Jeudi, 28 mars 2024
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    L’énigmatique M. Passiour dévoilé

    Vous lisez chaque mois ses textes dans Fugues depuis 18 ans déjà, mais vous ignorez sans doute qui est André Passiour. Le rédacteur en chef adjoint est en effet un homme très discret. Il a l’habitude de faire parler les autres, mais parle rarement de lui. Méticuleux, doté d’une grande écoute et d’une patience sans borne, il sait se montrer neutre, tout en étant empathique aux réalités et problématiques très diverses des gens qu’il a en entrevue. Rencontre découverte… 

    Journaliste au magazine Fugues depuis 1995, André Constantin Passiour est un Canadien d’origine égyptienne. Il est le rédacteur-en-chef adjoint de Fugues depuis 2006 et collabore également aux autres pu-blications des Éditions Nitram et du Groupe Hom, notamment Décor Homme, le Guide arc-en-ciel, la revue Zip et le site Fugues.com pour lequel il signe régulièrement des articles exclusifs sur l’actualité internationale et locale.

    Les origines et sa jeunesse

    Né au Caire (plus exactement à Héliopolis, la ville du soleil en grec ancien), il a quitté l’Égypte avec sa famille à l’âge de 6 ans, au milieu des années soixante, comme bien d’autres chrétiens, pour éviter les persécutions religieuses et la montée de l’islamisme de plus en plus radical. «Mes parents sentaient que la guerre allait recommencer avec Israël et que le climat social allait se détériorer».

    Il a grandi à Montréal dans la Petite-Italie et dans Côte-des-Neiges, deux quartiers qu’il apprécie pour leurs multiculturalismes. Il demeure d’ailleurs dans Côte-des-Neiges depuis 35 ans. «J’aime beaucoup ce quartier qui est fort différent du Village. Ça me permet de faire la coupure avec le centre-ville, qui correspond plus à mon travail, ma vie sociale et professionnelle.»

    Célibataire endurci, il compte un petit cercle d’amis de longue date qu’il voit régulièrement. Parmi eux, un autre collaborateur de Fugues, le Dj et organisateur d’événements Louis Costa. «Mon groupe d’amis s’est formé durant mes années d’université. Pour la plupart d’entre eux, ce fut des amitiés formées presque instantanément et qui ont traversé les années.»

    Pendant ses études en politique, en communication et en relations industrielles à l’Université de Montréal, il est activement impliqué dans l’ACHUM (l’Association communautaire des homosexuels de Université de Montréal) et collabore comme chroniqueur culturel au journal étudiant, le Continuum, puis au Quartier Libre, le journal indépendant des étudiants de l’Université de Montréal, dont il a été le deuxième directeur.

    À peu près au même moment, il s’implique à la création du collectif Diffusions Gaies et Lesbiennes du Québec (aux côté de René Lavoie, Allan Klusacek, Pierre Chakal, Anne Golden et plusieurs autres) pour produire Image+Nation Gaie et Lesbiennes, le festival international de films, qui permettra à la communauté gaie et lesbienne d’ici de se voir à l’écran à travers l’imaginaire de plusieurs cinéastes et de découvrir les réalités d’ailleurs. Il sera de l’aventure pendant cinq ans. «C’est une période dont je me souviens avec beaucoup de bonheur. Je m’occupais surtout des communications et un peu du financement. Nous avions nos rencontres de planification et pour l’organisation du festival dans le salon de René. Les gens qui venaient au Festival à l’époque n’avaient aucune idée à quel point le festival se faisait avec des bouts de ficelles, beaucoup d’implication, de bénévolat et presqu’aucun budget. On grattait les fonds de tiroirs des députés et des conseillers municipaux. C’est comme ça que j’ai rencontré le député André Boulerice, que j’ai interviewé plusieurs fois par la suite.»

    André C. (pour Constantin) est arrivé dans l’équipe de Fugues après avoir collaboré à divers hebdos régionaux dont le journal de Ville-Saint-Laurent et celui de ville Mont-Royal, pour lesquels il signait des articles sur les spectacles, les arts visuels, les festivals, quelque chose qu’il fera aussi très souvent pour Fugues par la suite.

    L’aventure de Fugues

    Le premier dossier dont il s’est occupé comme journaliste pour Fugues, en 1995, portait sur le tourisme rose. Dans le cadre de ce reportage, il a rencontré divers intervenants du milieu récréotouristique de la métropole et plusieurs responsables ou propriétaires de commerces dans le Village. «Ce fut une très belle introduction à ce qui allait venir ensuite», se rappelle celui qui signe dorénavant, chaque mois, Place au Village, une chronique réalisée grâce à la collaboration de la SDC du Village et qui donne la parole à divers intervenants qui font l’événement dans le quartier, qui le font vivre et participent à sa renommée. Au fil des années et des rencontres, pas surprenant qu’André soit devenu un spécialiste des questions locales, développant des liens privilégiés avec plusieurs intervenants qui œuvrent dans le quartier, en étant présent lors d’innombrable événements, assistant même aux excitantes soirées publiques du Conseil d’arrondissement…

    «J’ai la chance de faire un travail passionnant. J’aime rencontrer des gens. Je considère qu’on apprend constamment à travers les autres. Et quand on laisse parler les gens, on apprend réellement beaucoup à travers leur histoire. Je crois que les gens nous parlent — à moi, à toi et aux autres journalistes de Fugues — et se confient plus facilement, c’est justement parce qu’ils nous connaissent, qu’ils ont confiance. Ils savent que nous ne recherchons pas le scoop à tout prix et que nous avons une éthique dans notre travail. Il faut très souvent une bonne dose de doigté et beaucoup de nuances pour donner un portrait juste des différents enjeux.»

    Témoin privilégié de la vie gaie, allant du politique au communautaire, en passant par la santé gaie, la culture, le style de vie et autres, André se rappelle le temps pas si lointain où le combat pour l’égalité au Canada se jouait devant les cours d’appel et suprême. «On pouvait voir dès les premiers cas qui ont passé devant la Cour suprême où nous nous dirigions. Grâce aux chartes des droits et libertés, la voie était tracée. J’ai quand même été un peu surpris par la rapidité avec laquelle, les gais et les lesbiennes ont eu accès au mariage.?Et cela sans trop de cris. Quand on compare notre situation à celle des États-Unis et de la France, cela s’est fait très rapidement et de manière assez civilisée».

    Comment voit-il l’avenir? «On vit dans un certain confort et une certaine indifférence vis-à-vis les réalités que vivent les LGBT, alors que la situation mondiale est très importante. J’ai suivi avec beaucoup de désolation les débats qui se sont tenus en France. J’espère que les Québécois ont été sensibilisés aux questions des droits gais, par notre proximité linguistique avec la France. Mais il faut prendre plus conscience de la réalité des LGBT à l’étranger. Il faut aider les lesbiennes, les gais d’ailleurs pour qu’ils puissent améliorer leur sort. Il faut faire pression pour changer les législations qui discriminent et mettent la vie des LGBT en danger.» En ce sens, il voit un peu son travail de journaliste, comme celui d’un militant.

    Bien qu’il n’ait jamais remis les pieds dans son pays d’origine depuis son départ, il suit ce qui s’y passe avec beaucoup d’attention et pas uniquement lors des manifestions Place Tahrir, en 2011 ou dix ans plus tôt avec l’affaire du Queen Boat, largement médiatisée. «J’ai à plusieurs reprises pensé visiter mon pays d’origine, mais chaque fois, il se passait de quoi et je ne l’ai pas fait. Je sais que je vais découvrir un pays qui est très différent de celui que j’ai connu. D’ailleurs, moi aussi j’ai changé et je suis plus vieux… (rires)» C’est évidememnt les longs mois d’hiver que ce cinquantenaire (qui ne fait pas son âge) s’ennuit le plus de son pays d’origine. «Il ne fait jamais assez chaud pour moi à Montréal», me dit André, alors qu’on traverse une canicule dans la métropole.

    Difficile de faire le portrait juste et complet d’un journaliste, qui est à la fois un collègue et un ami. Cet homme discret, aimé par tous (et surnommé affectueusement «Monsieur Donut», du fait qu’il amène au bureau des beignes pour toute l’équipe à chaque jeudi) possède une très rare qualité, celle de savoir écouter les autres et de les mettre à l’aise.


    EN BREF…
    La première entrevue que tu as réalisée pour Zipper
    (l’ancêtre de Zip) sous le nom de plume Marc Antonio ?
    C’était avec le réalisateur Kristen Bjorn.

    Ta plus grande qualité et ton plus grand défaut ?
    La qualité : la patience envers les autres. Le défaut : être parfois en retard à certains rendez-vous. Je suis Méditérranéen après tout…

    Les quatre ou cinq rencontres les plus enrichissantes ?
    Dans le désordre, je dirais Suzanne Girard, René-Richard Cyr, Michel-Marc Bouchard et Charles Lapointe, des gens passionnés par leur travail et qu’il a été tout autant passionnant d’interviewer.

    Pourquoi toujours t’habiller en noir ?
    Je n’ai pas cette habileté qu’ont beaucoup de gais à agencer les couleurs.? Et le noir est la couleur de la simplicité, de la modestie et de l’humilité.? Et cela me décrit très bien.

    Ce que les lecteurs ignorent de toi ?
    Je collectionne les drapeaux de différents pays.

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