Vendredi, 29 mars 2024
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    Le champion patineur Guillaume Cizeron refuse les carcans

    En mai 2020, le patineur artistique français Guillaume Cizeron a fait les manchettes dans l’Hexagone en parlant publiquement de son homosexualité et de son identité de genre pour la première fois. Fugues en a discuté avec le vice-champion olympique et quadruple champion du monde, qui vit à Montréal depuis 2014.

    Le 18 mai dernier, tu as publié une photo avec ton compagnon sur Instagram. Plusieurs médias ont vu ça comme un coming-out public, mais tu n’as pas la même vision. Explique-nous.
    Puisque je n’ai jamais essayé de cacher mon homosexualité et que la plupart des gens devaient s’en douter, je n’ai pas l’impression d’avoir fait un dévoilement. Lors de la Journée internationale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie, je voyais des amis publier ce genre de photos banales avec leurs partenaires. Sur le coup, j’ai pensé faire la même chose, mais je me suis freiné, puisque je ne m’étais jamais prononcé sur ma sexualité ouvertement. À force de réfléchir, j’ai réalisé que je n’avais aucune raison de ne pas en parler, alors j’ai publié. L’impact a été beaucoup plus fort que je l’imaginais!

    Comment ont réagi les médias français?
    Le magazine Têtu a demandé une entrevue. Puis L’Équipe, le principal magazine sportif en France, a voulu en parler. Comme leur publication est diffusée à plus large échelle, j’ai eu envie d’écrire mes propres mots, plutôt que d’accorder une entrevue. Cela dit, je ne voulais pas faire un buzz médiatique et multiplier les articles. Ça a fait parler beaucoup plus que je le pensais. Je suis l’un des premiers athlètes français olympiques à en parler publiquement depuis longtemps.

    Guilaume Cizeron / Photo : Naskademini

    Dans ta lettre publiée le 30 mai, on apprend que durant ta jeunesse, plusieurs enfants te demandaient si tu étais une fille ou un garçon. Toi aussi, tu t’es questionné sur ton identité de genre. Pourquoi?
    Ce sont des questions très complexes qui me fascinent. Durant la période entre 4 et 15 ans, durant laquelle on découvre notre sexualité et notre genre, c’est évident pour la plupart des gens qu’ils sont garçons ou filles. Moi, je ne sentais pas que je faisais partie du clan des garçons et j’avais plus de choses en commun avec les filles, ce qui est encore le cas aujourd’hui. Je pense que le genre et comment on s’identifie à l’intérieur, ce n’est pas toujours lié à notre corps ni à notre sexualité. Je m’identifie comme un homme, probablement par facilité, mais je me sens 50-50. Je me suis libéré du besoin de répondre à la question si je me sens homme ou femme.

    Tu as aussi affirmé ne pas vouloir être étiqueté comme le patineur gai. Pourquoi?
    Je préfère que le public pense à ce que j’ai accompli en tant qu’athlète. Lorsqu’on parle d’un sportif comme Roger Federer, on ne dit pas «l’athlète hétéro». Je n’ai pas envie que mon homosexualité soit ce que les gens retiennent de moi. Malgré tout, ce sera ça quand même, parce qu’on est en 2021 et que ce sont encore des choses dont on parle.


    Tu sembles tout de même conscient de l’impact des personnalités publiques ouvertement LGBTQ+, non?
    Absolument. À la fin de ma lettre, j’écris que c’est un choix de rester silencieux ou de parler. À priori, je ne vois pas pourquoi j’aurais à exposer ma sexualité de manière publique. Je demeure convaincu que l’orientation sexuelle d’une personne ne devrait pas être une question importante, à moins qu’on discute de sexualité. On devrait s’en foutre. Mais, si ça a fait la une des journaux, c’est la preuve qu’on en n’est pas là. Du coup, ne rien dire, ce serait plus proche de faire comme si je n’étais pas gai et ça ne servirait pas la cause.

    Guilaume Cizeron / Photo : Naskademini

    Enfant, comment les autres te percevaient en sachant que tu faisais du patinage artistique?
    J’ai subi de l’intimidation durant presque toute ma scolarité jusqu’au lycée, de manière quotidienne, principalement parce que j’étais efféminé et gai. Le fait que je fasse du patinage n’a pas aidé. Ça renforçait l’idée de base que j’étais homosexuel. En France, tous les garçons qui pratiquent un sport supposément féminin subissent des moqueries.

    Quand tu patines en couple, dois-tu simuler une tension amoureuse avec ta partenaire, Gabriella Papadakis?
    Oui, c’est un peu comme les acteurs: qu’ils soient gais ou non, le public peut croire à leurs personnages malgré tout. Sur la glace, on joue des rôles comme au théâtre. La plupart du temps, j’interprète un homme attiré par une femme, mais pas dans tous nos programmes. Certains d’entre eux me donnent l’occasion d’amener un aspect de ma féminité, sans évoquer de relation amoureuse homme-femme. Je n’ai jamais entendu de commentaires négatifs des juges, sauf peut-être de vieux juges russes qui n’aiment pas voir un homme exprimer sa féminité.


    Est-ce que le fait de vivre à Montréal te permet de rester à distance du machisme français?
    Peut-être un peu, oui. C’est beaucoup plus ouvert d’esprit ici. Il y a une culture qui célèbre le fait d’être homosexuel. Quand je vivais à Lyon, les bars et les boites gais étaient un peu glauques. On y allait presque en secret, par la petite porte, parce qu’on ne voulait pas être vu en train d’y entrer. Cela dit, on ne nous lynchait pas dans la rue.

    Guillaume et son chum

    Pourquoi avoir choisi de vous entraîner à Montréal?
    En 2014, notre entraîneur à Lyon a décidé de déménager ici pour se joindre aux entraîneurs québécois Marie-France Dubreuil et Patrice Lauzon. On a décidé de le suivre. C’est drôle, parce que je voyage énormément pour le patinage depuis que j’ai douze ou treize ans, et je me souviens avoir dit en compétition à Montréal que ce serait une ville où je pourrais vivre. C’était la première fois que je sentais ça. J’aime l’ambiance de la ville, le mode de vie des gens, les quartiers qui ont leur charme bien à eux, le fait que la ville ne soit pas bruyante comparée en France. Ici, la ville respire.

    Guillaume en couverture du Fugues de Février 2021.

    INFOS | www.instagram.com

    Photo en couverture de Fugues : Andréanne Gaulthier

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