Pour la plupart des Québécois, le polo est le sport équestre que pratiquent les princes Harry et William, méritant ainsi le titre du «sport des rois». Après des décennies, voire quelques siècles de tradition, une brèche s’est formée dans cet univers formaté, avec la création de la première ligue de polo gaie, en Floride.
La présence du polo en Amérique du Nord est presque une incongruité. Très populaire en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et dans le monde arabe, la discipline compte tout de même un nombre d’adeptes suffisant pour former des équipes aux États-Unis et au Canada. Certaines d’entre elles se démarquent d’autant plus qu’elles sont affi-liées à la seule ligue de polo gaie du monde, la GPL, basée à Palm Beach.
En entrevue avec Fugues, le président fondateur de la ligue, Chipp McKenney, témoigne de l’environnement sportif qu’il a toujours connu, avant de créer la ligue. « Durant ma jeunesse, j’aimais énormément le sport, mais je n’étais pas confor-table avec les activités d’équipes. Je n’avais pas l’impression d’être dans un environnement sécuritaire émotivement. J’avais littéralement peur des vestiaires! Je me suis donc concentré sur les sports individuels, où j’excellais. J’ai commencé les compétitions équestres à 13 ans. Avec les années, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de coureurs gais et que le milieu équestre semblait très accueillant. Je ne suis pas sorti du placard instantanément, mais je me sentais de plus en plus moi-même, jusqu’à ce que j’en parle ouvertement. »
Des années plus tard, à 50 ans, il a découvert le polo. Ce fut la révélation. «J’étais à mi-chemin de ma première leçon à Santa Barbara, lorsque je me suis tourné vers mon instructeur pour lui dire que j’allais créer une ligue de polo gaie!»
L’homme d’affaires raconte qu’il s’est marié à son nouveau sport de prédilection avec la communauté LGBT, pour des raisons bien diverses. « D’un côté, je cherchais un moyen de rencontrer des gais à l’extérieur des bars, où je n’allais plus depuis des années. Puis, j’avais envie d’offrir un environnement ouvert pour que nos athlètes goûtent à l’esprit de camaraderie que plusieurs homosexuels n’ont pas connu en grandissant. Je ne savais pas comment on allait être reçu par le reste de la communauté du polo, mais les réactions ont été enthousiastes. L’association américaine nous soutient depuis le début et le public est au rendez-vous!» La preuve : la GPL a tenu le deuxième match de polo le plus populaire de l’histoire américaine avec plus de 5000 spectateurs. Si bien que de nombreuses entreprises ont courtisé ses dirigeants pour offrir des commandites. « Les condoms Trojan nous ont approchés rapidement, en voyant le potentiel d’attraction de notre ligue. Mais nous préférons garder notre ligue et nos événements sans lien direct avec la sexualité», explique Chipp McKenney. Une réponse un tantinet ironique, sachant que la ligue a organisé un party où de jeunes éphèbes, qui étaient dési-gnés comme des «gigolos», déambulaient torses nus parmi les fêtards, le 10 avril dernier.
Qu’à cela ne tienne, les rencontres sportives fort populaires sont organisées dans les installations luxuriantes du International Polo Club de Palm Beach, dans la municipalité de Wellington. De janvier à avril, le public peut payer des billets d’entrée à 10 $ ou s’offrir un brunch, du champagne et un valet de stationnement pour environ 300 $. Dans les faits, le public semble se déplacer pour vivre un événement social à la mode, où tous les riches bourgeois bien habillés, gais comme hétéros, se rassemblent pour se voir et être vus.
Lors de notre visite en avril dernier, lors de la sixième Semaine annuelle de polo gai international, plusieurs centaines de spectateurs jetaient des coups d’œil distraits aux parties qui se déroulaient sur l’immense terrain de 300 verges de long et 160 de large. Leur attention était plutôt dévouée aux dizaines de tentes installées de chaque côté du terrain, où l’on trouvait un bar à jello shots, un coin détente avec champagne et bonbons, un espace BBQ, une section pour zieuter des messieurs muscles peu vêtus et un faux salon de coiffure tenu par des drags queens excentriques qui s’arrangeaient pour vous défriser le toupet, vous débarrasser de votre chemise et catapulter un jet d’alcool dans votre bouche. Le taux d’alcoolémie a grimpé, les participants ont réseauté, rigolé et se sont observés comme ils le feraient dans un bar, pendant que les chevaux s’échinaient sous le soleil ardent de la Floride.