Des bibliothécaires travaillent pour contourner les systèmes de catalogage traditionnels qui ne tiennent pas compte des identités de genre et orientations sexuelles qui n’étaient pas reconnues lors de leur conception.
«Il est important que les jeunes lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queers LGBTQ puissent trouver ces matériels, et c’est difficile, expliquait récemment dans un reportage de la CBC Julia Bowler, professeure adjointe à l’École de l’information de l’Université de la Colombie-Britannique, qui aide à cataloguer les 3800 titres de la bibliothèque Out On The Shelves. Cette bibliothèque se situe dans le centre étudiant de l’université de Colombie-Britannique, mais ne lui est pas associée.
« La classification peut être vraiment étrange, ce qui fait que le matériel queer est effectivement caché, à travers la bibliothèque, ou mis dans des catégories comme ‘perversions sexuelles’ », poursuit la prefesseure Julia Bullard, qui considère qu’une des difficultés principales repose sur le fait que selon les classifications traditionnelles, un roman peut être décrit comme étant queer seulement lorsqu’il est explicitement à propos de ce sujet.
Tout comme vous ne verriez pas des romans d’amour entre hommes et femmes étiquetés comme des ‘romans d’amour hétérosexuels,’ dit-elle, vous trouverez des histoires où il s’avère que les personnages sont gais, qui ne seront pas classifiées comme étant des histoires gaies pour autant.
Après, même lorsque les livres sont étiquetés comme queer, les bibliothèques utilisent parfois des étiquettes plutôt formelles comme minorité sexuelle
que les gens n’utiliseront pas nécessairement comme mot de recherche.
Pour ces raisons quelques bilbliothèques spécialisées dans le monde, comme la bibliothèque Out On The Shelves, ont été créé et utilisent leur propre classification.
Outre la bibliothèque Out On The Shelves, deux bibliothécaires au Kentucky ont décidé elles aussi de créer leur propre système de catalogage pour les quelque 3000 titres dans la collection du Centre de la fierté de Lexington.
«Aussitôt que l’on commence à classifier des livres», dit Amy Jo Mitchell, «on fait un geste politique». La bibliothécaire affirme que les deux principaux systèmes utilisés en Amérique du Nord incarnent des systèmes de pouvoir qui dévalorisent différents groupes, comme les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers.
«Selon la classification décimale de Dewey, les contenus LGBTQse trouvent dans une catégorie qui contient tout ce qui est, en gros, un acte sexuel non hétéronormatif. L’homosexualité n’est pas considérée comme une situation amoureuse, c’est simplement un acte sexuel. Il n’y a aucune mention de relation, et cela dévalorise, d’une manière, toute la vie de quelqu’un», déplore Amy Jo Mitchell.
«L’autre classification, celle de la Bibliothèque du Congrès, n’est pas mieux. La bisexualité est directement à côté de types d’abus sexuel envers des enfants, y compris l’inceste», explique sa collègue, Kristine Nowak.
ll n’est pas réaliste de refaire du jour au lendemain les classifications, puisqu’elles dénombrent plusieurs millions de livres.
Les anciens livres queers difficilement répertoriés
Un professeur qui étudie l’histoire de la littérature queer est lui aussi aux prises avec les difficultés liées au catalogage, car les termes pour décrire les personnes lesbienne, gai, bisexuel, transgenre, queerLGBTQ ont beaucoup changé au fil des ans. D’après Kyle Frackman, il faut pouvoir conserver autant de termes possibles dans les moteurs de recherche afin de s’assurer de pouvoir trouver des œuvres plus anciennes.
Le professeur adjoint en études allemandes et nordiques à l’Université de la Colombie-Britannique aide à gérer une collection de documents queer au sein de la bibliothèque de l’université.
Par exemple, si l’on cherchait «déviance sexuelle», on retrouverait plusieurs textes. Si on supprimait cette catégorie maintenant, afin de changer la manière dont on décrit ces relations, cela efface aussi l’histoire de comment ces relations ont été classifiées.
Il souligne toutefois que certains groupes de parents aux États-Unis utilisent des catalogues de bibliothèques afin de créer des listes de livres lesbienne, gai, bisexuel, transgenre, queerLGBTQ pour ensuite inciter les gouvernements à les bannir.
Malgré cela, il dit qu’il est essentiel que les jeunes lesbienne, gai, bisexuel, transgenre, queerLGBTQ puissent trouver des livres où ils se reconnaissent. : «J’étais toujours à la recherche de films, de romans, de textes, de nouvelles, de n’importe quel média où je pouvais me reconnaître», se souvient-il. «D’avoir ce type d’identification permet aux gens de commencer à se reconnaître.
»
D’après un reportage de William Burr sur la CBC