Pour bien des lecteurs de moins de 50 ans, le nom d’Andre Vaillancourt ne rappelle rien. Par contre, pour les plus vieux, ce nom évoque plusieurs établissements gais, bars et restaurants, ouverts dans les années 1970 et 1980, et ce, autant dans le centre-ville que dans le Village. La Rose Rouge, le Banco, le Baccara, le Castel du Roy, le Club Date, etc., ne sont que quelques-uns des établissements qu’André Vaillancourt a lancé. Décédé d’une longue maladie le 2 mars 2020 – presque dans l’anonymat le plus total étant donnée la crise du coronavirus qui débutait – André Vaillancourt avait 78 ans.
«André Vaillancourt a fait beaucoup pour la communauté, pour rassembler les gens à une époque où il y avait encore beaucoup de discrimination […]. C’est un autre pionnier qui s’en va ainsi», de dire Yvon Jussaume, l’ancien propriétaire du Lounge L’un et L’autre et de la Boîte en Haut. «J’ai travaillé pour André et Roger [Bélanger, son associé] à la Rose Rouge, sur la rue Mackay, j’en garde un très bon souvenir, poursuit Yvon Jussaume. C’était dans l’ouest à ce moment-là. Puis, nous sommes restés des amis.» La Rose Rouge a ainsi déménagé plusieurs fois, de la rue Mackay à Guy, etc.
«Il était atteint de la maladie d’ Alzheimer. J’ai pris soin de lui à la maison pendant trois ans puis, il est resté un autre trois ans en résidence où il est décédé. C’était triste de voir un homme aussi actif partir tranquillement […]», raconte Roger Bélanger qui a longtemps été l’associé, l’ami et le colocataire d’André Vaillancourt.
«Il a ouvert des clubs à l’époque où les gais se cachaient et entraient par la porte d’en arrière. Ce n’était pas ouvert comme aujourd’hui. Heureusement, les mentalités ont changé depuis ce temps-là», indique Roger Bélanger. Pendant plusieurs décennies, André Vaillancourt et son associé s’évertueront à créer des espaces festifs pour les membres de la communauté. Oui, dans l’ouest du centre-ville comme on l’a vu plus haut, mais aussi dans le Village.
«André et moi avons ouvert le tout premier Club Date, sur la rue Sainte-Catherine, en 1984, à une époque où le Village commençait à peine, continue Roger Bélanger. Il y avait la Boîte en Haut d’Yvon Jussaume, le MAX de Paul Haince et quelques autres commerces, mais c’était tout. Le Village ne ressemblait pas au quartier dynamique d’aujourd’hui. Quelques années plus tard, on a vendu le Club Date parce qu’on avait décidé d’opérer une auberge gaie à Piedmont. C’était donc beaucoup de choses à s’occuper en même temps et il a fallu laisser aller ce bar-là. Il y a eu aussi, entre tout çà, un ranch gai à Oka; eh oui, il y a eu bel et bien un ranch gai! Mais, çà aussi, c’était énormément de travail et on s’est départi de ça quelques temps plus tard.»
Leur aventure a poussé les deux hommes jusqu’à Acapulco, au Mexique. Durant une douzaine d’années, les hommes gais québécois en vacances pouvaient ainsi aller festoyer au Rendez-vous, une boîte de nuit.
«Presque tous ces commerces ont connu du succès auprès de la clientèle, estime Roger Bélanger. À cette époque, si un nouveau bar ouvrait, un autre fermait ses portes. C’est ce qui est arrivé, par exemple, avec le Baccara (situé sur la rue Drummond). Lorsque le Garage a ouvert (sur la rue Mayor), le Baccara, lui, a fermé puisque les gens allaient toujours vers la nouveauté… Mais on ne regrettait rien parce que c’était passionnant.»
L’équipe de Fugues tient à offrir ses condoléances à M. Bélanger ainsi qu’à la famille et aux proches d’André Vaillancourt.