Depuis quelques années, le lutteur américain Sonny Kiss cause une petite révolution dans le monde de la lutte professionnelle en affichant ouvertement son homosexualité et sa féminité, sans faire de compromis sur sa capacité à botter des culs. Fugues l’a rencontré en avril dernier, avant sa participation à un gala de lutte au Bar 99 dans Hochelaga.
Comment la lutte est-elle entrée dans ta vie?
Quand j’étais enfant, je luttais avec mon frère pour m’amuser. Vers cinq ans, j’ai commencé à regarder la lutte à la télévision et j’adorais ça. Un jour, je suis allé à l’événement RAW de la WWE, et en voyant les lutteurs en action, je trouvais ça vraiment cool et je me suis dit que je pourrais faire ça un jour. En 2013, après quelques années à m’entraîner ici et là, j’ai commencé à lutter plus sérieusement. Dès le départ, je ne m’imaginais pas faire ma place en étant fake. Je ne voyais pas d’autre choix que d’être authentique.
Est-ce que ta famille a été surprise davantage par ton coming-out ou ton choix d’être lutteur?
Personne n’a été surpris par mon coming-out! J’ai toujours été très féminin, tout en faisant des choses plus masculines. Je me décris comme une personne impossible à confiner dans une catégorie ou dans un genre, quoique je m’identifie comme un homme gai. Je suis à la fois doux, gracieux, délicat et puissant.
Comment était-ce de grandir au New Jersey en tant qu’adolescent gai?
Assez semblable à partout ailleurs aux États-Unis… Il y avait un petit côté conservateur de banlieue, mais j’ai vécu des moments plus difficiles à cause de la couleur de ma peau qu’en raison de ma sexualité. Quand les gens voient que tu es confiant en qui tu es, ils sont moins portés à vouloir t’intimider. Et j’embrasse pleinement qui je suis.
En 2018, c’est encore un fait saillant lorsqu’un athlète s’affiche ouvertement gai. Pourquoi as-tu fait ce choix?
Je pense que l’authenticité est la chose la plus puissante qui soit. Cela aurait été une honte pour moi de rester dans le placard. Et quelqu’un doit changer la façon dont on fait les choses! Je crois que si une personne ose agir autrement, elle peut en entraîner plusieurs autres dans le mouvement. C’est ce que j’essaie de faire présentement.
As-tu vécu des moments difficiles dans la lutte, parce que tu ne caches pas ton homosexualité?
Il y a eu une période durant laquelle c’était inconfortable, mais rien pour me faire fuir. Quand je suis arrivé dans le milieu, je n’étais personne. Les autres lutteurs me regardaient en se demandant “who the hell is this guy?”. C’est la même chose quand je performe devant une nouvelle foule. Mais dès que je commence à me battre, ils voient de quoi je suis capable et ils oublient les préjugés qu’ils avaient peut-être. Les gens viennent me parler et ils sont très gentils. Particulièrement au Canada, à Ottawa et à Toronto, les spectateurs m’encouragent encore plus qu’à New York ou au New Jersey.
De l’extérieur, on peut percevoir la lutte comme un milieu macho qui véhicule encore une image stéréotypée de ce que doit être un «vrai» homme. Partages-tu cette impression?
Peut-être dans le passé, mais plus maintenant. Ce n’est absolument plus macho. On retrouve plusieurs personnalités, plusieurs gabarits, plusieurs couleurs et beaucoup plus de femmes qu’avant. C’est rendu très diversifié.
Tu es en couple avec le lutteur Killian McMurpy depuis janvier 2017. Comment êtes-vous perçus?
Tout le monde dans le milieu de la lutte est au courant qu’on est en couple et ils adorent ça. On savait qu’ils ne réagiraient pas mal, mais on se foutait de leurs réactions. C’est plus facile qu’on le pense dans les sports. Ça dépend vraiment de qui tu es. Personnellement, je pense avoir franchi cette barrière.
As-tu l’impression d’être un modèle lgbt?
Honnêtement, oui. Chaque fois que je participe à un nouvel événement ou que je me rends dans une nouvelle ville, je sais que je m’approche de plus en plus d’une plate-forme importante qui va me permettre de montrer à tout le monde qui je suis en tant que lutteur ouvertement gai. Je ne suis pas juste là pour être une parure et divertir. Je peux botter des culs! J’ai hâte de pouvoir le montrer à une plus grande échelle pour que de plus en plus de gens puissent me voir.