Le numéro 152 de la revue littéraire Moebius présente, comme à son habitude, des textes surprenants, à la fois intelligents et émouvants, mariant allègrement auteurs établis ainsi que ceux issus de la scène émergente.
Dans ce dernier numéro, on retrouve un nouveau récit de Mario Cyr à qui l’on doit de nombreux titres qui ont marqué le milieu littéraire au cours des dernières années : Mourir, Journal intime d’Éric, séropositif, Ce n’est qu’avec toi que je peux être seul, L’éternité serait-elle un long rêve cochon, etc.
Dans le cadre de cette nouvelle œuvre – Chute de l’arbre en forêt – l’auteur aborde le thème de la mère, mais par l’intermédiaire d’un chemin qui n’est que rarement emprunté : une hostilité et une rancœur féroce.
Le personnage maternel se trouve à la fin de sa vie et génère frénésie et dévouement auprès de tous ses enfants qui se préparent à accueillir son dernier souffle. Tous? Non, puisque le narrateur jette un regard critique sur le cirque des faux semblants et de clichés compatissants qui se met en place.
C’est d’une plume nerveuse et acérée qu’il remet les pendules à l’heure et décrit cette mère qui n’en fut jamais une et dont la mort annoncée ne lui laisse que de mauvais souvenirs.
Ce règlement de compte intérieur, d’une grande violence, fait mouche à tous coups et le lecteur ne peut se défendre du sentiment diffus d’être un simple intrus qui, après avoir entrouvert une porte par mégarde, est témoin d’un drame privé.
Le titre fait évidemment référence à l’énigme métaphysique de l’arbre qui tombe dans une forêt déserte : fait-il ou non du bruit? Si on transpose la question dans le récit de Mario Cyr, on est en droit de se poser la question suivante : si une mère n’a jamais été présente, sa mort peut-elle avoir un réel impact? Peut-on vraiment l’entendre mourir?
Chute de l’arbre en forêt / Mario Cyr : Montréal : Moebius, 2017. (Moebius, no 152)