Cher André, tu viens de nous quitter. À croire que t’as choisi le meilleur moment pour faire ta sortie: en pleine saison des célébrations de la fierté gaie! Et cette année, il y a quelque chose de spécial dans l’air. T’as peut-être vu ça aux nouvelles, dans ta chambre à l’hôpital Notre-Dame. Il y a deux jours à peine, à Toronto, on a vu pour la toute première fois au Canada un premier ministre participer au défilé de la fierté gaie. Si on a pu voir ça en 2016, je suis persuadé que c’est en partie… de ta faute! Parce qu’en animant l’émission Sortie Gaie de 1998 à 2003, tu as participé à ouvrir l’esprit des gens, à démystifier les réalités des gais, lesbiennes, trans… À ta façon, tu as fait évoluer les mentalités.
C’est sur cette émission qu’on s’est rencontrés, au début des années 2000. J’ai joint l’équipe de Sortie Gaie (quelle belle équipe!) en ne me doutant pas à quel point c’était possible de faire de la télévision intelligente, divertissante et ô combien utile!
Le jeune réalisateur, que j’étais, a été choyé de t’avoir comme animateur. J’avais peu
d’expérience mais tu m’as fait confiance. Ça nous a permis de faire de belles rencontres autant dans les groupes communautaires que chez les célébrités comme Michel Tremblay, Jean Guilda, Émile Gaudreault et j’en passe. On avait même tournée une émission spéciale à Puerto Vallarta et une autre qui commémorerait notre 100e épisode.
Et c’est lors de cette émission qu’on avait demandé au public en quoi Sortie Gaie était importante dans leur vie. Je me rappelle des messages qu’on avait reçus. Il y avait les mots de ces parents qui nous remerciaient parce que, grâce à cette émission, ils comprenaient mieux leur enfant homosexuel. Ou encore ce message d’un jeune homme gai qui m’a marqué à jamais: “Bonjour, grâce à Sortie Gaie, je suis encore en vie!” Faire un show de télévision et se faire dire «merci, je ne me suis pas suicidé», ça fait un petit frisson de bonheur dans le corps! Cher André, à ta façon, t’as réussi à rendre ce monde plus beau.

Pourtant, il y a deux semaines, j’étais avec toi, dans ta chambre, à l’unité des soins palliatifs. Une musicienne qui se promenait de chambre en chambre s’était arrêtée pour faire quelques chansons. Il y a eu « L’hymne à l’amour » de Piaf et ensuite tu as chantonné avec elle « La vie en rose ». Cette chanson venait mettre un baume sur ce que t’avais vu aux nouvelles plus tôt : la tuerie d’Orlando. J’aurais voulu que tu ne voies pas ça. Mais faut croire que tout n’est pas rose encore en ce bas monde. Il reste du travail à faire pour, non pas se faire tolérer, mais se faire accepter. J’avais pensé participer au prochain défilé de la fierté à Montréal pour souligner le tragique événement d’Orlando. Mais avec ton départ, ma participation prend un autre sens. J’irai marcher aussi pour te rendre hommage. Et je ne serai pas seul; d’autres personnes seront là, des gens qui t’ont côtoyé à l’époque de Sortie Gaie et des amis. En chœur, on te saluera! Où que tu sois, on te tire notre chapeau André!