Vendredi, 6 décembre 2024
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    Remporter les plus grands honneurs sur le ring

    Le 17 juillet dernier, à l’âge de 35 ans, Lysandre Marcoux, alias Lyzbeth McHellin, devenait la première femme trans championne féminine de lutte au Québec. La lutteuse native de St-Jean-sur-Richelieu nous raconte le parcours qui l’a mené à remporter les plus grands honneurs sur le ring.


    De spectatrice à lutteuse
    Très jeune, celle qui est née dans la peau d’Alexandre aura la piqure pour ce «sport-spectacle», comme elle le décrit si bien, alors qu’elle visitait ses grands-parents la fin de semaine : «Mon grand-père est un grand fan de lutte depuis toujours. Pour lui, regarder la lutte à la télévision, c’était comme une religion. Souvent, il allait mener les enfants à l’église le dimanche et revenait à la maison pour écouter la lutte.» Si, malheureusement, le patriarche décède avant d’avoir la chance de voir Alexandre/Lyzbeth sur le ring, la lutteuse se souvient des soirées passées avec son grand-père à regarder les matchs en mode pay per view. À la fin de l’adolescence, elle passe de spectatrice à lutteuse. Elle investit le ring pour la première fois à l’âge de 16 ans en s’inscrivant à l’école de lutte de Serge Jodoin, à ce moment-là sous le nom d’Alexandre. «Au début, je m’affichais comme un homme gai. Dans ma tête, ça n’existait pas, des trans. À cette époque-là, ça existait peu dans le répertoire commun du langage, aussi. Mais j’ai toujours senti que j’étais une fille», explique celle qui demandait déjà des robes à sa mère à l’âge de quatre ans.


    D’Alexandre à Lyzbeth
    En 2018, après avoir passé maintes années à regarder des youtubeuses et youtubeurs
    transitionner, Alexandre fait son coming out trans. «Je me disais qu’ils avaient tellement de chance de pouvoir transitionner. Je me posais tellement de questions sur la transition, je me disais que ce n’était pas normal! J’ai consulté, puis on m’a tout de suite dit que j’étais trans.» Si Lysandre ne cache guère que ses études en sciences politiques à l’Université de Sherbrooke ont nécessairement forgé sa pensée critique, ce sont les youtubeuses et youtubeurs qui ont le plus influencé sa décision. Si, dans la peau d’Alexandre, compétitionner avec d’autres hommes était de mise, il y a également beaucoup de combats mixtes.

    Contrairement à la boxe, on ne cherche pas nécessairement à être «l’égal» de son adversaire, explique Lysandre. «Ça reste un sport-spectacle, donc j’ai autant lutté contre des gars de 300 livres que des filles de 100 livres. Le but est de divertir et de faire embarquer la foule.» Des différences marquées entre les combats masculin et féminin? «Le rôle de l’égo est différent, répond d’emblée Lysandre. Les femmes sont plus ouvertes à s’améliorer à la suite d’un match, tandis qu’avec les gars, c’est plus ‘‘On passe à autre chose’’, sans nécessairement voir cette expérience comme une manière d’apprendre.»

    Le bon contre le méchant
    Tous savent que la lutte est arrangée avec le gars des vues. Lysandre le confirme. Si la culture du bon contre le méchant règne au palmarès des plus vieux scénarios du monde, Lysandre souligne que les zones grises sont plus présentes aujourd’hui. «C’est plus subtil! Il y a aussi les gentils qui sont bons, mais agissent comme des méchants…» Qu’en est-il du personnage de Lyzbeth McHellin? «Quand j’étais Alexander McHellin, mon ancien moi, j’ai toujours été méchant. Mon personnage était un fils de riche, arrogant, peureux, originaire de Westmount. Tandis que là, avec Lyzbeth, je suis dans le clan des gentilles, du Girl Power, de la fierté féminine. J’essaie d’être un modèle pour les femmes et les jeunes filles. J’ai vu une différence marquée lors de mon dernier match. J’avais vraiment leur support; elles avaient des étoiles dans les yeux. J’étais la seule fille sur le show. »


    Remporter les honneurs
    «Je ne suis plus la seule femme trans dans le monde de la lutte au Québec, mais je suis la première femme trans championne de lutte au Québec», explique fièrement Lysandre. «Ç’a été l’accomplissement d’un rêve, car en 19 ans de carrière, j’ai été une fois champion par équipe, en 2004, et là, le 17 juillet dernier, lors d’un combat au sein de la LLCV (La lutte, c’est vrai), je remporte les grands honneurs contre Steven the Sweet Boy.» Le scénario? «Lui, c’était le méchant, explique Lysandre, il ne voulait pas de femme dans la ligue. Si je remportais le combat, les femmes y auraient leur place. J’ai gagné la ceinture féminine, instaurant ainsi la division. En termes de politiques de la représentation, on a décidé, ce soir-là, de mettre de l’avant les femmes dans la lutte.» Un combat ayant une perspective féministe.

    Au-delà du scénario, la personnalité comme le corps doivent être entrainés. Pour Lysandre, la transition au niveau des changements physiques et hormonaux n’a pas été négligeable. «J’ai pris un peu de poids depuis ma transition, avec les opérations : vaginoplastie, augmentation mammaire, etc. Ce n’est pas pareil, lutter en tant que femme! C’est très différent, même si ça relève de la même psychologie du ring… En fait, j’ai perdu en muscles, mais gagné en souplesse», confie Lysandre, qui a nécessairement dû se réapproprier son corps, car les coups en bas de la ceinture ne sont plus les mêmes! «On fait aussi des allusions à ma transition dans des spots humoristiques.» À titre de pionnière, Lysandre se sent bien acceptée dans son milieu, mais «souvent les promoteurs ne savent pas quoi faire avec moi. Si je me suis toujours battue contre des gars, là, ils ne veulent pas nécessairement perdre contre une fille; ça viendrait froisser leur égo.

    Si je lutte contre une fille, on me voit comme un ancien gars qui se bat contre une fille, et on trouve que ce n’est pas fair. Je suis un peu pognée entre les deux. Comme c’est nouveau, on ne sait pas comment me promouvoir. Je suis quand même chanceuse, car pour la LLCV je suis une personne d’abord et avant tout : la fédération est derrière moi!» D’ailleurs, pour sa carrière, Lysandre voit grand. «À 35 ans, je suis dans la fleur de l’âge. C’est certain que je ne veux pas me blesser et il faut toujours être vigilante», exprime-t-elle en ayant une pensée pour la fin tragique de la jeune boxeuse mexicaine Jeanette Zacarias Zapata. Pour le futur, la championne Lyzbeth McHellin désire s’illustrer au Canada et aux États-Unis et faire partie du classement PWI, soit les 100 meilleures lutteuses au monde, à la manière de son idole LuFisto (Geneviève Goulet). Pour l’instant, elle envisage un combat avec l’une de ses élèves, Sweet Cherry, celle qui lui a d’ailleurs remis sa ceinture de championnat. «C’est un vrai passage du flambeau!»


    INFOS| Lyzbeth a quelques combats prévus cet automne, dont avec la Granby Entertainment Wrestling (GEW) le 23 octobre.

    Instagram : www.instagram.com/LyzbethMcHellin
    Facebook : www.facebook.com/Lyzbeth-McHellin-102606138793890

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