Jeudi, 28 mars 2024
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    «Été 85» de François Ozon, entre fantasme et nostalgie

    Le nouveau François Ozon, Été 85, est l’un des films LGBT les plus attendus de l’année. Il faut dire que cette romance nostalgique entre deux ados (incarnés par deux jeunes très bons acteurs) est un bel objet lumineux et tourmenté qui arrive à point nommé. Ce film initiatique est une histoire de résilience, dont l’éclat tient à la douceur de son regard.

    François Ozon a répondu à quelques questions…

    Ton film est l’adaptation du roman Dance On My Grave d’Aidan Chambers, paru en 1982. Cette thématique de la fête après un événement douloureux va résonner fort après l’année qu’on vient de passer.
    Ouais, la lecture du film va prendre un sens différent avec ce qu’on vit même si, quand j’ai tourné ce film, je ne savais pas que le Covid-19 allait arriver. Il y a une pulsion de vie, quelque chose de très lumineux, même si la mort est présente. Le héros, Alexis, traverse quelque chose de très difficile, s’en remet et en même temps a comme une nostalgie de ce qui s’est passé. Ça peut coller avec ce qu’on est en train de vivre…

    À l’été 85, tu avais 17-18 ans. Cette période a-t-elle été aussi déterminante pour toi que pour les héros du film?
    C’est la veille de la majorité, donc oui je sentais que j’allais avoir plus de liberté et, en même temps, c’était la découverte de la sexualité, de la musique, avec les Cure, les Smiths… J’ai lu ce livre, en 1985, sur les conseils d’un ami, et tout de suite j’ai eu un coup de foudre. J’avais 17 ans, l’âge plus ou moins des personnages, et j’ai été très ému et surpris de voir à la fois une histoire d’amour racontée aussi simplement sans culpabilité, sans tabou. À l’époque, je faisais des films en Super 8 et je me disais que j’aimerais bien l’adapter pour un premier long métrage. J’avais développé un scénario avec un ami. Je ne l’ai pas retrouvé, mais je crois que j’avais pas mal transformé l’histoire d’origine. Je me souviens que j’avais du mal à me projeter parce que le cadre est très anglais dans le bouquin. Je ne visualisais pas trop où ça pouvait se passer en France…

    Quels ont été tes choix esthétiques pour recréer les années 1980?
    J’ai pris très vite la décision de tourner en super 16 mm. Le numérique donne une image très froide, très glacée, très piquée: il a tendance à éteindre les couleurs et à uniformiser l’image. Au contraire, le 16 ramène une douceur, il fait ressortir le rouge de la peau. Avec la costumière, on a beaucoup regardé les teen movies américains de l’époque – il y en a des français mais ils sont très souvent racontés du point de vue des adultes. On a regardé les films de Coppola, Rusty James, Outsiders, où on sent un petit relent esthétique des années 1960. Ce mélange d’époques correspondait bien à l’histoire, tournée vers une certaine nostalgie.


    Avais-tu envie de retrouver la légèreté un peu troublée de tes films de jeunesse?
    Si je l’avais réalisé en 1985, je l’aurais fait très différemment. Peut-être que le film aurait été plus agressif. Là, il y a une espèce de distance avec l’âge qui fait qu’il y a peut-être plus de tendresse pour les personnages. C’est vrai qu’avec Grâce à Dieu (son précédent film), je n’étais pas préparé au fait de prendre part à l’actualité, d’avoir des procès, de ne pas savoir si le film allait sortir ou pas (les avocats d’un prêtre accusé pour abus sexuels sur mineurs et depuis condamné pour ces faits, demandait la suspension du film au motif que sa sortie portait atteinte à sa présomption d’innocence. NDR). J’avais envie d’enchaîner sur un film plus léger, même si Été 85 porte une certaine gravité.

    Il y un balancement entre le caractère fantasmatique de l’histoire d’amour et le portrait social?
    Pour moi c’était important qu’on soit dans la tête d’Alex, qu’on partage ses émotions, qu’on partage sa vision complètement idéalisée de sa relation avec David, et puis tout à coup un retour au réel. Ce retour au réel est douloureux mais, ce que j’aime chez ce personnage, c’est qu’il a une capacité à s’échapper du réel puis à finalement l’affronter, à aller de l’avant en sublimant son histoire par l’écriture. Parce que tout ce qu’on entend en voix off, c’est lui qui écrit. Il y a ce jeu de mise en abyme par rapport à la création: il réinvente cette histoire, il essaie de la raconter au juge, à l’assistante sociale, et il en fait un roman

    Comment as-tu abordé les scènes d’intimité avec les acteurs?
    C’est un film de désir, d’amour, ça se passe l’été donc ça a été assez naturel pour eux. D’autant que le film est assez pudique, il n’y avait pas d’enjeu très compliqué. Mais j’ai senti dans cette génération plus d’ouverture que d’autres acteurs avec qui j’ai pu travailler précédemment.

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