Est-il possible de faire carrière au sein d’une institution et d’en gravir les échelons en restant soi-même? Est-il possible, au sein de la même institution, de s’engager socialement pour faire changer la perception des minorités sexuelles aussi bien auprès de ses employés que de la clientèle? La réponse est oui. Jean-Paul Lachapelle en est un exemple significatif. Employé depuis 31 ans à la Caisse populaire Desjardins, dont les 12 dernières années comme directeur général de succursale, il est de plus porte-parole du comité LGBT Desjardins, membre de Fierté au travail et siège sur le conseil d’administration de Gai Écoute. Son secret : l’homme est passionné. « Quand j’entreprends quelque chose, je vais jusqu’au bout avec le souci de l’exigence. »
Assis dans son bureau de la Caisse populaire Rosemont-Petite-Patrie, dont il préside la destinée depuis quelques mois, Jean-Paul Lachapelle ne tarit pas sur le travail d’inclusion de la diversité, aussi bien à l’intérieur du réseau des caisses que dans ses autres fonctions bénévoles. Il est beaucoup plus discret sur sa vie privée. Peut-être fait-il partie de ces hommes qui savent que leur implication et les résultats obtenus en disent plus sur eux que des détails anecdotiques. La barbe fournie, le costume bien taillé rehaussé d’une élégante cravate, Jean-Paul Lachapelle a tout de l’homme qui en impose naturellement et qui rassure. Ce qui installe tout de suite un climat de confiance et de chaleur. Et sans forcer la note, ce qui est rare.
Incidemment, au détour de la conversation on apprendra qu’il est un enfant adopté, qu’il a fait sa sortie du placard au début des années 90 à ses proches, puis tranquillement dans le cadre du travail. «En fait, je n’étais pas vraiment caché. Je n’en parlais pas, mais je ne le niais pas non plus quand cela venait sur le tapis. Comme je n’avais pas le sentiment de me cacher, je n’en souffrais pas.» Mais il reconnaît qu’il y a 30 ans la question d’en parler ouvertement dans le milieu de travail représentait un autre défi qui pouvait avoir des conséquences sur le déroulement d’une carrière.
« C’est sûr que j’ai été reconnu pour mes compétences, mais si j’excellais ce n’était pas pour me protéger. Je crois que ce devoir d’exigence fait partie de ma personnalité, que ce soit dans un travail ou dans une activité que je vais choisir », confie-t-il. « C’est peut-être ce qui m’a permis d’en arriver là où je suis. Mais aussi parce que j’ai des valeurs qui sont ma marque de commerce : la transparence, le respect et la loyauté, et je crois que beaucoup ont perçu ces qualités-là chez moi.»
Dans cette perspective éthique, c’est tout naturellement qu’il commence au milieu des années 2000 à s’impliquer dans le comité LGBT Desjardins dont il deviendra le porte-parole. « Il est important de bien représenter les membres que l’on représente et de les rejoindre dans leur diversité.
Chaque caisse dessert une population spécifique, comme par exemple des quartiers où il y a une très grande présence de minorités culturelles, il est donc nécessaire qu’elles se reconnaissent dans l’institution à laquelle elles font confiance, il en va de même avec la diversité sexuelle, explique Jean-Paul Lachapelle.
À travers le comité LGBT Desjardins, deux volets sont privilégiés: l’un est de faire savoir à la clientèle LGBT qu’elle sera toujours bien reçue par les caisses, l’autre volet est d’informer les employés, gestionnaires et administrateurs issus de la minorité sexuelle qu’ils peuvent être eux-mêmes à l’intérieur de l’institution, aussi bien avec leurs collègues que leurs supérieurs.»
Des actions sont donc menées en se servant des nouvelles technologies pour faire valoir le degré d’ouverture. Et le directeur général est très fier de voir que l’ensemble des caisses de l’île de Montréal ont embarqué dans ce projet sans aucune réserve.
Pas question pour Jean-Paul Lachapelle de s’arrêter en si bon chemin. « Il était aussi important pour moi, devant toutes les avancées légales et sociales des dernières années, d’apporter ma petite contribution. » L’homme connaît le travail de la Fondation Émergence pour laquelle il éprouve une grande admiration. «J’ai découvert avec plaisir le travail de la Fondation Émergence. Elle a une très belle renommée et un rayonnement auprès du grand public, en la personne de son fondateur Laurent McCutcheon, qui portait des dossiers de façon très professionnelle et jamais de manière choquante. De plus, la Fondation Émergence et Gai Écoute pouvaient saisir les réalités des enjeux actuels», rappelle Jean-Paul Lachapelle.
Si beaucoup de chemin a été parcouru, il reste à déterminer ce qu’il reste à parcourir. Entre autres l’inclusion des personnes trans. « À Gai Écoute, tout comme à Fierté au travail, on regarde ce qui se passe pour les personnes trans en milieu de travail. Nous travaillons en collaboration avec la présidente de l’Aide aux transsexuels et transsexuelles du Québec (ATQ), Monica Bastien, sur ce volet-là.»
Pour Jean-Paul Lachapelle dont le parcours exemplaire peut servir d’exemple à plusieurs, l’engagement tout comme la sortie du placard doivent se faire au rythme de chacun, en fonction de sa propre expé-rience. Il considère qu’il n’est plus nécessaire de choquer la population en général, une stratégie, selon lui, dépassée, puisque les personnes LGBT ont beaucoup gagné en termes d’intégration et de reconnaissance sociale. Cependant, pour le directeur-général, il faut continuer à banaliser et à maximiser cette intégration par des campagnes ciblées sur des aspects particuliers de nos réalités, peut-être en appliquant les valeurs qui sont les siennes : transparence, respect, loyauté.