Parachute, une histoire remarquable racontée au McCord

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Depuis le 19 novembre, les mordus de mode et de culture peuvent se retrouver au Musée McCord afin d’admirer l’exposition « Parachute : mode subversive des années 80 », véritable hommage à cette griffe de l’avant-garde montréalaise, de sa genèse à son héritage aujourd’hui. La commissaire Alexis Walker, s’est confiée à Fugues sur la préparation de cette exposition consacrée à l’aventure Parachute, qui est devenue, à la fin des années 1980, un phénomène sur la scène internationale de la mode.


Parachute, c’est l’entreprise fondée par la designer Nicola Pelly et l’architecte Harry Parnass en 1977 à Montréal. Le duo Pelly et Parnass se sont rencontrés alors qu’ils travaillaient pour Le Château, qu’ils quitteront rapidement pour développer leur projet particulièrement ambitieux et novateur, qui misait sur la flamboyance pour créer des « vêtements armures » à l’ère du temps. Toronto, New York, Los Angeles… la présence de la marque se fait telle qu’elle attire non seulement l’attention d’un public jeune, avide de nouveautés, qui se montre de plus en plus friand de la grande liberté stylistique dont fait montre la griffe, mais aussi l’attention de célébrités comme Peter Gabriel, Madonna, Mick Jagger et Duran Duran, qui portèrent fièrement et à plusieurs reprises les vêtements de Mme Pelly et M. Parnass. Si Parachute annonce sa fermeture, en 1993, c’est surtout à cause du contexte économique peu favorable et la naissance du deuxième enfant de Parnass et Pelly qui aura mené ces derniers à faire une croix sur leur magnifique et audacieux projet.


En collaboration avec les co-fondateurs
La commissaire de l’exposition et Conservatrice adjointe (Costume, mode et textiles) du musée, Alexis Walker, s’est rendue en Floride en septembre 2019 afin de rencontrer Parnass pour discuter de l’histoire de Parachute et son processus créatif. « Il avait une mémoire parfaite » se rappelle Walker, qui a utilisé ce contenu non seulement dans le cadre de l’exposition, mais aussi pour le livre sur l’exposition. Quelques mois plus tard, alors que l’équipe du Musée élaborait l’exposition Parachute, elle apprenait le décès de Harry Parnass, co-fondateur de la marque, le 1er janvier 2021.

« C’est lui qui était vraiment le partenaire conceptuel. C’est lui qui est à la base de tous les concepts de Parachute. Nicola était plus une designer de mode traditionnel, et elle a aidé à traduire ces concepts et à les réaliser» précise-t-elle. Nicola Pelly, toujours vivante aujourd’hui, a d’ailleurs mis la main à la pâte dans l’élaboration de cette exposition et a fourni pas moins de 800 vêtements en excellente condition. « La sélection des vêtements pour l’exposition a été difficile », lance ainsi Alexis Walker, qui a dû faire une présélection de 200 pièces, pour ensuite arrêter son choix sur seulement une soixantaine de pièces emblématiques.

Pour la commissaire, ce tri a sûrement été l’un des plus gros défis rencontrés lors de l’élaboration de l’exposition. En effet, la pandémie ne semble pas avoir trop embêté Alexis Walker dans son travail, et l’aurait même « en quelque sorte aidé » à se concentrer.


Accessibilité et liberté, comme mots d’ordre Trouvant ses racines dans la contre-culture, le new wave et les boites de nuit, Montréal – que Harry Parnass qualifie de « sophistiqué » – a clairement inspiré le style Parachute. Mais, aux yeux d’Alexis Walker, c’est sans aucun doute l’établissement opportun d’une boutique à New York, mise en place dans un Soho qui se gentrifiait à l’époque, qui a propulsé l’entreprise à une notoriété internationale, rejoignant une clientèle d’artistes qui sont devenus des stars mondiales. Selon Alexis Walker, les limites du marché canadien réduisaient largement les ambitions de Parachute, qui souhaitait rendre la marque de plus en plus accessible : « Je pense qu’à Le Château, tout le monde a appris l’importance de l’accessibilité de la mode à un grand marché. Tu peux avoir des designs et vêtements magnifiques. Mais si tu as des prix haut de gamme, il n’y a pas beaucoup de gens qui peuvent partager cette expérience. »

Les LGBTQ+, et plus particulièrement les hommes homosexuels, se sont rapidement retrouvés comme une clientèle fidèle de Parachute, attires par le style non-conformiste de la griffe. D’ailleurs pour la petite histoire, la boutique de Montréal a placé quelques publicités dans le Fugues à la fin des années 1980.

Alexis Walker raconte : « Ce que Harry m’a dit, c’est que les hommes gais aimaient particulièrement Parachute. Et à New York, beaucoup d’employés étaient des hommes gais.» Walker souligne que cette appréciation du style par les homosexuels transcende la fluidité de genre et l’androgynie tant promues par l’entreprise. En fait, c’est, de manière plus large, la liberté donnée par l’entreprise – «liberté d’être plus exhibitionniste, de s’exposer tel qu’on le desire» – qui aurait particulièrement séduit les hommes gais, dont plusieurs avaient adopté le style et les vêtements. Alexis Walker affirme que cette liberté ne se faisait pas uniquement sentir dans les vêtements Parachute, mais également dans le design des boutiques. Auparavant architecte, Harry Parnass a été très minutieux dans l’élaboration des boutiques Parachute, leur donnant une certaine hybridité, allant entre la galerie d’art et la boîte de nuit, favorisant les matériaux bruts comme le béton et l’acier. L’importance de la silhouette et de la structure, apprise lors de son parcours d’architecte, est également incarnée dans ses créations vestimentaires.


Quand l’underground était vraiment underground
La commissaire de l’exposition est catégorique : par son mariage parfait entre l’accessibilité et l’excentricité, Parachute a pavé la voie à une « explosion » du style streetwear. Elle donne ainsi comme exemple l’immense popularité de marques telles que Supreme et Undefeated. Or, ces exemples lancés par la commissaire n’ont rien d’anodin : les fondateurs de ces deux marques ne seraient pas moins que… d’anciens employés de Parachute! Comme quoi l’influence de Parachute est tout simplement incontestable. Toutefois, si Parachute a su laisser sa marque de manière impressionnante dans la mode d’aujourd’hui, sa mémoire évoque chez certains une nostalgie de l’underground et de l’originalité.

« L’internet a peut-être ruiné cette idée du “cool”, parce que tout est trop accessible aujourd’hui. À cette époque tout ce qui était underground était vraiment underground. » avance Alexis Walker.

Pour la commissaire, l’exposition Parachute : mode subversive des années 80 se donne ainsi comme objectif de faire revivre cette période particulière aux admirateurs de longue date de Parachute, mais également d’immerger les nombreux néophytes dans cette ambiance particulière, rétro et avant-gardiste. L’underground et la contre-culture d’hier sont donc à (re)découvrir dès aujourd’hui et jusqu’au 24 avril 2022, au musée McCord.


INFOS | Parachute : mode subversive des années 80,
au Musée McCord jusqu’au 24 avril 2022
musee-mccord.qc.ca

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