La production de Philippe-Aubert Côté est synonyme de pavé littéraire. On se rappelle qu’en 2015, il publiait Le jeu du démiurge, un roman de science-fiction étonnant de 723 pages. Pour son second roman, l’auteur plonge dans les arcanes fantastiques avec Le Sculpteur de vœux, une œuvre de 650 pages, où des êtres issus d’une autre dimension, l’Éthermonde, coexistent clandestinement avec les humains dans un Montréal à la fois contemporain et fantasmagorique.
Maxime est un homme doté de dons de tatoueur-guérisseur, Shinji est un démon et Oota, une wendigoe. À l’adolescence, le hasard croise leurs chemins, un triangle amoureux se forme, et la quête du vœu absolu les amène à commettre une faute terrible. Un tribunal condamne Shinji à l’emprisonnement à perpétuité alors que Maxime et Oota se font interdire toute communication.
Des années plus tard, Shinji reprend cependant contact avec ces derniers. S’est-il échappé ou a-t-il été libéré? Et pourquoi les trahit-il, quelques heures à peine après leurs retrouvailles? Comment expliquer cette déclaration mystérieuse, avant qu’il ne disparaisse, selon laquelle il n’a pas le choix, qu’il doit réparer les erreurs passées?
Et que vient faire Denis Quintal dans toute cette histoire? Cet ex-policier, grand amateur de superhéros et de bandes dessinées SM de Gengoroh Tagame, s’est créé un avatar: le Baron Samedi. Il suit à la trace Shinji afin que ce dernier le conduise dans l’Éthermonde où il projette d’y occire l’un des Seigneurs. Qu’est-ce qui motive cette soif de vengeance?
L’auteur utilise un procédé scénaristique ingénieux puisque, à l’exception d’une brève entrée en matière, l’action du roman se déroule des années après le délit commis par les trois protagonistes. La faute est par ailleurs à ce point grave qu’elle est frappée d’interdit et n’est donc évoquée qu’à demi-mot par les différents personnages.
Le lecteur participe donc à la quête de ces derniers, tout en découvrant progressivement la nature du crime reproché et ce qui motive leurs actions. L’univers ainsi façonné, tant du côté de l’Éthermonde que de notre réalité, se distingue par l’importance et la richesse des détails et des personnages. On reconnait mille recoins d’un Montréal, mâtinés de créatures chimériques qui se sont par ailleurs appropriées notre vocabulaire et nos expressions, ce qui la rend à la fois familière et surprenante.
Une peinture grandiose et fascinante au cœur d’un récit qui ménage son rythme et ses surprises jusqu’au dernier moment.
INFOS | Le sculpteur de vœux / Philippe-Aubert Côté. Lévis : Alire, 2020. 651p.