Jeudi, 28 mars 2024
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    Les hommes gais confondent-ils vulnérabilité et sexualité ?

    Une quantité spectaculaire d’hommes gais semblent avoir peur de leur vulnérabilité, de se dévoiler et d’assumer leurs émotions. Comme si leurs traumas passés les poussaient à se protéger et à rester en surface d’eux-mêmes, en se déconnectant de tout ce qui vibre en dedans… et en cherchant des sensations pour compenser. Même si c’est probablement inconscient, pour certains d’entre eux, la seule façon qu’ils ont trouvée pour ressentir quelque chose, c’est de baiser.

    Si vous pensez que ma chronique condamne les homosexuels volages qui ont un carnet de baises gros comme un dictionnaire, je vous arrête tout de suite. Je n’ai aucune envie de shamer la sexualité libérée et consentante. Je ne fais pas partie des puristes ayant établi un nombre supposément respectable de partenaires. Et je préférerais me faire brocher les paupières plutôt que de réduire les membres des communautés queers aux orgies, à la drogue et aux clichés suintant une vision arriérée du monde.

    Néanmoins, certaines choses me chicotent lorsqu’il est question de sexualité débridée. Je n’aime pas qu’elle devienne le SEUL sujet de conversation d’un individu : son nombre de conquêtes, la grosseur des pénis rencontrés, les positions adoptées, le nombre d’orgasmes, les partenaires futurs, etc. Qu’on se comprenne bien : parler librement de sexe, c’est bien. Mais parler uniquement de sexe, c’est lourd. À vrai dire, parler uniquement de n’importe quel sujet, c’est d’un ennui mortel. Jamais je n’adhérerai à l’idée voulant que les personnes qui parlent constamment de cul soient tout simplement sex positive, c’est-à-dire que leur relation avec la sexualité est si saine qu’elles n’hésitent pas à en parler sans tabous ni censure. Je le rappelle : tout est une question de fréquence. Je suis le premier à vouloir connaitre les histoires sexu de mes proches et à leur demander des détails en rappel. Par contre, si j’ai l’impression d’entendre la même cassette à répétition, je me dis que ça cache quelque chose. D’abord, une volonté de se valoriser par leur vie sexuelle. Ensuite, un mécanisme de défense qui les tient à distance d’une forme de vulnérabilité.

    Je ne parle pas ici du malaise avec le fait d’exprimer ses émotions, que plusieurs hommes homos et hétéros ont hérité de leurs ancêtres de peu de mots. Je ne parle pas non plus de cette association d’idées voulant que la sensibilité extériorisée soit une preuve de faiblesse et de féminité, qui pourrait révéler notre orientation sexuelle et nous mettre en danger. Je parle de l’incapacité à exposer nos peurs, nos failles, nos défauts, nos souvenirs difficiles et tout ce qui pourrait nous fragiliser. Bien entendu, chaque humain.e a droit à son jardin secret et il est parfaitement normal de choisir avec qui on veut s’ouvrir, en s’offrant le temps nécessaire pour se révéler un morceau à la fois. C’est ce qu’on appelle un niveau sain de protection et de dévoilement.

    Une fois qu’on a nommé tout cela, allons plus loin. Prenons conscience du manque de profondeur de plusieurs personnes. Je ne m’intéresse pas à leur niveau de connaissances, à leur éducation ni à leur intelligence. J’essaie de comprendre leur habitude de se couper de tout ce qui les bouleverse depuis les années chargées d’intimidation, de haine de soi et de cette impression d’être inadéquat.e. J’analyse leur incapacité à connecter avec leur intériorité, à faire preuve d’introspection, à se poser des questions difficiles, à comprendre les rouages de leur personne, à identifier les éléments qui ont marqué leur parcours, à goûter aux émotions que cela génère, à les vivre, à les apprivoiser, à les identifier et à en parler. Pas à la planète entière. Pas n’importe quand. Mais à des personnes de confiance au sein de leur famille, de leurs ami.e.s et de leurs dates, en temps et lieu.

    Parce qu’à force de se couper de ses émotions pendant des années, voire des décennies, une personne finit par créer des schémas de compensation. Des gestes posés pour combler — parfois maladroitement — le gouffre qui ne cesse de grandir à l’intérieur. Parmi ces gestes, il y a certainement la sexualité. Peu importe la position préférée. Peu importe l’endroit. Peu importe l’intensité. Peu importe le genre qui vous fait vibrer. Si le sexe est l’une des seules façons que vous avez pour ressentir des vibrations, des sensations ou des émotions, il y a quelque chose qui cloche. Un pas de recul qui doit être pris. De l’aide qui peut être demandée. Auprès de spécialistes ou de votre entourage. Afin d’avancer un pas à la fois vers ce monde intérieur qui n’attend que vous pour se manifester, en vous mettant en relation avec une variété d’émotions plus belles et plus déroutantes les unes que les autres. Je vous jure que c’est plus agréable que vous le pensez. Encore mieux : toutes les fois où vous vous offrirez une partie de jambes en l’air, cœur ouvert et tous les fils de vos émotions branchés aux bons endroits, vous risquez d’aimer ça plus qu’avant et de vouloir recommencer souvent. Parce que le sexe libéré, c’est bien. Mais le sexe comme patch anti-émotions, c’est moins ça.

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