Dimanche, 27 avril 2025
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    À la mémoire de Michel Joanny Furtin et d’Hector Gomez

    Bien sûr, pour tous les proches, la disparition d’êtres chers est une grande tragédie. En apprenant le décès d’Hector Gomez, je n’ai pu m’empêcher de penser à celui de Michel Joanny-Furtin. Puis, à toutes celles et ceux qui avaient disparu depuis bien longtemps et dont l’engagement envers nos communautés représentait une grande partie de leur vie.


    Tous ces gens qui, souvent pendant des décennies, n’avaient pas relâché leur effort ou pire renié leurs convictions, et le plus souvent bénévolement, bien avant que les organismes communautaires soient enfin subventionnés. Ils et elles n’étaient pas en haut de l’échelle, n’étaient pas à se précipiter devant les micros et les caméras. Iels n’étaient pas de celles et ceux qui clamaient leur vision sur nos communautés avec autant de certitude qu’un pasteur évangéliste devant une foule. Iels ne cherchaient ni pouvoir, ni médaille, ni reconnaissance ostentatoire. Non iels faisaient ce à quoi iels croyaient et souvent dans les tâches les plus ingrates, les moins valorisantes, mais absolument nécessaires pour que les piliers du temple phallocratique commencent à trembler, à vaciller.

    Iels faisaient aussi partie de celles et ceux qui démontraient une empathie naturelle pour les autres, pour qui leur bien-être ne pouvait passer que par l’espoir d’un bien-être pour tous les autres. Un mot leur était totalement étranger, celui d’indifférence. Assurément, ils avaient chevillé au corps des valeurs de solidarité, de partage et d’entraide. Entendons-nous bien, iels n’étaient pas dans une démarche de sacrifice, mais bien au contraire trouvaient du plaisir et une grande satisfaction d’avoir été là où iels se devaient d’être.
     
    Iels sont bien plus nombreux.ses et malheureusement leur nom ne sera pas retenu dans la grande histoire des mouvements LGBTQ ici comme ailleurs. Ce qui ne remet pas en question le choix d’inscrire dans la postérité celleux qui se sont fait particulièrement remarquer. Iels n’ont pas cherché la gloire, les hommages, iels ont fait ce qu’iels pensaient simplement être juste et bon.
     
    J’en ai rencontré beaucoup des Michel et des Hector avec leur joie de vivre, leur bonne humeur, et surtout leur éternel sourire quand on leur demandait d’apporter leur contribution, sachant sûrement que chaque grain de sable compte pour faire une plage. Iels n’étaient pas plus humbles, plus modestes que les autres mais iels avaient compris que même si l’Histoire ne leur donnait pas la place à laquelle iels avaient droit, leur travail n’avait pas été vain. Que sans toustes celles et ceux qui, en arrière-plan, se sont agité.e.s, ont manifesté, ont investi des organismes communautaires, nous n’aurions pas connu les grands changements qui ont marqué les quarante dernières années.
     
    Comprenez bien que dans tous les autres secteurs de la société, dans des champs différents, il y a eu et il y a encore des Michel et des Hector, des hommes et des femmes dont les toutes premières valeurs qui font notre humanité résonnent quotidiennement, alors qu’ils emploient une partie de leur temps à faire vivre ces valeurs de solidarité. Difficile en ces temps de pandémie de ne pas penser au personnel de la santé qui met en relief le courage et l’abnégation de personnes qui n’ont pas renoncé depuis mars 2020.
     
    Iels n’auront jamais de statue sur une place portant leur nom, ni même de rue ou de ruelle, et pourtant il conviendrait de les remercier à la hauteur de leur engagement. On aimerait que leur nom et leur travail ne tombent pas dans les oubliettes de l’Histoire ou ne soient conservés que dans le cœur de leur famille ou de leurs proches.
     
    J’ai eu la chance dans ma vie d’en côtoyer beaucoup. J’ai eu la chance de côtoyer Michel (beaucoup), Hector (un peu), et bien d’autres qui me redonnaient espoir dans le genre humain quand je sentais que ma veine militante faiblissait. Iels m’ont permis de ne pas me laisser envahir par le découragement, le renoncement, le aquoibonisme. Iels m’ont rappelé les dangers de l’individualisme, de l’erreur de ne se concentrer que sur son propre nombril. Iels m’ont donné aussi la merveilleuse occasion de partager dans la bonne humeur, le rire, la chaleur de l’amitié, et qu’il fallait avec joie encore et toujours résister.
     
    La culture LGBTQ et sa défense ne se transmettent pas (encore) par la filiation. Mais la transmission est là, de nouvelles générations découvrent qu’il y a encore du chemin à faire et n’hésitent pas à s’engager. Peut-être ont-elles croisé des personnes comme Michel et Hector. Ce serait le plus bel héritage, comme celui que Marcelle Godbout a laissé aux personnes transgenres.
     
    À travers cet hommage à deux personnes qui nous ont récemment quitté, c’est un hommage à toustes celles et ceux qui me sont inconnu.e.s et dont la démarche s’inscrit aujourd’hui dans celles de Michel et d’Hector et que l’on a tendance à oublier, à ne pas voir, mais dont la présence et le travail sont plus essentiels qu’on ne le croit, qu’on ne le remarque. Et de les remercier d’être là car iels font une grande différence.
     
    Comme j’aimerais, ce soir, partager une bière avec Michel et Hector et me saouler de leurs rires.


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