Vendredi, 20 septembre 2024
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    La communauté LGBT cubaine veut le mariage de ses rêves

    Le rêve d’Alfredo, coiffeur cubain de 31 ans? Arriver à l’église en robe blanche, dans une vieille décapotable rouge. Avec un groupe d’acteurs, il joue la scène pour un épisode diffusé sur internet, en attendant l’approbation du mariage homosexuel.

    La pandémie de coronavirus l’a obligé à fermer son salon l’an dernier, mais Alfredo de Armas reçoit encore quelques clientes dans son petit appartement, au dernier étage d’un immeuble du quartier historique de La Havane. Son compagnon, Fernando Conde, comédien de 39 ans, et Yasmany Colina, autre acteur de 33 ans, ont eux perdu leur emploi.

    À force d’ennui, les trois ont lancé «Las hermanas algo», une série de courts-métrages déjantés dans lesquels Alfredo et Yasmany se travestissent pour jouer deux amies, une riche et une pauvre, dont les aventures tournent autour de la communauté LGBT etles icônes gaies (comme Céline Dion). Fernando réalise également.

    Les épisodes sont diffusés sur YouTube et Facebook. Dans le dernier, la «méchante» arrive à la cérémonie de mariage en décapotable, tandis que la «gentille» peine à trouver un bicitaxi. «Nous avons fait ça comme un message très ponctuel, à l’approche de la journée mondiale contre l’homophobie (lundi, ndlr)», explique Fernando.

    Opposition de l’Église

    Mi-mai, c’est généralement le moment où la communauté LGBT de Cuba défile pour défendre ses droits, une manifestation suspendue pour la troisième année consécutive, en 2019 en raison officiellement de «tensions dans le contexte international», en 2020 et 2021 pour cause de pandémie.

    L’épisode du mariage reflète «une problématique qui nous concerne, les gais (…), c’est que nous voulons depuis longtemps le mariage égalitaire», indique, lors d’une pause sur le tournage, Alfredo, vêtu d’une robe blanche vaporeuse au milieu d’une rue passante de La Havane où les enfants jouent et s’amusent de le voir ainsi.

    «Nous avons décidé de le jouer comme un mariage gai (…) depuis notre perspective, le transformisme, et ça a nous a semblé génial» de pouvoir, le temps d’une scène, vivre «ce rêve de pouvoir nous marier». Ce rêve, la communauté LGBT a cru l’atteindre en 2019, quand le projet initial de nouvelle Constitution incluait un article définissant le mariage comme l’union «entre deux personnes», plus seulement «entre un homme et une femme».

    L’opposition de l’Église, qui a fait campagne contre le texte, a forcé le gouvernement à faire marche arrière, citant aussi le rejet formulé par une majorité de citoyens consultés sur le sujet. Désormais, une nouvelle opportunité s’offre à eux: début mai, le Journal officiel a annoncé la création d’une commission chargée de rédiger un nouveau Code de la famille, qui devrait inclure le mariage homosexuel avant d’être soumis à référendum.

    «La modification du Code de la famille en vigueur est imminente», a assuré le Centre national d’éducation sexuelle (Cenesex), organisme œuvrant pour un meilleur respect de la communauté LGBT et dirigé par Mariela Castro, fille de l’ex-président Raul Castro. «Donc il est impératif de sensibiliser et d’éduquer la population cubaine».

    «Résiste» 
    Mais aucun des 31 députés membres de cette commission «n’a la même orientation sexuelle que nous», regrette Yasmany, dont le regard baissé laisse voir les paupières maquillées de vert. «Si nous dépendons d’eux (…), qu’ils travaillent en pensant au bien qu’ils vont faire», plaide-t-il.

    Quant à l’Église catholique, sa position contre l’approbation du mariage gay est inchangée, indique à l’AFP un porte-parole de la Conférence épiscopale. Même réponse du côté des évangélistes, qui ne sont «en rien d’accord avec ça», assure Angel Toledo, vice-recteur de l’Université théologique pentecôtiste de Cuba, et se battront «à n’importe quel prix» contre une telle réforme.

    Si celle-ci est approuvée, il s’agirait d’un véritable bouleversement dans une île où, dans les années 1960 et 1970, les minorités sexuelles étaient stigmatisées et les homosexuels harcelés, voire envoyés en camps de «rééducation».

    Mais depuis plus d’une décennie, le vent a tourné et les mentalités changent. Même le président Miguel Diaz-Canel s’est dit en 2018 «d’accord» avec «le fait de reconnaître le mariage entre les personnes, sans limitations».

    Désormais, certains couples homosexuels «osent sortir en se tenant la main», se réjouit Yasmany, qui porte un tatouage montrant un couple sous un parapluie sur lequel tombe une pluie colorée, avec ce message: «Si tu es différent, résiste».

    Rédaction avec AFP

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