Bernard Rousseau est originaire de la vallée de la Matapédia, plus précisément du petit village de Saint-Zénon-du-Lac-Humqui. Faisant sienne la devise de la municipalité, c’est un garçon « fier et accueillant ». Des qualités qu’il conservera tout au long de son existence.
Après des études classiques au Mont-de-La Salle, dirigé alors par les Frères des Écoles
Chrétiennes et situé dans les quartiers de Laval-des-Rapides et de Pont-Viau, il obtient un baccalauréat en administration des affaires en 1972.
Deux ans plus tard, il fait la rencontre de Robert Duchaine à la Taverne de Montréal, boulevard Saint-Laurent. C’est le choc, le coup de foudre ! Et le début de fabuleuses péripéties. Celle de sa première passion amoureuse, bien sûr, et celle de la boutique Priape qui connaîtra un essor fulgurant. « Au départ, dit-il, Robert a vendu son chalet pour partir un commerce de jeans, mais il y avait une pénurie de denim à l’époque et je lui ai suggéré d’ouvrir un sex-shop 1. » Le projet se concrétisera le 11 novembre 1974 et Bernard Rousseau agira successivement à titre d’employé, d’associé et de propriétaire à partir de 1993.
À la suite de plusieurs déboires et déménagements, l’entreprise s’installera finalement sur la rue Sainte-Catherine, au cœur même du Village. Elle connaîtra un vif succès et une
expansion rapide et ce, malgré la répression et la censure — comme celle du journal
La Presse, en 1978, refusant de faire paraître leur annonce publicitaire concernant l’ouvrage Les Plaisirs de l’Amour Gai — ; et malgré le refus systématique des douanes canadiennes de laisser rentrer au pays certaines marchandises et « les nombreuses descentes effectuées par l’escouade de la moralité de la police de Montréal 2. »
Priape deviendra une institution notable, très impliquée dans la communauté.
En plus des affaires et du commerce, Robert Rousseau personnellement (ou en lien avec Priape) est à l’origine ou est associé à plusieurs projets culturels. À l’été 1980, Bernard Rousseau s’associe a SORTIR Inc, fondée par Georges-Valdor Lagacé, qui organise la Semaine du Cinéma Gai avec Bernard Cayer et Yvon Guérin. L’initiative connaît une belle réussite auprès du public mais s’avère difficile sur le plan financier.
« C’est après, poursuit Bernard Rousseau, que sous l’impulsion de Georges-Valdor, nous avons créé le magazine Gaillard qui, malheureusement, n’a été publié qu’une seule fois. Par la suite, au début de 1984, nous ouvrons le Cinéma du Village avec l’intention de présenter des nouveautés LGBTQ. Mais devant le peu d’offres de ce genre, nous en faisons un cinéma de répertoire et finalement un cinéma porno gai 3. »
Entre-temps, Priape se développe en ouvrant une succursale à Toronto et en acquérant des parts majoritaires dans Gaibec, un site très populaire sur le marché francophone international. Après avoir lancé son propre site Internet Priape.com, le sex-shop rachète, en 1997, la petite compagnie de t-shirts humoristiques LGBTQ This Ain’t Kansas. Rebaptisée Priapewear, elle développe une ligne de vêtements s’adressant au public LGBTQ dont des sous-vêtements, jock-straps, maillots de bain, t-shirts et jeans.
En 1999, afin d’en souligner le 25e anniversaire, Bernard Rousseau publie un livre intitulé La petite histoire de Priape. L’aventure n’en continue pas moins de plus belle puisqu’en 2001, Priape rachète la librairie l’Androgyne et déménage celle-ci dans le Village. Fondée en 1973 sous le nom de « Androgyne, librairie gaie et féministe », c’est une institution majeure pour la communauté. Mais « la concurrence est impitoyable (Renaud Bray, Chapters et surtout Amazon.com) et après deux années ardues et des pertes d’un quart de million, Priape se voit forcée de fermer l’Androgyne 4. »
Rappelons que, outre ses responsabilités d’entrepreneur, le très dynamique Bernard Rousseau a participé à la fondation de l’Association pour les droits des gai(e)s du Québec (ADGQ) dont il a été le secrétaire durant quelques années ; ainsi qu’au référendum pour obtenir une SDC (Société de développement commercial) dans le Village où il fut en charge du comité touristique au début de l’organisme. Il a aussi collaboré aux premières Fiertés Gaies dont le Bleu Blanc Rose, de même qu’à la création de la Chambre de commerce LGBTQ, du Centre commercial le Bloc Inc. dont le Café Bloc, du Centre Communautaire LGBTQ, et du comité de la candidature de Montréal pour les Gay Games.
En 2007, Bernard Rousseau vendra la majorité des parts de Priape Inc. aux gars de Gay411. Il prendra peu après une retraite… bien méritée — selon la formule consacrée !
PAR Serge Fisette [email protected]
SOURCES
1-Courriel, 9 mai 2022.
2-Bernard Rousseau, « Le Sex Shop gai », La petite histoire de Priape, 1999, p. 6.
3-Courriel, op. cit.
4-Ibid.