Kevins-Kyle est sorti du loft pour la seconde fois, mais entre ses deux sorties, il y a eu tout un cheminement personnel. À l’image d’une sortie du placard, un choix qu’il assume face au public désormais et pour lequel il intervient auprès des jeunes.
Âgé de 23 ans, Kevins-Kyle avait 20 ans lors de son premier loft story. Il est né et a grandi à Saint-Edmond-des-Plaines au Lac-Saint-Jean. Benjamin de deux frères dans la trentaine, son père travaille dans la foresterie, «comme la plupart des mâles de la famille», et sa mère est couturière.
«J’ai commencé des études dans la construction à 16 ans alors que je détestais ça. Je voulais faire de la coiffure, mais c’était associé aux gais et j’avais tellement entendu de commentaires blessants et de stéréotypes méchants sur les gais que ça ne pouvait pas être moi. Sans savoir le nommer, je savais que j’étais gai dès l’âge de 7 ans.»
«En réparant la toiture d’un barbier hétéro, j’ai réalisé que tout ce monde n’était pas gai et que je pouvais très bien faire la job. Je me suis dirigé alors en coiffure à 17 ans.»
Il a appris la coiffure au Lac puis a fait ses perfectionnements à New York et Montréal. Il est actuellement coiffeur au Salon Stephan Gagnon sur la rue Amherst. «L’équipe au salon, c’est comme une grande famille. J’ai un boss en or, très humain, qui comprend mon engagement et m’aide à organi-ser mon horaire». Kevins-Kyle participe à des chroniques TV sur la coiffure et au site web Bombe TV, repris sur Vox.
«En coiffure, peu à peu, j’ai rencontré de plus en plus de gais qui s’assumaient et étaient heureux. Seul la nuit, je me disais que les autres s’en crissaient de ce que je pensais d’eux et que je devrais faire pareil. Je l’ai annoncé à ma famille par étapes. Ma mère, à 17 ans; mon père, à 18 ans; et mes frères, à 20 ans. Ils ont tous eu une excellente réaction. Ma mère m’a dit qu’il lui a fallu revoir certaines certitudes trop ancrées dans son éducation. Mon père s’inquiétait plus que je me fasse écœurer par les autres que de leurs jugements.»
«Et mes frères, j’ai dû les réconforter, surtout le plus vieux, parce qu’il culpabilisait, se demandait s’il n’était pas responsable de mon orientation avec son comportement homophobe. Il m’a même dit : ‘‘je ne comprends pas, je n’accepte pas, mais tu es mon petit frère que j’aime, alors laisse-moi le temps d’apprendre’’…»
«Lorsque je me suis inscrit à mon premier Loft Story, je laissais croire que j’étais bisexuel et je répondais: ‘‘C’est pas de vos affaires!’’ Dire à tes proches que tu es gai ou le dire à deux millions de personnes, on s’entend que c’est pas la même chose!»
«Quand j’en suis sorti, des parents ont dit que le fait de me voir à l’émission les avait aidés à accepter leur fils gai. J’ai pris conscience de l’ouverture des gens qui disaient ‘‘Vous êtes ben hot, vous, les gais!’’ Des jeunes du secondaire venaient me voir pour me demander comment assumer leur orientation sexuelle.»
«Entre les deux lofts, j’ai appris à assumer publiquement mon homosexualité. Et je veux aider les autres à le faire. Depuis deux ans, je participe à des interventions avec le Néo, un groupe de lutte contre l’homophobie et pour l’acceptation de l’homosexualité. C’est une formation sérieuse où l’on aborde la psycho, les statistiques, des études sociologiques comme l’échelle de Kinsey, etc. Bref, on y apprend que l’anormal, c’est l’homophobe.»
«J’ai reçu pas mal de lettres de jeunes qui voulaient parler de leur homosexualité et ne savaient pas comment l’aborder. Certains viennent au salon et prennent un rendez-vous pour une coupe pour pouvoir me parler. En fait, je me rends compte qu’il y a peu de modèles pour les jeunes; en tout cas, pas des modèles proches de leur génération, qui ne sont pas des intellectuels ou des artistes, mais du monde ordinaire.»
«J’essaie de les prendre à leur propre jeu avec humour. Parfois je dis à des jeunes ‘‘Si t’écœures autant les autres en les traitant de gais, en as-tu peur ou as-tu besoin d’en parler? Peut-être que tu l’es!’’ À un autre qui dit que les gais sont plus efféminés, je lui rappelle qu’on représente 10% de la population. ‘‘Connais-tu d’autres gais parmi les 200 des 2000 élèves de ton école?’’, et ainsi de suite. Je leur rappelle aussi que des propos homophobes peuvent blesser une mère, un frère, près d’eux sans qu’ils s’en rendent compte. Après nos interventions avec Néo, les jeunes ne voient plus ça de la même façon.»
«Pendant trois ans à parcourir les écoles, tu vois bouger les choses. Une nouvelle génération d’ados est apparue qu’il faut aider. Puisque la TV me donne un espace pour dire des choses à ces jeunes, profitons-en. C’est ce qui m’a décidé à participer au dernier Loft Story. La notoriété à la télé sert la bonne cause avec le Néo. Et même au Lac, on dit qu’une ‘‘vedette’’ du coin est homosexuelle, et ça passe!»
L’avenir? «Je veux continuer la lutte contre l’homophobie, peut-être en ouvrant un site Internet autour d’un ‘‘courrier des lecteurs’’, je ne sais pas trop. Et je veux militer pour l’adoption parce que, même si la loi le permet, il y a une réelle discrimination envers les gais pour adopter des enfants. Et je veux avoir des enfants», insiste Kevins-Kyle avec un large sourire. Il sort depuis un an avec un étudiant d’origine italienne, très bien accepté et intégré dans sa famille. «Ça tombe bien, on est tous les deux très famille.»
Le Néo, association de jeunes allosexuels de Lanaudière
450 964-1860 / 1 800 964-1860 / le-neo.com