Gai en Arabie saoudite, Turki a longtemps hésité avant de révéler son orientation à sa famille, la riche monarchie du Golfe restant très hostile à la communauté LGBT+ malgré quelques grandes réformes sociales.
« Tu n’es pas mon fils », lui a dit sa mère quand elle l’a appris, raconte à l’AFP l’homme de 20 ans. « Mon père et mes frères m’ont battu, et on m’a empêché de sortir et de voir mes amis pendant des semaines » ou encore d’aller à l’université, poursuit Turki, qui a trouvé refuge à Londres.
Sous l’égide du prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto depuis 2017, le pays musulman ultraconservateur cherche à polir son image en assouplissant ses mœurs : femmes autorisées à conduire, police religieuse écartée, réouverture des cinémas, publics mixtes lors de concerts pop, etc.
Mais les libertés sexuelles sont loin de faire partie de cet assouplissement. « Peu importe les réformes qui se produisent, je ne peux pas imaginer que la société nous acceptera », estime-t-il: « On n’a pas notre place ».
Au Royaume-Uni, loin de la riche monarchie pétrolière, il dit mener « une vie simple dans un appartement en colocation » mais, surtout, « en toute liberté ».
« Question très sensible »
L’Arabie saoudite, qui applique une version très rigoriste de la loi islamique, la charia, punit l’homosexualité de la peine de mort, une sanction qui n’a toutefois pas été appliquée ces dernières années. Le nombre de procédures pénales reste également inconnu.
Dans son dernier rapport sur les droits humains en Arabie saoudite, le département d’Etat américain souligne que les autorités n’ont agi en 2021 que dans le cas de personnes ayant « publié des photos de travestissements sur les réseaux sociaux ».
Ces derniers mois, l’Etat du Golfe a pris d’autres mesures tonitruantes comme l’interdiction de films internationaux contenant des références aux communautés LGBT+ (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre, intersexe et autres) ou la saisie de jouets aux couleurs de l’arc-en-ciel.
En dépit des « profondes réformes sociales » et de la « politique de l’électrochoc » du prince Mohammed, la question de l’homosexualité reste « très, très sensible », confirme à l’AFP Yasmine Farouk, spécialiste du pays au centre de réflexion Carnegie Endowment for International Peace, basé à Washington.
« C’est une société arabo-musulmane dans une région où ce sujet crispe toujours », ajoute-t-elle.
– « S’exposer c’est mourir » –
Un événement récent a particulièrement exacerbé les craintes de la communauté LGBTQ+ du royaume.
Une Saoudienne transgenre, surnommée Eden Knight, a raconté sur les réseaux sociaux être « soumise à des fouilles quotidiennes de (ses) affaires » et insultée de « monstre » par sa famille.
« J’ai tenté de me suicider par le passé, mais à chaque fois je me raccrochais à un fil quelque part au fond de moi (…). Cette fois, je n’en peux plus », a-t-elle écrit dans un dernier tweet le 12 mars, avant de ne plus donner signe de vie.
Les autorités saoudiennes n’ont pas souhaité répondre aux questions de l’AFP, qui n’a pas été en mesure d’obtenir plus d’éléments concernant cette affaire.
Il est « très difficile » pour cette société de comprendre l’identité transgenre, assure une autre Saoudienne transgenre, qui a requis l’anonymat. « Mon seul espoir était de partir et de commencer une nouvelle vie dans un pays qui me comprenait », confie la jeune femme, exilée elle aussi au Royaume-Uni.
Pour Hind (pseudonyme), une Saoudienne lesbienne, partir avec sa partenaire était une question de survie. « Nous exposer en Arabie saoudite c’était nous condamner à mort », dit la jeune femme qui vit désormais au Pays de Galles.
Elle publie régulièrement des photos dans lesquelles elle tient la main de sa petite amie. Mais les visages sont cachés derrière des émoticônes pour que personne ne puisse les reconnaître.