Je suis toujours étonnée de constater qu’en 2024, les menstruations sont encore aussi taboues. Chronique qui tente de décomplexer le mot en M en 1000 mots. Ce moment où vous êtes aux toilettes publiques et que vous devez changer votre protection hygiénique. Les femmes savent de quoi je parle. Toujours sortir la Always, sans bruit, pour pas que l’on sache que vous êtes dans votre « période ». Idem quand vient le temps de l’enlever.
À 40 ans, on commence à être habituée, mais à 12 ans, quand vous êtes la première de votre classe à avoir vos règles, c’est gênant. Surtout si les toilettes publiques sont mixtes. Qu’on se le dise, les menstruations c’est tabou. La plus grande ironie c’est que, sans elles, il n’y a pas de conception possible. Bref, sans menstruations, le « plus beau cadeau du monde » (selon les dires, les enfants), ne serait pas possible. Pouvez-vous donc m’expliquer pourquoi tout le monde (particulièrement les hétéros) est aussi gêné à la simple mention des menstruations ?
C’est ce qui vous permet d’avoir vos bébés ! C’est comme si les adultes — ceux qui racontent aux enfants que les bébés naissent dans les choux — tentaient de se mentir à eux-mêmes, en se disant que les bébés c’est possible grâce à leur unique amour l’un pour l’autre. J’ai peut-être l’air cynique, mais c’est vrai. T’as beau aimer l’autre de tout ton cœur, si tu es infertile ou pu menstruée, tu n’auras pas de bébé. O.K. Le sang menstruel. Dégueu. Cela dit, ce n’est pas le premier truc dégueu, en lien avec nos organes génitaux… pourtant c’est un des plus tabous. D’ailleurs, la croix rouge fait des campagnes de dons de sang régulièrement et plusieurs s’y précipitent. C’est noble de donner de son sang, mais infect de le rejeter de l’utérus, même si essentiel au cycle de la vie.
D’ailleurs, les femmes sont pognées avec cette « condition » pour une bonne partie de leur vie, qu’elles le veuillent ou non. Moi, je n’ai jamais voulu d’enfants. Pourquoi je ne peux pas cocher « non » sur le formulaire de menstruations ? Vous allez me dire que je devrais être remplie de gratitude, car je peux donner la vie ? Peut-être, mais je ne veux pas !
Et plusieurs pensent probablement que je suis « égoïste » ou « mauvaise femme » (ou « sale lesbienne »), car je ne veux pas d’enfants, que je « crache » sur ce don de Dieu, celui de donner la vie. Avoir des enfants est un choix, pas une obligation et je fais le choix de ne pas en avoir. Point. Cela dit, je n’ai jamais choisi d’être menstruée. Pourtant je suis prise avec cette « condition ». Pour moi, ça se résume à quelques jours de saignements et un caractère de merde durant le syndrome prémenstruel, mais pour certaines femmes c’est handicapant au point qu’elles se tordent de douleur et qu’elles ne peuvent même pas se lever du lit pour aller travailler.
Au Japon, le droit à un congé menstruel est inscrit dans la loi depuis 1947, imaginez ! La Corée du Sud autorise ses employées à prendre un jour de congé menstruel non payé par mois. L’Indonésie a adopté en 2003 une loi prévoyant un ou deux jours de congés payés en début de cycle menstruel. Le congé menstruel à Taïwan donne droit à trois jours de congés par an, comptabilisés comme congés de maladie. En Zambie, pays d’Afrique australe, une loi accorde aux femmes depuis 2015 un jour de congé supplémentaire par mois, sans préavis ni certificat médical. Ce congé est surnommé « fête des Mères » (1).
Enfin, en 2023, l’Espagne est le premier pays européen à adopter le projet de loi créant le congé menstruel. En France et en Australie, certaines entreprises accordent ce congé, sans pour autant qu’il soit inscrit dans le Code du travail, ce qui est également le cas du Canada (2). Néanmoins, au Canada, le Code canadien du travail assure l’accès aux produits menstruels au travail en 2023, pour les employeurs sous réglementation fédérale. Cela dit, 1) qu’advient-il des autres employées à travers le Canada? ; et 2) ça ne « règle » pas le problème des congés menstruels pour les personnes qui en ont besoin ; ou encore quand 3) t’arrives à la maison et qu’il faut payer tes serviettes hygiéniques !
Si vous voulez mon avis, il y a deux choses qui devraient être gratuites, partout : le papier toilette et les serviettes hygiéniques (concernant les couches pour bébé, avoir un bébé est un choix). Être menstruée, non, c’est une condition, au même titre que devoir aller se vider la vessie ou autre aux toilettes. Et aux personnes qui trouvent que c’est exagéré, au moment d’écrire ces lignes, la boîte de 36 serviettes Always (les meilleures, chu pas payée pour le dire), régulières avec ailes est à 9,99 $. Heureusement, depuis 2015 — il était temps — les produits d’hygiène féminine sont détaxés. Disons que vous pouvez faire en moyenne 2 à 3 mois avec une boîte, selon votre flux. Calculez le tout sur près de 40 ans… C’est sans compter, les tampons ou autres pilules pour soulager la douleur, lorsque nécessaire.
C’est coûteux d’être une femme. Et ne me parlez pas de ces serviettes lavables… Vous utilisez la diva cup ? Bravo ! Si mal utilisée, elle peut engendrer un syndrome du choc toxique, au même titre que les tampons, et puisqu’il est déconseillé de la porter la nuit, il faut donc trouver une alternative. Perso, je n’adopte pas la diva cup, comme les personnes qui font la rivière rouge, car je ne mettrai pas mes mains dans mon vagin pour aller l’installer, puis la retirer.
Mes intentions écologistes s’arrêtent là. Je n’ai jamais mis de tampons, je ne vais pas commencer la diva cup… Cela dit, cet été j’ai découvert le bas de bikini paddé (SAVVI Period Swimwear, et j’ai été agréablement
surprise. Et si ça a survécu à ma première fois en surf, dans les vagues de Californie, ça peut survivre à pas mal toute. Sauf peut-être la mer Rouge… Malgré mon indignation lisible, cette chronique n’a pas été écrite sous l’emprise du SPM ou des menstruations. Mais quand on subit cette « condition » 12 fois par an, pendant disons 40 ans, on commence à connaître la chanson !