Kent Monkman se réapproprie l’histoire à travers la culture

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The Daddies par Kent Monkman (2016)

Dès février, le Musée McCord propose une vaste exposition rassemblant des peintures et des installations de Kent Monkman en lien avec des artefacts autochtones issus des collections du musée, pour mieux appréhender et se réapproprier l’autre côté du miroir… et de l’Histoire.

Kent Monkman est venu plusieurs fois exposer au Musée McCord, notamment lors d’une résidence en 2014 pour Bienvenue à l’atelier», rappelle Guislaine Lemay, conservatrice Cultures autochtones et conservatrice Arts décoratifs.

«Il connaît bien la collection; il travaille avec et s’en inspire. Son travail est aussi une exploration de notre passé socioculturel. Kent s’intéresse beaucoup aux collections des musées et de leurs regards sur les autochtones. Les artistes ont une manière de faire vivre les objets différemment et donner ainsi d’autres points de vue de l’Histoire.»

Cette exposition, qui tourne depuis deux ans au Canada, est divisée en neuf chapitres thématiques. Elle s’installe jusqu’au dimanche 5 mai au Musée McCord avant de poursuivre sa route pour quelques années encore.

«Kent Monkman part de l’idée que les collections diffusent un langage européen, qu’il reprend et développe en le réinterprétant pour bousculer les idées reçues», analyse Guislaine. «Avec les artefacts et les installations qui complètent l’expo, il s’agit de prendre conscience des conditions de vie des autochtones telles quelles sont vécues et pas seulement observées par les colonisateurs.»

Raconter une autre Histoire
«Les peintres européens du 19e siècle créaient selon leurs expériences en Amérique du Nord, mais sans inclure le point de vue des Premières Nations», affirme Kent Monkman. «Les peintures historiques dans nos musées restent donc très subjectives parce qu’elles ne représentent qu’un aspect de l’Amérique du Nord. J’ai étudié l’approche de l’art européen et canadien sur l’ouest américain. Du XIXe siècle à aujourd’hui, cette part d’Histoire a peu à peu disparu dans l’art moderne, au détriment du témoignage. L’art moderne s’est désintéressé de cette approche», déplore l’artiste. «Dès cette époque déjà, les Amérindiens ressentaient une perte d’identité.»

Kent Monkman, The Scream, 2017. 84″ x 126” Acrylique sur toile. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Peintre abstrait pendant plusieurs années, la peinture abstraite le limitait, affirme-t-il. «La peinture figurative et représentative s’avère un moyen de communication fort et très efficace. J’ai vu la possibilité d’en faire une autre narration. La peinture historique telle que je la revisite me donne la possibilité de corriger, « re-raconter » l’Histoire de l’Amérique du Nord», avance Kent Monkman.

«Je pensais que c’était la manière la plus efficace de contrebalancer, corriger cet état de fait unilatéral en travaillant dans le style de ces peintres historiographes. Cela me permet aussi d’aborder des thèmes narratifs historiques et politiques.»

Kent Monkman, Nativity Scene, 2017. Installation multimédia. Don du Comité des bénévoles au Museum London (1956-2017), à la mémoire de Shelagh Martin-McLaren, 2017.

Miss Chief Eagle Testickle, alter ego «atemporel»
«Je suis très critique du pouvoir religieux et politique qui ont fait un véritable génocide culturel amérindien en enlevant les enfants des communautés autochtones.» Selon Kent, les églises, autant catholique qu’anglicane, et le Gouvernement sont complices et responsables en ouvrant des écoles pour nier les références culturelles des enfants.

«Ce qui est arrivé à notre communauté arrive encore dans le monde. Aux États-Unis, ils ont enlevé les enfants migrants à leurs parents. Ils les détruisent pour la vie. Enlever un enfant de sa communauté culturelle, c’est un génocide!»

Kent Monkman, The Subjugation of Truth, 2016. Acrylique sur toile. Collection de Donald R. Sobey.

L’Histoire est écrite par les vainqueurs, dit l’adage. «Mon approche n’est pas une revanche parce que l’Histoire reste l’Histoire. Mais il s’agit bien d’ouvrir une perspective différente sur la domination européenne, montrer un autre côté de cette Histoire qui a effacé plusieurs horreurs, la brutalité et le génocide par les colonisateurs européens. Mais la plupart des Canadiens n’ont pas étudié cette histoire de génocide. On a effacé cette partie de la propre histoire de cette génération.»

Humour et résilience
«L’humour est dans mes peintures parce qu’il y en a beaucoup dans la culture amérindienne. C’est une façon de briser la glace. Avec l’humour, le message passe mieux. Si tu es capable de faire rire le monde, ça veut dire que leur cœur est ouvert, plus réceptif à intégrer d’autres messages. L’humour fait partie de la vie. Il fait partie de l’humain toutes cultures confondues. Il permet de transcender la douleur pour nous guérir…»

«Kent Monkman – Honte et préjugés: une histoire de résilience» du 8 février au 5 mai 2019 au Musée McCord (690, Sherbrooke Ouest, Montréal) 514 861-6701 – www.musee-mccord.qc.ca

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