Lundi, 9 septembre 2024
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    Rencontre avec Sonia Lebel, ministre de la Justice et responsable de la lutte contre l’homophobie

    La ministre de la Justice et Procureure générale du Québec, Sonia Lebel, est aussi la responsable de la lutte contre l’homophobie et de la transphobie. Les dossiers sur son bureau sont nombreux. Entre autres, la réforme du Droit de la famille, ou encore la lutte contre les violences à caractère sexuel. Cependant, elle prend très au sérieux ce volet de son mandat concernant les personnes de la diversité sexuelle et du genre. Un mot revient dans l’entrevue qu’elle a accordée à Fugues, c’est l’ouverture. Le second, les rencontres avec les groupes et les personnes concernées pour d’une part améliorer la communication, et d’autre part pour accroître l’efficacité.

    Quelle était votre connaissance des réalités LGBTQ2S+ avant d’accepter ce poste de ministre?

    J’avais une certaine connaissance mais pas une connaissance très pointue de tous les enjeux. Je veux être très transparente à ce sujet. Par mon implication au barreau, j’avais déjà eu des contacts avec l’association des avocats LGBT. Puis comme procureure, il m’est arrivé de travailler sur des questions de discrimination, de harcèlement ou de violence dans des dossiers concernant des personnes LGBT. Pour ces cas-là, j’ai eu une connaissance des réalités mais sur des questions extrêmement sensibles.

    Enfin, j’ai des ami.es comme tout le monde mais avec des niveaux de connaissance différents. Certain.es sont très engagé.es, d’autres moins. Je connais en fait les deux extrêmes de cette communauté. Bien sûr de ma part, l’acceptation et la compréhension sont grandes, mais comme dans tout nouveau grand dossier, il faut que j’y plonge à 100% pour améliorer ma connaissance. Mais en matière LGBT, je n’ai pas découvert que la terre était ronde; j’avais déjà une notion des courbes (Rires!)

    Sonia Lebel – ministre de la Justice et Procureure générale du Québec, responsable de la lutte contre l’homophobie et de la transphobie

    Depuis votre arrivée, vous avez dû rencontrer un certain nombre d’organismes pour vous faire une idée de l’état des lieux?

    Je crois avoir fait déjà un bon tour de piste. J’ai rencontré des organismes aussi bien des nationaux que des petits organismes régionaux. Je n’ai pas encore fait le tour de tous les organismes mais je commence à avoir un assez bon portrait.

    Un des commentaires qui revient souvent, c’est le manque de travail interministériel souhaité par la politique de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Pour beaucoup, seul le ministère de la Justice serait vraiment engagé.

    On m’a déjà informé de ce problème. La CAQ a déclaré qu’elle ne voulait pas travailler en silo pour tous les dossiers, mais en partenariat avec les différents ministères et aussi avec les groupes de l’opposition. Je travaille à la réforme du droit de la famille, je travaille avec le ministère de la famille, et je vais avoir en tête les réalités des familles LGBT. J’ai déjà donné le signal de réactiver le comité interministériel pour qu’un véritable partenariat se mette en place. Je ne vais pas travailler en silo.

    On parle d’actions interministérielles mais on peut aussi penser à une collaboration avec les autres partis représentés à l’Assemblée comme ce fut le cas pour la loi sur l’aide médicale à mourir?

    Le mouvement qu’on est en train de monter sur le projet de loi contre les violences sexuelles*, qui inclut le Conseil québécois LGBT, il est aussi à l’initiative de quatre femmes élues dont Véronique Hivon (Parti québécois), Hélène David (Parti libéral du Québec) et Christine Labrie (Québec Solidaire), et moi-même. Nous travaillons en partenariat avec les autres partis d’opposition, les milieux concernés des femmes, la police, différents groupes.

    Et vous savez qu’il en est de même pour la réforme du droit de la famille, où bien évidemment les groupes LGBT seront invités à travailler avec nous entre autres sur la filiation, sur la parentalité, sur la gestation par autrui. Nous avons rencontré la Coalition des familles LGBTQ.

    Le bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie peut aussi prendre des initiatives directement en lien avec les communautés LGBTQ? Comme des campagnes nationales ponctuelles?

    Nous sommes ouverts à tout ce qui peut avoir un impact direct sur le terrain. Présentement, pour mieux renforcer les projets on travaille avec le bureau de lutte et les groupes communautaires qui connaissent bien mieux la réalité du terrain que moi je peux la connaitre. Tout comme on ne veut plus travailler en silo, avec un comité interministériel, avec une meilleure communication et avec une meilleure concertation avec le milieu pour améliorer nos actions.

    Nous souhaitons aussi regarder comment, à travers le ministère de la Justice et le bureau de lutte, nous pouvons avoir un rôle de leadership. Est-ce que c’est concret actuellement dans les réalisations? La réponse est non. Est-ce qu’on est en mouvement pour réorienter nos stratégies pour aller de l’avant? La réponse est oui.

    En attendant, des résultats, des problématiques demandent qu’on s’y intéresse dès maintenant. Je pense entre autres à l’accès à la santé pour les personnes transgenres. Très peu de services en région, et des listes d’attente pour les services existants à Montréal.

    La sensibilisation est lancée auprès de mes collègues ministres. Mais pour les personnes transgenres, il y a comme vous le soulignez une différence entre le milieu urbain et le milieu rural. À Montréal, c’est mieux organisé. Dans le plan d’action, il y a la volonté de renforcer les services et les services communautaires en région, cela fait partie de nos priorités, et de renforcer les actions des groupes communautaires, comme le GRIS Mauricie, que je connais un petit peu mieux comme députée de la Mauricie, et comme députée régionale, j’ai une sensibilité plus forte pour les régions pour quelqu’enjeu que ce soit.

    Les organismes ont souvent du mal à faire correspondre leur mission avec les critères exigés dans les programmes de subvention. N’y aurait-il pas moyen de regarder les demandes de subvention en fonction de la pertinence et de l’impact d’une mission d’un organisme sur le terrain avant tout?

    Nous sommes prêts à rencontrer chaque organisme pour discuter de leurs difficultés rencontrées dans le cadre de leur mission. Ce n’est pas dans notre philosophie de refuser des demandes de rencontres. La discussion, l’ouverture, la compréhension, cela fait partie de notre ADN. Malheureusement, c’est peut-être un problème du gouvernement provincial actuel, on marche par programme, on marche par subvention, on décide que cela est en santé, que ceci est en immigration, etc. Il y a beaucoup d’organismes qui ont des missions hybrides et qui frappent généralement à plusieurs portes. Et on leur répond, votre mission est plus culturelle, allez voir du côté du ministère de la Culture, ou c’est plus la santé, allez voir le ministère de la Santé. Nous sommes en train de regarder comment on peut faciliter la vie de tout le monde. Nous souhaitons trouver une solution plus globale pour les organismes communautaires. Il y a donc deux points à regarder. Le premier concerne le financement à la mission des organismes pour qu’il soit récurrent, et qu’il ne survive pas que d’appels de projets. Le second, c’est maintenir l’appel de projets qui forcent la créativité et l’innovation.

    Parlant finances, est-ce que le budget est un peu plus généreux envers les organismes communautaires LGBTQ?

    On ne doit pas seulement penser qu’en fonction des questions d’argent, il faut regarder plus largement, pour trouver des solutions. Cependant, bien évidemment je souhaiterai obtenir une enveloppe plus conséquente. Je me donne tout d’abord des objectifs de moyen. Tous les ministères voudraient plus d’argent, on le sait (Rires !) et c’est au gouvernement de présenter un budget équilibré.

    Le mot de la fin…

    Mon objectif est de travailler avec et pour les groupes et non pas de décider pour eux, bien entendu dans le cadre de mes moyens. Quant à revoir le mandat du bureau de lutte, réorganiser les façons de faire, donner un coup de pouce, une impulsion à des projets, je suis ouverte à rencontrer tous les groupes.

    * L’entrevue avec Sonia Lebel a été réalisée le 14 mars dernier. Le 18 mars, le Québec annonçait la formation d’un comité d’experts autour de la question des violences sexuelles.

    PROJET DE LOI CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES

    La ministre de la Justice et procureure générale du Québec, Sonia LeBel, accompagnée d’Hélène David, députée de Marguerite-Bourgeoys; Véronique Hivon, députée de Joliette; et Christine Labrie, députée de Sherbrooke, a annoncé le 18 mars, la formation d’un comité d’experts sur l’accompagnement des personnes victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale. Parmi les experts, on note la présence, entre autres, de Michel Dorais, chercheur bien connu de nos communautés LGBTQ, professeur titulaire à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval. Ce comité aura pour mandat d’évaluer, à la lumière du parcours d’une personne victime d’agressions sexuelles ou de violence conjugale, les mesures actuelles et d’étudier celles pouvant être développées afin d’assurer un accompagnement plus soutenu et répondant mieux aux réalités des personnes victimes. Le comité disposera d’un an pour s’acquitter de son mandat et proposer aux élues des pistes de solution afin d’adapter et de développer des mesures bénéficiant aux personnes victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale, et leur redonner confiance dans le système judiciaire et extrajudiciaire.

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