Lundi soir, les Canadiens ont réélu les libéraux de Justin Trudeau. Le Parti libéral du Canada formera un gouvernement minoritaire à Ottawa dans un Parlement dont les couleurs auront peu changé. Les électeurs canadiens ont ainsi décidé de confier un troisième mandat à Justin Trudeau et à ses troupes, au terme d’élections qui ont produit un résultat quasi identique à celui de 2019. Et parmi les élus on compte 8 députés ouvertement LGBTQ2S+, dont deux femmes et un autochtone. Ce nombre est en hausse par rapport aux dernières élections fédérales de 2019, alors que seulement quatre députés LGBTQ2S+ avaient été élus.
Voici les 8 nouveaux députés ouvertement LGBTQ2S+ du Canada : 4 libéraux, 2 néo-démocrates et 2 conservateurs. Nous disons «ouvertement», car il y a probablement d’autres personnes LGBTQ2S+ qui ont été élues, mais qui n’ont pas encore abordé la question publiquement.

Blake Desjarlais
Nouveau Parti Démocratique — Edmonton Griesbach
Blake Desjarlais est entré dans l’histoire lors de cette élection, devenant le premier député bispirituel du Canada élu au Parlement. Un homme métis/cri élevé dans la communauté métis de Fishing Lake au nord-est d’Edmonton, Desjarlais est l’un des deux nouveaux candidats LGBTQ2S+ à remporter leur siège. Avant d’entrer en politique fédérale, il a été directeur des affaires publiques et nationales du Métis Settlements General Council. Pour Desjarlais, il est important de soutenir et de créer un espace pour les personnes queer, trans et bispirituelles, en particulier les personnes de couleur LGBTQ2S+. En entrevue, Desjarlais a également parlé de l’importance de la représentation bispirituelle et autochtone LGBTQ+ : « Être bispirituel est un honneur et il est important de s’assurer que les autres personnes bispirituelles voient une représentation au Canada.»

Randall Garrison
Nouveau Parti Démocratique — Esquimalt–Saanich–Sooke
Randall Garrison effectuera son quatrième mandat en tant que député de la Colombie-Britannique, dans une circonscription qu’il a gagnée pour la première fois en 2011. Garrison a une longue histoire au service des Canadiens LGBTQ2S+; notamment, en 2013, il a déposé le projet de loi d’initiative parlementaire C-279, qui aurait ajouté l’identité et l’expression de genre comme motifs protégés contre la discrimination au Code criminel. Il a également été le porte-parole officiel du NPD pour les questions LGBTQ+ et les questins d’orientation sexuelle et identité et expression de genre. Lors d’une interview, il a déclaré qu’il est prioritaire d’interdire la thérapie de conversion à l’échelle nationale (rappelons que le projet de loi C-6, qui interdirait la pratique discriminatoire, n’avait pas été ratifié par le Sénat avant le déclenchement des élections. Garrison avait également souligné le harcèlement et la discrimination continus auxquels les communautés LGBTQ2S+ sont confrontées au Canada.

Pascale St-Onge
Parti Libéral — Brome-Missisquoi
Trois jours après le début du dépouillement dans la circonscription de Brome-Missisquoi, en Estrie, c’est finalement la candidate libérale Pascale St-Onge qui a été élue jeudi plutôt que la bloquiste Marilou Alarie. Moins de 200 votes séparent les deux femmes, Mme St-Onge ayant obtenu 21 474 voix (34,9 %) contre 21 288 pour Mme Alarie (34,6 %).Il s’agit de la dernière circonscription au Québec à confirmer un gagnant. Avant l’annonce de la victoire de Pascale St-Onge, c’était Mme Alarie qui détenait l’avance. Depuis 2019, la circonscription était occupée par la libérale Lyne Bessette, ancienne Olympienne qui a préféré laisser son siège à la Chambre des communes après deux ans de mandat. Ouvertement lesbienne, Pascale St-Onge a été secrétaire générale puis présidente de la Fédération nationale des communications et de la culture, associée à la CSN (FNCC-CSN). Durant ses études, elle a occupé divers postes dans les services administratifs de La Presse. À la tête de la FNC-CSN, Pascale St-Onge a chapeauté de nombreux travaux afin de proposer des solutions économiques, juridiques et politiques réalistes et efficaces pour répondre à la crise des médias. Elle a milité auprès des différents paliers de gouvernement pour qu’ils adoptent des mesures concrètes afin d’assurer la pérennité de l’information journalistique et des emplois du secteur. Elle a participé activement aux débats concernant les médias et la culture tant dans les instances gouvernementales, syndicales que sur la place publique.

Randy Boissonnault
Parti Libéral — Edmonton Centre
L’ancien député Randy Boissonnault est parvenu, par une courte avance, à reprendre la circonscription d’Edmonton Centre des mains du conservateur James Cumming, qui demandait un second mandat aux électeurs. Randy Boissonnault revient donc au Parlement après avoir perdu son siège en 2019. Élu pour la première fois en 2015, Boissonnault avait été nommé conseiller spécial du Premier ministre Trudeau sur les questions LGBTQ2, en 2016, un an après le début de son mandat de député. Dans ce rôle, il a aidé à faire adopter le projet de loi C-16, une loi qui a enchâssé des protections pour les Canadiens trans et non conformes au genre dans le Code criminel et la Loi sur les droits de la personne. Il a également joué un rôle en présentant des excuses aux anciens employés du gouvernement touchés par la purge des homosexuels. En entrevue, durant la campagne cde cette année, Boissonnault a souligné la nécessité d’adopter une loi pour interdire la thérapie de conversion.

Rob Oliphant
Parti Libéral — Don Valley West
Rob Oliphant effectuera son quatrième mandat en tant que député dans la circonscription torontoise de Don Valley West. Oliphant a été élu pour la première fois en 2008 et a exercé un mandat de député avant de quitter ses fonctions pour le secteur privé ; il est revenu en politique fédérale en 2015. En 2019, il a été secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères.

Seamus O’Regan
Parti Libéral — St. John’s South–Mount Pearl
Il s’agit du troisième mandat de Seamus O’Regan en tant que député libéral à Terre-Neuve-et-Labrador. Élu pour la première fois en 2015, O’Regan a occupé plusieurs postes au sein du cabinet libéral, notamment celui de ministre des Anciens combattants et de ministre des Services aux Autochtones. Avant le déclenchement des élections, O’Regan était ministre des Ressources naturelles.

Melissa Lantsman
Parti Conservateur — Thornhill
Melissa Lantsman est devenue la seule femme ouvertement homosexuelle au Parlement avec son élection dans la région du Grand Toronto. Elle est depuis longtemps associée à la politique conservatrice, travaillant comme conseillère en communication de l’ancien premier ministre Stephen Harper et porte-parole du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario en 2018. En 2020, Lantsman avait tweeté qu’il lui avait été plus difficile de se faire sa sortie du placard comme lesbienne que comme comme conservatrice.

Eric Duncan
Parti Conservateur — Stormont–Dundas–South Glengarry
Élu pour la première fois en 2019, Eric Duncan retournera dans sa circonscription ontarienne en tant que député pour un deuxième mandat. Duncan est devenu le porte-parole non officiel des LGBTQ2S+ du Parti conservateur après sa victoire en 2019 en tant que seul conservateur ouvertement gai du caucus. Il est surtout connu pour ses appels à mettre fin à l’interdiction du sang contre les hommes homosexuels et les femmes trans ; en novembre 2020, il a fait la une des journaux lorsqu’il a demandé à la ministre de la Santé Patty Hajdu si elle accepterait un don de son sang en tant qu’homme ouvertement homosexuel. Ce combat est un combat personnel — et pas spécifiquement celui de son parti: il ne pouvait pas donner de sang en tant qu’adolescent gai enfermé sans se dévoiler.
Le processus électoral est souvent en retard par rapport au reste de la société
Si on peut se réjouir de l’élection de 8 personnes ouvertement LGBTQ2S+ (soit 3 de plus qu’aux élections de 2019), il faut reconnaître qu’il y avait, somme toute, proportionnellement peu de candidats issus des minorités sexuelles et de genre à se présenter aux élections.
À l’échelle nationale, moins de 70 candidats confirmés s’identifient comme LGBTQ, un recul de 17 personnes par rapport à l’élection de 2019.
Cela dit, il ne faut être surpris de la faible représentativité des candidats LBGTQ. Le processus électoral est souvent en retard par rapport au reste de la société, en partie parce que ceux qui ont le plus d’influence dans les partis ont tendance à être plus âgés et à choisir (ou à se faire offrir) des circonscriptions où ils ont le plus de chance de se faire élire. Les personnes appartenant à une certaine catégorie de la population sont souvent mises dans des circonscriptions où elles ne pouvaient pas gagner. C’était le cas des femmes en politique il y a environ 40 ans. C’est probablement toujours le cas dans certaines régions du pays pour des candidats gais et transgenres. Il leur faudra un certain temps pour entrer dans les rangs du parti et être nommé aux sièges gagnants.
Et la marginalisation est plus grande pour certains groupes dans la communauté LGBTQ. Nous continuons à voir un certain nombre de personnes gaies et lesbiennes blanches élues, mais nous voyons moins souvent des personnes trans, Bi Spirituelles ou des personnes de couleur représentées. Ceci dit, on ne peut que se réjouir de l’élection de Blake Desjarlais, dans Edmonton Griesbach, premier député bispirituel issu des Premières Nations à entrer au Parlement canadien.
(NDLR: dans une précédente version de ce texte, nous avions oublié la nouvelle députée de Brome-Missisquoi, Pascale St-Onge. Merci à la demie-douzaine de lecteurs et lectrices qui nous l’ont fait remarquer).