Cong Hien Nguyen (il) et Alain Therrien (il) sont membres de Fierté agricole. Cong Hien s’implique aujourd’hui auprès de la Fondation Émergence.
Depuis combien de temps est-ce que vous vivez en couple?
Cong Hien et Alain: Cela fait 15 ans que nous sommes ensemble. Comme Alain se plait à dire, c’est Cong Hien qui a initié les premiers pas. Nos premières années de fréquentation à distance nous ont permis de mieux nous connaître et de prendre le temps d’élaborer nos projets de vie. Contrairement à d’autres couples, nous ne pouvions ignorer notre différence d’âge parmi les défis auxquels nous aurions à faire face. Pendant plusieurs années, la crainte du jugement des autres a été pour Alain une source de préoccupation. Aujourd’hui, cette crainte s’est estompée car il lui accorde une moindre importance. Nos familles, ami.es et collègues ont été d’un grand soutien. Nous demeurons toutefois lucides par rapport à notre vieillissement à deux vitesses qui fait partie de notre réalité.
Que pouvez-vous dire sur vos différences au niveau socioculturel?
À vrai dire, au début de nos fréquentations, nous nous sommes peu attardés sur l’aspect socioculturel, mais plutôt sur la découverte de l’autre en tant qu’individu. D’origine vietnamienne, Cong Hien est arrivé à Montréal à l’âge de 6 ans avec sa famille. Il s’est affirmé dès l’école secondaire. Il travaille en informatique et finance et n’a jamais eu d’amoureux avant de rencontrer Alain. Alain a grandi sur une ferme laitière dans le Centre-du-Québec. Il est agronome et enseignant. Marié pendant 17 ans, il est le père de deux grandes filles et grand-père.
Au fil des ans, nos sentiments se sont bien sûr confirmés, tout comme l’émergence de nos différences socioculturelles. Sincèrement, la conciliation n’a pas toujours été évidente. Notre éducation, notre environnement et notre passé définissent notre identité. Sans renier nos différences, nous avons appris aujourd’hui à mieux les canaliser pour les mettre à profit dans la croissance du couple. Ce qui nous importe, c’est l’amour et le fait que nous nous sommes choisis pour nos valeurs communes d’ouverture, d’égalité, de confiance et d’entraide.
Au cours des 15 dernières années, quel événement a marqué votre couple?
C’est la première rencontre avec Maria Labrecque-Duchesneau, une intervenante sociale alliée et fondatrice de Fierté agricole. Cette rencontre a été déterminante pour notre couple, sa consolidation et un événement déclencheur dans notre implication communautaire. C’est ainsi à l’occasion d’un souper de Noël en 2010 organisé par Maria que nous avions fait la connaissance d’autres personnes LGBT en agriculture. Par la suite, nous nous sommes impliqués dans le démarrage et le développement de Fierté agricole qui avait comme objectif initial de briser l’isolement social des personnes LGBT œuvrant en milieu rural et agricole. À travers notre implication, nous avons pu travailler ensemble comme couple. Nous avons aussi développé de nouvelles amitiés et contribué à notre façon dans l’avancement des mentalités du milieu rural et agricole.
Est-ce que cette période de confinement est profitable pour se ressourcer comme couple?
Depuis les cinq dernières années, les responsabilités familiales, les obligations professionnelles et les engagements communautaires ont occupé une place considérable dans notre quotidien. Même si l’amour a toujours été présent, le bien-être de notre couple passait souvent en second. Le temps nous manquait et nos priorités étaient ailleurs. Comme pour la plupart des gens, la pandémie nous a obligés à restreindre nos activités et à revoir nos priorités. Pour notre couple, elle a ainsi favorisé notre disponibilité de l’un envers l’autre. À travers le télétravail et la pause des activités, il y a maintenant cette extraordinaire possibilité de passer plus de temps ensemble, juste en tête à tête, comme à nos débuts de fréquentation.
Nos escapades à la campagne et nos sorties en ville sont désormais remplacées par l’entretien de la maison et du jardin, par notre jogging en fin d’après-midi et par la préparation des repas. Malgré les incertitudes liées à la pandémie, nous éprouvons aujourd’hui une douce satisfaction à pouvoir contrôler notre emploi du temps et profiter ensemble de l’instant présent.
Pour terminer, comment décririez-vous votre couple?
Les gens qui nous côtoient savent que notre maison nous représente le mieux. Non pas le bâtiment en tant que tel, mais plutôt ce qu’elle symbolise. Nous avons bâti notre relation sur des fondations solides que sont nos valeurs communes. Telle la forme de la charpente, notre parcours a été conçu selon nos besoins et façonné à notre rythme. La toiture étanche nous protège contre les intempéries et les aléas de la vie de couple. Avec les années, les planchers s’usent, et c’est ainsi que nous nous aimons malgré nos travers et imperfections. Notre maison a une âme, et c’est l’amour que nous avons l’un pour l’autre et pour tous les gens que nous accueillons chez nous.
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