Samedi, 22 mars 2025
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    « Toutes les peurs avec lesquelles les gens appellent, on les vit aussi » : être pair aidant devant la haine

    Depuis la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le 5 novembre dernier, les téléphones ne dérougissent pas chez Interligne (anciennement Gai-Écoute), la seule ligne de crise panquébécoise desservant la communauté LGBTQ+.

    « Les chiffres [pour l’année 2024] ne sont pas encore comptabilisés…mais il y a eu une augmentation marquée des appels au sujet de Trump. Il y avait déjà des appels sur Trump depuis quelques années, mais ce nombre-là a drastiquement augmenté depuis son entrée au pouvoir », relate le coordonnateur des communications d’Interligne, Elo Gauthier-Lamothe.

    Depuis son entrée en fonction le 20 janvier, le président a signé des décrets particulièrement durs à l’endroit des personnes trans et non binaires, dont un selon lequel le gouvernement américain reconnaîtrait seulement deux genres (femme et homme) et un autre qui interdit le financement public des soins d’affirmation de genre pour les jeunes trans et non binaires (quoique ce dernier a été temporairement suspendu par un juge le 13 février).

    Depuis l’élection américaine, les intervenant.e.s d’Interligne ont observé « une anxiété par rapport au climat actuel, un sentiment d’incertitude devant l’avenir et une peur du recul des droits, aux États-Unis, mais aussi ici », note Elo Gauthier-Lamothe.

    La peur à laquelle il fait référence n’est pas hypothétique. Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a récemment déclaré que les « mâles biologiques » devraient être exclus des espaces réservés aux femmes et le gouvernement albertain a proposé une liste de changements législatifs qui pourraient potentiellement restreindre l’accès aux sports scolaires et aux soins d’affirmation de genre pour les jeunes trans. Au Québec, chez les adolescent.e.s, l’ouverture envers les personnes LGBTQ+ a reculé pour la première fois en 2024, après 30 ans de progrès, selon un rapport du Groupe de recherche et d’intervention sociale
    (GRIS-Montréal), publié en janvier.

    Tout comme Elo Gauthier-Lamothe, Marie Houzeau, directrice générale du GRIS-Montréal, considère que le climat politique y est pour quelque chose. En tant qu’intervenante du GRIS, Marie partage son vécu avec des élèves de la fin du primaire et du secondaire depuis plus de 20 ans, dans le but de combattre des préjugés. Selon elle, leurs attitudes ont évolué « en diagramme de cloche ».

    « Au début, peut-être, les jeunes qui étaient plus ouverts étaient minoritaires, puis ils sont devenus majoritaires… maintenant, il y a un retour du balancier », dit-elle. Dans les sondages remplis par les élèves et lors des périodes de questions, les intervenants ont droit à des commentaires décomplexés — tels que « je suis homophobe et c’est mon droit » — et parfois violents.

    « Évidemment, ce n’est pas tous les jeunes, mais cette évolution du climat est perceptible », observe Marie Houzeau. Elle pointe du doigt non seulement les discours politiques, mais aussi la polarisation sur les réseaux sociaux. « Forcément, ça finit par avoir un impact dans la vraie vie. »

    Chez Aide aux trans du Québec (ATQ), qui opère une ligne d’écoute et des groupes de soutien pour des personnes trans et en questionnement, on fait un constat similaire. « Cette montée de la haine, c’est de plus en plus discuté », dit Kim Forget-Desrosiers, coordonnatrice de services à l’ATQ. Il y a quelques années, Kim et ses collègues ont constaté une recrudescence de la transphobie dans les médias anglais. « On s’est dit, mon Dieu, si ça arrive aux États-Unis, ça va certainement arriver au Canada. Et au Canada aussi, c’est commencé. »

    La situation présente un défi pour les trois services, quand des bénévoles surchargé.e.s décident de prendre un pas de recul et que d’autres doivent en prendre plus sur leurs épaules. Comment aide-t-on des personnes à composer avec leurs peurs, quand on vit la même chose qu’elles ? C’est le défi d’Interligne, du GRIS et de l’ATQ, qui offrent des services « par et pour » la communauté LGBTQ+ et les gens en questionnement. « Toutes les peurs avec lesquelles les gens appellent, [les bénévoles] les vivent aussi », résume Elo.

    « Appliquer les techniques qu’on propose, ça nous aide énormément. Une des choses [qu’on suggère aux intervenants et aux gens qui font appel à nous], c’est de rester informé.e.s sans trop s’informer — on n’a pas besoin de regarder les nouvelles toutes les 15 minutes. Aussi, c’est bien d’être dans l’action, mais il faut prendre des breaks — ce qui peut être différent pour chaque personne », suggère Kim.

    Les deux intervenants mettent aussi l’accent sur l’importance de se retrouver en communauté, entre personnes qui vivent des choses semblables. « Les communautés [queer et trans] vont toujours continuer d’exister, même si un gouvernement n’est pas favorable à leur existence. S’impliquer dans [votre] communauté, ça peut être une façon de combattre ce sentiment d’impuissance », conclut Elo Gauthier-Lamothe.

    INFOS | Les services de soutien d’Interligne sont disponibles 24 heures sur 24,
    par téléphone et par texto, au 1-888-505-1010.

    La ligne d’écoute et de référence de l’ATQ est ouverte tous les jours de 9 h à 21 h,
    au 1-855-909-9038.

    Joignez Jeunesse j’écoute (ligne de crise pour les 18 ans et moins) en appelant
    au 1 800 668-6868 ou en textant PARLER à 686868.

    Pour parler avec un conseiller en prévention du suicide, appelle 1-866-APPELLE
    en tout temps. Le site du Gris-Montréal est www.gris.ca
    .

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