment décédée à Montréal. Elle n’est plus parmi nous.

    Ton amie, la photographe Camille Maheux, a documenté les quatre premières années de la marche de la Fierté Divers/Cité. Elle avait 76 ans lorsqu’elle est décédée dans l’incendie à cinq alarmes qui a détruit l’édifice William-Watson-Ogilvie dans le Vieux-Montréal en mars 2023.
    SUZANNE GIRARD : Camille avait peur du feu. C’est incroyable de perdre des gens comme ça.

    MARIK BOUDREAU, I Love Women (in a Gay Way), Montréal

    L’œuvre de toute une vie de Camille a également été perdue dans cet incendie. Est-ce qu’on a pu sauver quelque chose ?
    SUZANNE GIRARD : Elle a utilisé mon laboratoire et a souvent laissé ses négatifs. Parfois, quand elle voyageait, elle m’apportait des négatifs et disait : « Gardez ça pour moi. »

    Parce que j’avais toujours de la place. J’ai donc ses négatifs Divers/Cité, mais c’est surtout le défilé.

    Comment protèges-tu tes propres archives ?
    SUZANNE GIRARD : Les archives du Plessisgraphe de 1976 à 1987 seront conservées au Musée McCord Stewart. Et il n’y a pas que les photos lesbiennes.

    As-tu pensé à publier un livre de tes photos historiques ?
    SUZANNE GIRARD : Non, je ne vois pas d’intérêt. Pour l’instant, je me concentre sur les archives en raison de mon âge et parce que beaucoup de mes amis y vont.

    La photographie a-t-elle été dévalorisée par les médias sociaux ?
    SUZANNE GIRARD : Non. En fait, la photographie a pris de l’ampleur grâce aux médias sociaux. Elle est devenue plus accessible. Tout le monde aime prendre des photos. C’est amusant. Mais j’aimerais aussi que les gens respectent les droits d’auteur.

    Avant que le quartier gai de l’ouest ne laisse place au Village, il y avait quelques bars lesbiens dans le vieux centre-ville de West Village, comme Babyface, Jillys et Chez Madame Arthur. Le Village de l’ouest te manque-t-il ?
    SUZANNE GIRARD : Pour les lesbiennes, il n’y a jamais vraiment eu de village gai. Quand le Village s’est déplacé vers l’est dans les années 1980, le Plateau a été développé et colonisé par les lesbiennes à cette époque. Tout le quartier était comme ça, c’était comme une ville !

    Divers/Cité a mis Montréal sur la carte internationale des homosexuels. C’était une percée et un tournant. À quel point es-=tu fière de l’héritage de Divers/Cité ?
    SUZANNE GIRARD : Je pense que l’héritage dont je suis la plus fière, ce sont les Journées communautaires. C’est mon bébé. Et c’est resté. Les groupes communautaires se sont vraiment mobilisés et cela a une saveur différente des Journées communautaires que j’ai vues ailleurs, notamment à Sydney, à New York et à San Francisco.

    En 2012, Divers/Cité a été contraint de déménager hors du Village parce que la grande scène de la rue Berri bloquait la nouvelle Gare d’autocars de Montréal. Lorsque Gérald Tremblay était maire, la Ville de Montréal a refusé les demandes de Divers/Cité de déménager dans le Quartier des spectacles six années de suite. Ils vous ont dit : « On ne veut pas de ça ici. » Penses-tu que l’histoire de la Fierté à Montréal aurait été différente si la Ville avait permis à Divers/Cité de déménager sa grande scène dans le Quartier des spectacles ?
    SUZANNE GIRARD : Les célébrations de la Fierté sont tellement liées au Village, mais comme il est devenu si grand, on ne pouvait plus le faire là-bas. Et ça n’a pas fonctionné quand on a déménagé dans le Vieux-Port. On n’a pas eu de chance avec la météo, et la réaction sur les réseaux sociaux a été négative. Puis quand Divers/Cité a fermé ses portes en 2015, je veux dire, j’ai l’impression d’avoir échoué. Il m’a fallu très longtemps — des années — pour me remettre de cet échec.

    Divers/Cité a changé la ville. Je considère donc Divers/Cité comme une victoire. Tu as été une héroïne et une « mère » pour deux ou trois générations de jeunes queers comme moi.
    SUZANNE GIRARD : Parfois, je rencontre des gens dans des endroits très étranges. J’étais dans une épicerie du Mile End quand j’ai commencé à parler à quelqu’un que je reconnaissais dans la file d’attente et cette personne derrière nous a dit : « Vous êtes Suzanne ! Merci beaucoup pour ce que vous avez fait ! » Et le gars à la caisse nous regardait — un groupe de gais autour de cette femme — et quand je suis sortie de là, j’ai presque pleuré. Puis j’ai recommencé à penser à Divers/Cité : « Bon, qu’est-ce que j’ai fait de mal ? »

    Maintenant, je sais. Mais ce n’est pas grave. Je n’arrête pas de dire : « Bon, je n’étais pas seule. » Mais comme j’étais en quelque sorte la figure de proue, c’est toi qui en portes le poids, n’est-ce pas ? C’est comme ça, c’est tout.

    Tu es une légende vivante, Suzanne…
    SUZANNE GIRARD : Non. Je ne me repose pas sur mes lauriers parce que je me dis que je n’en ai pas. Je travaille toujours. C’est une question de savoir si tu en es capable, tu dois en faire plus.

    INFOS | La photographe Suzanne Girard est en vedette dans l’exposition collective Battre le pavé : la photo de rue à Montréal, au Musée McCord Stewart du 18 avril au 26 octobre.
    www.musee-mccord-stewart.ca

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