Vendredi, 19 avril 2024
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    Les voix discordantes de Mario Cyr

    Généralement, un journal intime est biographique. Rares sont les écrivains qui utilisent ce genre littéraire sous forme de fiction. Rares aussi sont ceux qui donnent une page de journal intime sur un site Internet et qui engagent en parallèle, un dialogue avec les lecteurs. Mario Cyr s’est livré à cet exercice.

    Au départ, une commande d’un organisme, Séro Zéro, voulant donner la parole à un jeune séropositif; sur la ligne d’arrivée, un livre regroupant les textes parus sur écran et édité par Les Intouchables. Entre les deux, quelques obstacles à surmonter. Un conflit entre l’écrivain et l’organisme de prévention met fin à la collaboration. Le premier parle de censure, le second avance son devoir de prévention pour demander au premier de modifier certaines choses dans son texte. Du matériel romanesque, en somme, qui se retrouvera dans Journal intime d’Éric, séropositif.

    Au fil de ce journal, Éric confronte sa séropositivité, apprend à vivre avec. Une façon pour lui de se situer face à lui-même, face aux autres. Une façon aussi pour Mario Cyr d’aborder le merveilleux monde des gais et d’en montrer les facettes moins glorieuses. « Parmi les séropositifs, certains n’ont pas reçu l’écoute qu’ils attendaient, d’autres ont eu des problèmes avec des bénévoles, mais ils n’ont pas de place pour le dire. Je voulais en parler dans ce journal. De même, on nous parle toujours du Village comme d’un lieu plaisant, avec des gais qui viennent s’y amuser, mais on oublie de parler de la solitude qui frappe de nombreux gais, de l’alcoolisme, de la toxicomanie, de la mauvaise estime d’eux-mêmes. Je voulais me démarquer d’un certain nombre de discours et parler de désaccords que l’on a tendance à occulter sous une image homogène, d’une communauté soi-disant unie et solidaire », s’enflamme l’écrivain. « Mais on ne veut pas en parler de peur de passer pour une communauté irresponsable. »

    C’est pour cela que Mario Cyr ne supporte pas, que sur les sites de discussion d’organismes de prévention, on refuse de discuter de thèmes délicats, comme le barebacking et la pilule du lendemain ou de théories voulant que le VIH n’ait aucun rapport avec le sida. « On ne veut pas en discuter parce qu’on a peur d’un relâchement du sexe sécuritaire, comme si les participants ou les lecteurs n’étaient pas assez intelligents pour se faire leur propre idée et adopter les meilleurs comportements », s’indigne l’auteur. Il en veut pour preuve les nombreux témoignages qu’il a reçus de lecteurs internautes et dont certains ont servi dans l’écriture du journal.

    Bien entendu, Séro Zéro est dans la ligne de mire de Mario Cyr. Mais ce dernier se défend d’avoir écrit un pamphlet. « Le journal d’Éric est une chronique médicale, un roman d’amour aussi », précise-t-il. Un roman d’amour qui risque d’avoir l’effet d’une petite bombe dans le milieu communautaire.

    Journal intime d’Éric, séropositif, de Mario Cyr. Les Intouchables, Montréal, 2001. En librairie dès le 1er décembre.

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