Fidèle à ses habitudes, le Festival western de Saint-Tite a attiré des centaines de milliers de personnes en septembre dernier. Il y avait toutefois une différence de taille lors de la 56e édition : pour la première fois, l’événement avait un président homosexuel, David Moreau. Si vous lisez ce texte en croyant que cette information est inutile, vous n’avez probablement pas compris l’importance de la représentation et des modèles comme lui dans la suite du monde.
Pourquoi voulais-tu t’impliquer au festival ?
David Moreau : Je suis originaire de Saint-Tite. Dès mon jeune âge, chaque année, j’attendais que les chevaux arrivent derrière chez nous avec les campeurs. C’était un moment de fébrilité pour moi, même si je n’étais pas encore dans le milieu des chevaux ni impliqué au festival. Avec les années, je suis devenu fanatique du monde western et j’ai été approché en 2015 pour intégrer le comité organisateur.
Peu à peu, j’ai gravi les échelons. J’avais comme objectif de devenir président du festival pour organiser une édition à ma couleur et laisser ma trace dans l’histoire de l’événement.
Le festival est infiniment populaire depuis des décennies. Quelle est sa force ?
David Moreau : L’ambiance ! Que tu sois dans un spectacle de musique, dans un chapiteau de danse, dans les bars, au rodéo ou sur la rue, l’ambiance est présente partout. C’est ce qui fait que les gens ont la piqûre et qu’ils reviennent année après année. Nos activités touchent une clientèle assez large en ce qui concerne les âges. C’est rare que les gens ne sont pas heureux au festival.
Comment as-tu développé ta passion pour les chevaux ?
David Moreau : Au secondaire, j’ai commencé à en avoir. Je faisais surtout de la randonnée et j’aimais m’en occuper. C’est vite devenu une grande passion. À mes débuts dans l’organisation du festival, j’ai rencontré mon conjoint, Kévin Rivard, qui était dans le monde de la compétition depuis longtemps. Je faisais de l’élevage de chevaux et je rêvais de voir un cheval que j’ai élevé dans le ring en compétition, alors que Kévin achetait un poulain et l’entraînait pour faire la compétition. On s’est complété. Aujourd’hui, je fais un peu de compétitions, mais pas au niveau avancé. Je ne demande pas plus que ça. Je préfère l’élevage.
À tort ou à raison, les activités du monde rural sont associées à certaines valeurs plus conservatrices. Comment c’est d’être homosexuel dans ce milieu ?
David Moreau : J’ai toujours eu la mentalité de rester moi-même. Si tu parlais à mes proches et à ceux de Kévin, ils te diraient qu’on est restés les mêmes avant et après nos coming out. On a été très bien acceptés partout. Je n’ai jamais eu de problème à ce sujet au village, dans mon domaine professionnel ou dans le monde des chevaux. Certaines personnes croient que c’est un milieu typiquement masculin et un peu conservateur, mais loin de là. Dans nos disciplines, il y a plusieurs personnes homosexuelles et ça se passe super bien.


Quelles sont les réactions des adeptes du festival à votre couple ?
David Moreau : On ne met pas nécessairement notre couple de l’avant. Le 5 décembre 2023, quand le festival a annoncé que je devenais président, on n’a pas précisé que j’étais homosexuel. C’est juste normal. En entrevues, je parle de mon conjoint. Pendant la finale du rodéo, devant 7500 personnes, je suis allé faire un discours, j’ai reçu un trophée et un dossard de la 56e édition en souvenir. Tout ça remis par des personnes importantes pour le président. L’annonceur a mentionné au micro que ce serait remis par mon conjoint et ma famille. Il n’y a eu aucune réaction négative dans les estrades. L’annonceur est également homosexuel et, quand on s’est reparlé en soirée, il m’a demandé si je réalisais que je venais de passer à l’histoire. Je ne m’en rendais pas compte.
Il y a plusieurs compétiteurs homosexuels dans le monde du rodéo, mais ils n’en parlent pas. Pourquoi ?
David Moreau : Je pense que ces individus agiraient de la même façon dans un autre domaine. Je ne crois pas qu’ils restent discrets à cause du monde des cowboys, mais parce qu’ils ne sont pas prêts à en parler. Moi-même, étant policier à la SQ, j’évolue dans un domaine professionnel très masculin, qui vient avec son lot de préjugés. J’ai eu des difficultés à m’adapter à mes débuts, mais parce que je passais d’un petit village à une plus grosse ville. La même année, j’ai rencontré mon chum. Quand j’ai fait mon coming out, ça a été la plus belle journée de ma vie ! Au poste, tout le monde voyait à quel point j’avais l’air mieux. Dans le monde des chevaux, c’est similaire. Les gens ont besoin de se sentir prêts pour en parler. Ils ne m’en parlent même pas à moi, même si je suis très ouvert sur le sujet.
J’ai adoré mon expérience au festival, mais j’ai aussi repensé à l’attaque homophobe qui a eu lieu sur place en 2015. Crois-tu que ça a laissé des traces dans la tête des personnes queers qui voudraient vivre le festival ?
David Moreau : Je ne pense pas. Les situations comme ça arrivent partout. Depuis 2015, la sécurité s’est immensément améliorée au festival. Notre priorité est que tout le monde se sente en sécurité, même si on a une foule gigantesque. Oui, ce crime a été commis envers une personne de la communauté LGBTQ+. Ça a été très médiatisé. Mais la même année, il y a eu une autre attaque sans lien avec la communauté et c’est passé plus sous silence. Une décennie plus tard, je ne crois pas que ça affecte les gens. Notre organisation a beaucoup évolué
Cela dit, quand j’ai reçu ta demande d’entrevue, j’ai pensé que les gens qui ne font pas partie de notre milieu peuvent imaginer que c’est un monde typiquement masculin et que les personnes LGBTQ+ n’ont pas leur place dans le monde western-country. Pourtant, quand on fait un tour au Festival western de Saint-Tite, on réalise qu’il y en a plusieurs.
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