Face à la beauté et au talent, il y a deux réactions possibles: l’admiration ou la jalousie. Les deux peuvent même parfois s’entremêler, ce qui se traduit par un sentiment d’exaltation à l’arrière-goût frustré. À la suite de mon entretien avec Aïman Beretta, l’envie n’est pas une option. Avec son accent craquant, son humilité sidérante et son rire franc, je ne peux souhaiter au D.J. de 33 ans que tout le succès qu’il mérite. Et j’insiste sur le fait de métier, car tout ce qu’il récoltera, Aïman l’aura semé. Malgré tout, Aïman s’avoue étonné de sa popularité quasi instantanée dans le monde sélectif du nightlife.
«Je n’arrive pas à croire qu’on m’engage déjà un peu partout. Ça fait seulement huit mois que j’ai commencé ma carrière», confie-t-il directement de son studio. Relativisons toutefois les propos du sex-symbol à l’égo pratiquement absent: en effet, il performe dans les clubs depuis moins d’un an, mais l’artiste agit à titre de producteur depuis les balbutiements de son adolescence et a connu l’euphorie provoquée par les foules de jeunes femmes en délire. «J’ai grandi en Côte d’Ivoire, mais j’ai voyagé énormément dans ma jeunesse, puisque mes parents travaillaient dans l’import-export. J’étais à Ottawa lorsqu’un producteur roumain, après avoir entendu mon démo, a décidé de m’offrir un contrat de trois ans. Eh oui! À 21 ans, je chantais du pop un peu bonbon un peu partout en Europe devant une assistance très majoritairement féminine!», raconte-t-il, légèrement mal à l’aise. Pourquoi donc cette gêne face au fait d’avoir incarné l’idéal masculin d’un Ken durant ces années? La réponse officielle du sympathique DJ : «Parce que la musique que je faisais à cette époque contraste énormément avec la house à saveur tribale que je produis aujourd’hui». Mais la réponse officieuse aurait pu être: «Parce que mon humilité ne me rend pas à l’aise d’étaler mes succès de la sorte».
Jusqu’en 2003, Aïman produit majoritairement du R&B. Depuis, il carbure essentiellement à la musique house, sauf que… «Pour la première fois, j’ai décidé de faire appel à des chanteurs R&B pour des pièces house. Par exemple, on peut entendre la voix de Benny Adams sur So Fly et celle de Maria Capenilli sur I Want You. Les chanteurs R&B possèdent ce soul dans la voix qui se marie parfaitement à ma musique», remarque-t-il. À la manière d’Usher pour Justin Bieber, Aïman découvre plusieurs de «ses» chanteurs sur youtube. «Je navigue à la recherche de bons covers, et il m’arrive de tomber sur la perle rare», explique-t-il avec enthousiasme. Et celui qui a connu la gloire dans la chanson il y a quelques années ose-t-il toujours exposer publiquement ses prouesses vocales? «Bien sûr! Je chante sur la pièce Wordz, qui est lancée depuis un certain temps et qui suscite déjà une bonne réaction auprès du public. Mais je compte bien la remixer dans une version club plus tribale pour lui donner encore plus de mordant», s’empresse-t-il de mentionner. Perfectionniste, vous dites?
Dans l’effervescence de ses débuts en tant que D.J., Aïman a eu l’occasion de se produire à certains points névralgiques du nightlife gai, dont au Sky et au Parking. Chaque fois, la communauté LGBT s’est démarquée. «Il y a des clubs où les gens sortent pour boire et d’autres pour danser, ce qui est immanquablement le cas dans le Village. Quand je joue sur Saint-Laurent, je n’ai pas le choix de mettre quelques tubes de l’heure si je veux garder les gens sur le plancher de danse et éviter de recevoir des bouteilles vides par la tête, alors que les gais me permettent d’exposer mon côté plus avant-gardiste, plus underground. J’ai affaire à de vrais connaisseurs de musique house, et c’est très stimulant pour un D.J.», différencie-t-il.
Certes, nous pouvons reprocher à Aïman de participer activement au réchauffement de la planète (votre température corporelle n’a-t-elle pas augmenté lorsque votre œil sélectif s’est attardé à ces pectoraux qui le précèdent en permanence d’au moins trois pieds?), mais sachez que le D.J. d’origine libanaise (tout s’explique!) ne joue aux Dieux du Stade que pour les besoins de carrière musicale. «Je suis conscient que mon apparence me donne un coup de pouce pour ma carrière. On vient d’ailleurs de m’engager simplement grâce à une de mes photos (dans un club à Toronto). Toutefois, je n’aime pas vraiment les sessions photos. Je ne sais jamais où et comment me placer. J’ai l’impression d’avoir beaucoup trop de jambes et de bras», plaisante-t-il. Oui, nous saurions sans doute quoi faire avec ces membres en extra, surtout lorsque nous nous attardons au caractère infini de leurs fibres musculaires. «J’ai longtemps joué au soccer et au football (avec les chars d’assaut qui lui servent de cuisses, sommes-nous vraiment surpris?).
Le sport m’a inculqué une discipline qui me servira toute ma vie», reconnaît-il. Ajoutons donc discipliné à la liste de qualités du D.J. qui s’envolera pour Marrakech le 8 octobre prochain pour partager sa passion avec les Marocains au club Pasha. Finalement, je l’avoue, je ressens peut-être un brin de jalousie…