Simon Boulerice éclate de rire quand on lui dit qu’il est devenu une personnalité publique très connue. Pourtant, les faits sont indéniables. Invité à plusieurs émissions de variétés comme En direct de l’univers ou 1res fois au cours des derniers mois, l’écrivain a également vu son rapport avec le public changer grâce à sa première série télé, Six degrés.
Après une décennie à multiplier les romans, les pièces, les recueils et les albums jeunesse, tu as fait ta place comme chroniqueur radio (Plus on est de fous, plus on lit) et à la télévision (Cette année-là, Sucré Salé, Bonsoir Bonsoir).
Ça te fait quoi d’occuper cet espace médiatique?
Je n’ai pas l’impression que les choses ont explosé du jour au lendemain. Au départ, j’avais un certain rayonnement par mes livres. Puis, j’ai commencé à faire des chroniques radio ça et là. Quand Cette année-là a débuté, j’ai senti que je devenais un visage plus familier. Dans le métro, on me reconnaissait et on me parlait plus. Ça s’est accru d’année en année.
Quel est l’influence de cette visibilité sur tes livres?
Les ventes ont presque triplé! Plusieurs personnes ne me connaissaient pas, m’ont vu à la télé, m’ont trouvé sympathique et elles ont aimé ce que je disais, alors elles ont eu envie de découvrir mon travail. Avec la série Six degrés, je suis passé d’un commentaire par jour sur mes livres à une centaine de messages quotidiennement. Je n’avais jamais eu cette amplitude-là!
Tout cela amène aussi plus d’attention sur ta personne. Plusieurs membres du public saluent ton énergie, ton côté lumineux et ta candeur. Quel effet ça te fait?
C’est très grisant, mais gérer de l’amour demande aussi beaucoup de temps. Puisque je réponds à tout le monde sur les médias sociaux, ma gentillesse peut me causer certains problèmes. Cette année, j’ai appris à mettre mes limites. Je réponds à tout le monde au moins brièvement. Par contre, quand je reçois des demandes pour lire un manuscrit, j’explique aux gens que je ne suis pas un éditeur. Je dois préserver mes rares temps libres et mon énergie.
Tu es aussi critiqué pour ta joie de vivre. Comment gères-tu cela?
Durant la première saison de Cette année-là, il y a eu un effet de surprise chez les téléspectateurs. J’ai réalisé que j’étais très polarisant. Je n’en avais pas conscience, car j’étais juste moi-même. Beaucoup de gens me reprochaient de trop remuer mes épaules durant
l’émission, alors que je suivais simplement le beat de la musique. Au départ, ces remarques m’ont blessé. J’étais déstabilisé. Je me disais: «Voyons, on me reproche de toucher mes lunettes et qu’on m’envoie des commentaires mesquins sur ma dentition.» Je trouvais ça tellement inélégant. J’avais pris l’habitude de leur répondre, mais je le fais beaucoup moins. Ça m’arrive parfois de répliquer que je ne suis pas sur le bord d’arrêter d’être qui je suis. Cela dit, depuis un an, je reçois beaucoup moins de haine.
Dans le lot, y a-t-il des commentaires homophobes?
Je reçois peu d’homophobie franche, mais beaucoup de commentaires sur ma nature, ce que je perçois comme une forme d’homophobie souterraine. On critique ma voix ou on me répète que j’ai toujours les baguettes en l’air. Je sens que ça dérange. J’ai remarqué que les commentaires les plus durs viennent souvent de la part d’homosexuels. Certains hommes m’écrivent: «Je suis gai, mais je trouve que tu ne représentes pas bien notre communauté, parce que tu nourris un cliché.» Le fait que je sois pleinement moi-même, c’est peut-être bousculant pour un homosexuel qui s’est réfréné dans sa nature. Avant, je leur répondais qu’ils faisaient preuve d’homophobie intériorisée, mais je voyais bien que le dialogue n’était pas ouvert de leur côté.
Pourtant, ils ont sûrement été ostracisés, eux aussi. Ont-ils conscience qu’ils reproduisent sur moi ce qu’ils ont vécu?
Dans ta série Six degrés, on suit le destin d’un adolescent malvoyant, aux côtés d’une jeune fille atteinte de fibrose kystique, d’une jeune fille ronde, d’un jeune homosexuel-pansexuel-non binaire-en exploration et d’une famille biculturelle, incluant une Mexicaine rousse.
Pourquoi avoir réuni toutes ces différences dans un seul projet?
J’avoue que numériquement, c’est costaud, mais je me suis toujours dit que le jour où j’aurais une tribune de cette envergure-là, avec la possibilité de créer une série de A à Z, je voudrais créer l’histoire qui m’aurait fait le plus de bien en tant qu’adolescent. Je voulais que ce soit le plus inclusif possible. Peut-être que c’est généreux d’en rameuter autant, mais ce sont mes personnages.
Quels sont les autres projets qui t’occupent actuellement?
J’ai récemment terminé mes journées de tournage sur la deuxième saison de Six degrés. Comme je me suis donné un petit rôle, ça m’a permis d’être sur le plateau, ce qui n’aurait pas été possible pour un scénariste en temps de COVID. Le fait de jouer avec les autres acteurs m’a donné un sentiment d’appartenance encore plus grand. Ça me donne un second souffle pour peut-être écrire une autre saison. Je trouve ça énergisant de voir le résultat de mon travail. D’ailleurs, les gens qui n’ont pas l’Extra de Tou.TV pourront voir la première saison à Radio-Canada dès le 3 juin dans la case horaire d’Infoman. Je publie également un récit poétique jeunesse, Veiller sur les brigadiers scolaires, une histoire d’amour entre une chauffeuse d’autobus et une brigadière.
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