André Roy, écrivain poète ainsi que critique cinématographique et littéraire, est né et vit à Montréal. En plus de Fugues où vous pouvez le lire depuis 1994, il a collaboré, ici et ailleurs, à plus de cinquante revues littéraires et culturelles, dont Spirale et Estuaire. Son œuvre poétique compte plus de trente livres. Dans le cadre de Métropolis Bleu, il recevra cette année le Prix Violet remis, pour l’ensemble de son œuvre, à un écrivain canadien issu de la communauté LGBTQ.
Plus important festival littéraire multilingue d’Amérique du Nord, Métropolis Bleu est
devenu, depuis sa première édition en 1999, un incontournable pour les passionnés de
littérature québécoise, canadienne et internationale. Molière, Shakespeare et Cervantès ont eu leur tour; ici, ce sont les écrivains contemporains qui sont sous les feux de la rampe.
Après Nicole Brossard (en 2018) et Dionne Brand (en 2019), ce sera au tour d’André Roy d’être honoré par la remise du prix Violet. Cette distinction devait lui être décernée l’an dernier, mais avec la pandémie que l’on connaît — et l’annulation d’une grande partie des activités en salle, en 2020 —, la remise se fera finalement à la BaNQ, lors d’un événement transmis sur le web dans le cadre de l’édition 2021 du festival Métropolis Bleu.
Parler à André Roy, c’est ouvrir une fenêtre sur plus de cinq décennies de poésie, mais aussi de combat pour les droits des gais – on se rappelle qu’à l’époque on ne parlait pas encore de LGBTQ+, ni de diversité sexuelle ou d’identité de genre – et pour le droit, tout simplement, d’avoir une place et de manière ouverte comme homme gai dans la littérature québécoise.
«Bien sûr, je suis content de ce prix puisque cela est remis à quelqu’un de LGBT et dont l’œuvre est remarquable», dit-il le sourire dans la voix. «Jusqu’à l’an dernier, je n’étais pas au courant de l’existence de ce prix. Je suis très heureux et touché de voir que des gens apprécient mon œuvre et ma carrière.»
Au cours de cette carrière, il a obtenu plusieurs prix prestigieux, dont le Prix du Gouverneur général du Canada en poésie pour Action writing, le Grand Prix de poésie de la Fondation Les Forges pour L’Accélérateur d’intensité, le Prix Estuaire pour Vies et le Premier Prix en poésie aux Concours littéraires de Radio-Canada. Comment André Roy perçoit-il ce prix Violet? «Celui-ci est particulier, parce qu’il couvre l’aspect LGBT de mon œuvre. Et il est différent, parce qu’il va plus loin que l’écriture. La littérature a toujours été ce qui est de plus important dans ma vie, mais le fait d’être un auteur gai fait aussi partie de ma vie, de qui je suis. Ce prix me fait plaisir pour ça, parce que maintenant, nous sommes reconnus et ce n’était pas le cas lorsque j’ai commencé, dans les années 1970, quand je suis sorti du placard. À cette époque, personne n’en parlait ouvertement, on ne le disait tout simplement pas. On a beaucoup avancé!» L’un de ses tout premiers écrits, Les passions du samedi (Le cycle des Passions 1), paru en 1979, parlait déjà du sexe et de l’amour entre hommes. «C’était un livre de poésie, mais c’était presque romancier, poursuit-il. C’était toujours un travail sur les mots, sur les phrases. Bien que c’était d’abord de la poésie, c’était aussi sur l’amour gai, qui dépassait les clichés que l’on connaissait à ce moment-là. Poétique et authenticité, c’était ça qui m’intéressait.»
Né à Montréal, en 1944, l’auteur se remémore les années 1970 et 1980 : «On manifestait pour nos droits, pour s’affirmer. Il fallait se battre simplement pour aller prendre une bière dans les clubs. À l’époque, il y avait des descentes policières dans les bars et les saunas. Maintenant, on a plus ça. Puis, il y a eu la période du sida. Encore là, il a fallu se battre. Le sida a ralenti les protestations et les choses changeaient au niveau de la liberté sexuelle qui avait été acquise. On ne voulait surtout pas être accusé d’avoir infecté quelqu’un. À la télévision, on coupait ou effaçait tout ce qui pouvait être homo alors que, maintenant, il y a des émissions complètes qui mettent en vedette des drags, des couples de même sexe et cela se libéralise avec l’internet, les blogues, etc. Les choses ont changé, c’est clair. Mais il reste encore un fond d’homophobie tout comme pour la misogynie. On voit, grâce aux lois sur l’égalité, qu’il y a eu de l’amélioration, nous sommes plus reconnus, mais pas encore entièrement au plan social. Heureusement, il y a de plus en plus d’auteurs plus ouverts — et de bons romanciers — comme, entre autres, Kevin Lambert.»
André Roy a publié toute son œuvre poétique, aux Herbes rouges. Pas surprenant que ce soit aux Herbes rouges qu’il publiera sous peu Comment allons-nous dorénavant écrire?, un ouvrage qui lui a pris cinq ans à parfaire et à peaufiner. «Je me suis demandé qu’est-ce que je vais écrire maintenant comme homme gai qui a dépassé les 70 ans? Comment écrire sur la vie, l’amour, l’âge, la vieillesse, la maladie ou la mort ? Il y a des références à l’Italie (avec Pasolini), à Proust, à Genest, etc. J’ai donc décidé d’écrire sur des auteurs […] C’est très différent de ce que j’écris jusqu’à présent, mais comme je lis beaucoup, j’avais envie de faire quelque chose qui fait référence à d’autres.»
Le Festival Métropolis Bleu se tiendra cette année, du 24 avril au 2 mai. Conférences, tables rondes, entrevues, spectacles littéraires, débats, lectures, comptent parmi les nombreuses activités qui parsèmeront la programmation qui sera dévoilée début avril. Outre la remise du Prix Violet Bleu, notons que le volet LGBT proposera aussi une rencontre qui s’annonce intéressante entre Mattilda Bernstein Sycamore (autrice de The Freezer Door ) et Randa Jarrar (autrice de Love is an Ex-Country ); Mathieu Lindon répondra à la question «Les écrivains meurent-ils» en référence à l’auteur gai Hervé Guibert, mort il y a 30 ans. L’écrivain Nicholas Dawson qui recevra à la BAnQ le Prix de la diversité pour Désormais, ma demeure, a conçu à la demande du festival un circuit déambulatoire littéraire du Village gai (en baladodiffusion ou podcast) avec la collaboration de Kama La Mackerel, Jean-Paul Daoust, Marie-Claude Garneau et Eli Tareq El-Bechelany-Lynch, une manière originale de (re)découvrir le quartier.
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