Vendredi, 4 octobre 2024
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    Pas dire


    L’action se déroule, à Paris, vers la fin des années 80 et le début des années 90, soit celle où fait rage l’épidémie du sida. Le narrateur partage réflexions et anecdotes autour de sa vie amoureuse, ses amis et sa famille avec, toujours en filigrane, le spectre d’une maladie qui fauche à tout vent.

    Seuls les prénoms sont évoqués à l’exception d’un cache qui voile systématiquement celui de son amant qui refuse de révéler son orientation à ses proches et qui n’affiche même que mépris pour les « pédés ».

    Conséquence à la fois logique et très évocatrice que son nom soit donc constamment masqué, à l’exception d’une mention indirecte au détour d’une page, comme s’il pouvait à peine marquer la réalité à force de chercher à se nier et s’invisibiliser.

    L’un des personnages du récit, écrivain de son état, semble par ailleurs être une référence directe à Hervé Guibert, dont il porte le prénom, sans aucun doute un hommage à l’un des grands témoins littéraires de cette période.

    L’auteur, Baptiste Thery-Guilbert, fait preuve d’un rare talent en portant un regard presque clinique sur la quotidienneté sale et crasseuse de la maladie et la haine parfois très intérieure de soi qui y est décrite avec éloquence et âpreté.

    Une force d’écriture qui se traduit d’ailleurs dans de nombreuses phrases chocs qui parsèment le récit et frappent le lecteur tant par leur justesse que par la douleur qu’elles révèlent.

    « J’aimerais tant savoir pourquoi il se réveille tous les matins à mes côtés alors qu’il n’est plus là. »

    « T’as tellement peur de paraître pédé que tu le deviens. »

    « Ce n’est pas d’attraper le sida qui me dérange. C’est que les gens vont savoir, ils vont savoir que j’ai couché avec un homme. »

    Chronique d’une mort annoncée, l’auteur fait montre d’audace dans la chronologie en place puisque le récit débute par la fin et remonte à rebours le fil des événements, confrontant ainsi le lecteur avec leurs dénouements avant d’en connaître finalement l’amorce. Une œuvre très forte, à la fois difficile et inspirante, témoin d’une période charnière de notre histoire.


    INFOS | Pas dire / Baptiste Thery-Guilbert. Montréal : Annika Parance Éditreurs, 2021. 109. (Collection Sauvage)

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