Jeudi, 16 janvier 2025
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    « Mes images de l’amour » de Patrick Drevet

    Entre l’essai et le récit, Mes images de l’amour, de Patrick Drevet, raconte l’expérience amoureuse sous l’angle du désir de voir. Drevet avait déjà interrogé le statut de l’image du désir dans deux livres, Huit petites études sur le désir de voir et Petites études sur le désir de voir II (Gallimard, 1991 et 1996). Par ailleurs, ses romans sont également centrés sur la pulsion de voir.

    L’écrivain ne fait donc ici que continuer sa réflexion sur l’érotique, décrivant les modèles de l’amour, dont l’élaboration est survenue durant son adolescence, et expliquant comment il les a intégrés dans sa conception de l’univers de l’amour. 

    Trois scènes, ou plutôt trois grandes mises en scène de l’image érotique, l’ont marqué : celle d’un couple faisant l’amour, celle de lutteurs et celle d’acrobates. Trois scènes où l’émotion est poussée à son plus haut degré, car s’y nouent en une énigme puissante sexualité et beauté, corps et désir. Trois images qui attisent la curiosité sur la jouissance et montrent combien le spectacle de l’amour est loin de toute emprise sociale. On ne saurait mieux dire que Drevet combien l’acte amoureux est un acte sauvage, antisocial.

    On trouve dans les images qu’exhibe l’amour, à la fois érotisme et plaisir, qui apparaissent ainsi plus forts que l’amour, tant ils requièrent délicatesse et persévérance. « L’étreinte est un banquet. On s’y offre l’un à l’autre une tranche du monde », écrit Drevet. Ainsi, le spectacle des lutteurs et des acrobates participe de cette même soif de curiosité, du même caractère pédagogique du plaisir qu’on retire dans l’observation des ébats amoureux.

    Mais, quand il s’agit de voir deux corps d’hommes étreints, le désir sexuel et l’affection se doublent d’une certaine opacité : la similitude brandit comme une épée de Damoclès l’affirmation d’une virilité fatale. L’altérité ne repose plus sur la complémentarité ni sur la fraternité, même si elle est au cœur d’une lutte dans le désir de la différence. Regardant des lutteurs, l’écrivain conclut que « l’amour est plus affaire de lutte que de sexualité ».

    Tandis que l’image des acrobates semble la seule à lui « offrir dans une pure transparence la dynamique du bonheur amoureux »; elle est l’image la plus évidente, la plus émouvante de l’entente absolue entre deux corps, dont les mouvements tiennent de l’élégance, de la fantaisie et de l’harmonie. Parce qu’il nous plonge dans la stupéfaction, le spectacle de l’acrobatie, qui exige vigilance et compréhension, correspond parfaitement à l’émoi engendré par la vision de l’amour.

    C’est que ce spectacle restitue la perception que, enfant, on peut avoir de la sexualité. Sans parler qu’on y trouve également un plaisir d’esthète. L’amour est une aspiration singulière, tributaire de l’histoire singulière de chacun.

    On comprend en lisant les magnifiques pages de Mes images de l’amour combien le spectacle pornographique est dénaturation de l’amour, déficit de sensualité, corps dépersonnalisés et trafiqués, jouissances égoïstes et solitaires.

    On comprend combien le désir n’y a jamais affaire avec l’individualisation, qui est son fondement, la base à partir de laquelle il se déploie. C’est un des constats qu’on peut tirer de la lecture de Patrick Drevet. Et on y apprend en plus l’art de la contemplation.

    Mes images de l’amour / Patrick Drevet. Paris: Gallimard, 2001. 174p.

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