Les jeunes trans ont besoin de plus d’acceptation, pas moins

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Dans leur texte « Une compassion éclairée » publié sur le site de La Presse, Nadia El-Mabrouk, François Dugré et Clémence Trilling remettent en question les soins d’affirmation de genre, pourtant reconnus globalement comme cruciaux au bien-être des personnes trans. En tant qu’experts en santé et support communautaire trans, nous souhaitons remettre les pendules à l’heure sur ce sujet et dénoncer l’utilisation des suicides tragiques de personnes trans pour militer contre l’accès à l’affirmation de genre.

Association mondiale des professionnels pour la santé transgenre, l’Association professionnelle canadienne pour la santé transgenre, l’Endocrine Society, le groupe de santé trans de la Pediatric Endocrine Society, le prestigieux journal The Lancet, l’American Psychological Association, et l’American Academy of Pediatrics, sont tous en faveur des soins d’affirmation de genre – pour ne nommer qu’eux. Dans une lettre récente, l’American Medical Association a aussi fortement dénoncé les tentatives de réduire l’accès aux soins d’affirmation de genre pour les mineurs, soulignant leurs impacts positifs importants. El-Mabrouk, Dugré, et Trilling rapportent les positions de groupuscules dédiés à interdire l’accès à l’affirmation de genre ainsi que l’opinion de psychiatres européens n’ayant, il semblerait, jamais publié en santé trans.Les impacts positifs de l’affirmation de genre ne sont plus à prouver.

Il y a quelques années, un projet de la prestigieuse Cornell University a conduit une recension systématique de 55 études et a conclu qu’il était clair que la transition de genre améliore le bien-être des personnes trans, qu’elle est rarement regrettée et qu’elle réduit significativement l’anxiété, la dépression et la suicidalité. À l’adolescence, l’hormonothérapie est notamment associée à une réduction de la dépression de 50% à 75%.

Au contraire, tenter de décourager l’identité de genre ou la transition d’une personne trans est fortement associé à la suicidalité, soit une augmentation de 227% des tentatives de suicide, et est reconnu comme une forme de thérapie de conversion par l’expert indépendant de l’ONU. Rappelons que le gouvernement du Québec a récemment adopté une loi prohibant les thérapies de conversion, rejetant l’argument que décourager l’affirmation de genre devrait être permis.

Dans leur texte, El-Mabrouk, Dugré, et Trilling font référence à un jugement anglais ayant été d’opinion que le consentement des jeunes à l’affirmation de genre est impossible. Or les tribunaux n’ont pas la science infuse. Ce jugement a été fortement dénoncé par les associations mondiale, européenne, états-unienne, asiatique, canadienne, australienne, et néo-zélandaise des professionnels en santé transgenre. Dans un récent article, plusieurs sommités en santé trans ont soulevé les fautes dans le raisonnement du tribunal de première instance, qui jugeait de façon abstraite sans se baser sur une situation précise. La portée du jugement anglais a été grandement limitée dans une décision subséquente de la même cour. En contraste au jugement anglais de première instance, la Cour d’appel de Colombie-Britannique a reconnu de façon claire la capacité de certains jeunes à consentir, et reconnu le caractère inacceptable de refuser l’identité de genre des jeunes. Le jugement anglais mentionné par El-Mabrouk, Dugré et Trilling est tout simplement erroné et ne saurait militer pour un changement des pratiques québécoises, qui reconnaissent la majorité médicale dès l’âge de 14 ans.

L’argument voulant que les décisions importantes devraient être évitées lors d’une dépression fait fi des études démontrant que la dysphorie de genre, la discrimination envers les persones trans et le manque d’accès aux soins de transition ont un impact important sur la dépression, et que les soins d’affirmation de genre atténuent celle-ci. Nadia El-Mabrouk, François Dugré, et Clémence Trilling nieraient-elles le droit à l’avortement pour cause de dépression, alors que celle-ci est occasionnée chez plusieurs personnes par la grossesse non-désirée? L’autodétermination de genre, un aspect si fondamental de notre identité personnelle, ne devrait pas être si aisément niée.

Les suicides de Jasmine St-Onge Joly et Victor Bergeron, deux personnes profondément aimées et respectées des communautés trans québécoises, sont absolument tragiques. Les personnes trans ont besoin de plus d’acceptation, de plus d’accès aux soins d’affirmation de genre. Le fait de se servir de leur mort pour remettre ceux-ci en question démontre un manque total de respect et de compréhension des enjeux qui concernent les communautés trans. Nous nous opposons fermement aux propos de Nadia El-Mabrouk, François Dugré, et Clémence Trilling. Ceux-ci ne sont pas conformes à la science et au consensus professionnel mondial en santé trans.

Signataires

Florence Ashley, BCL/JD, LLM (Bioeth), Juriste et bioéthicienne spécialisée en santé trans

Maria Arcobelli Sacco, BA, PFLAG Montreal

Martin Blais, PhD (Sociologie), Professeur titulaire au département de sexologie et titulaire de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, Université du Québec à Montréal

Laurie Bissonnette, MSW, travailleuse sociale

Guillaume Boivin, D. Ps., Psychologue

Jesse Bosse, D. Ps., Psychologue

Gabrielle Bouchard, Militante

Andrew Bui-Nguyen, MD, Médecin de famille

Nicholas Chadi, MD, MPH, FRCPC, FAAP, Pédiatre spécialisé en médecine de l’adolescence

Lyne Chiniara, MD, MA, FRCPC, Pédiatre endocrinologue

Daphné Cloutier, MD, FRCPC, Pédiatre endocrinologue

Julie Christine Cotton, Ph.D., Professeure au département des sciences de la santé communautaire de l’Université de Sherbrooke et responsable à la coordination du Comité de concertation en santé trans de l’Estrie

Lyanna Després, MA, Sexologue et coordonnatrice de recherche à l’UQAM

Marie-Emmanuelle Dilenge, MD, FRCPC, Neuropédiatre au Centre de santé Meraki

Natasha Dionne, MA, Travailleuse sociale

Marie-Pierre Fontaine-Paquet, D. Ps., Psychologue

Eden Fournier, MA(c), Sexologue

Shuvo Ghosh, MD, FAAP, Pédiatre du développement et du comportement

Gabriela Gomez, MEd, Coordinatrice de recherche au Centre de santé Meraki

Daniel Gosselin, Directeur général de l’organisme Diversité 02

Maxime Gosselin, Présidence de Jeunesse Lambda et Agent.e de soutien à l’intervention pour AlterHéros

Mona Greenbaum, Directrice générale de la Coalition des familles LGBT+

Mériza Joly, MA, Sexologue psychothérapeute

Henri Labelle, Travailleur social et psychothérapeute

Isabelle Lasnier, MA, Sexologue et psychothérapeute

Emily Martin, MA, ATPQ, Art-thérapeute

Matt McLauchlin, MSW, Travailleur social et psychothérapeute

Denise Medico, PhD, Psychologue, sexologue, professeure au département de sexologie de l’UQAM et membre du conseil scientifique de l’Association Mondiale de Santé sexuelle (WAS)

Lou-Ann Morin, PhD, Psychologue au Centre de Santé Méraki et professeure au collégial en psychologie du développement

Roxane Nadeau, Formatrice pour centres d’hébergement pour femmes

Elizabeth Papagni, MEd, MA, Counselor

Geneviève Paulin-Pitre, D. Ps., Psychologue

Annie Pullen Sansfaçon, PhD, Professeure titulaire en travail social et Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leur famille

Pascale Robitaille, MA, Sexologue

Diane Rottembourg, MD, Professeure agrégée et pédiatre endocrinologue

Isabelle Savard, IPSPL, Professeure en sciences infirmières à l’Université du Québec en Outaouais et membre de l’équipe de Recherche en infectiologie, sexualité et santé communautaire (RISSC+)

Heidi Shapiro, MSW, Travailleuse sociale et psychothérapeute

Anouk Streff, PhD, Psychologue

Françoise Susset, D. Ps., Centre de santé Meraki

Pierre-Paul Tellier, MD, CCFP, FCFP

Celeste Trianon, Activiste en droits trans

Karl Turcotte, Travailleur social

Pascal Vaillancourt, Directeur général d’Interligne

Yann Zoldan, PhD, Psychologue

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