Dimanche, 9 février 2025
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    Nicholas Dawson place la santé mentale au cœur du monde

    En novembre dernier, Nicholas Dawson a remporté le Grand prix du livre de Montréal pour Désormais ma demeure, une œuvre hybride sur sa dépression. Quelques semaines plus tard, arrivait en librairies Self-Care, un collectif de onze plumes vivant en situations de minorité que l’auteur et éditeur a réunies pour réfléchir au soin de soi d’un point de vue politique, social et artistique.


    Comment as-tu réagi à ton prix?
    NICHOLAS DAWSON : J’étais déjà très intimidé de faire partie des finalistes et d’être entouré de grandes plumes qui avaient écrit certains des livres qui m’ont le plus impressionné au cours des dernières années. Je ne pensais jamais gagner. Quand je l’ai appris, ça m’a vraiment gelé.

    C’est un prix que je respecte beaucoup. Un des seuls prix littéraires qui ne séparent pas les livres par genres, ce qui est très important pour moi, surtout que Désormais ma demeure est hybride. Dans la collection Queer aux Éditions Tryptique, on ne sépare pas les œuvres par genres.


    Désormais ma demeure est une plongée dans ta dépression. Tu y entremêles différentes questions politiques (enjeux raciaux et queers) aux enjeux de santé mentale. Le recueil Self-Care est une sorte de continuité, non?
    NICHOLAS DAWSON : Oui, je le considère comme la « suite ». Après mon livre très personnel, je voulais poursuivre la réflexion dans une perspective collective, mais plutôt que de faire un collectif sur la dépression ou les troubles mentaux de façon spécifique, j’ai voulu prendre un chemin plus positif et inviter les artistes à réfléchir aux façons de prendre soin d’eux selon leur vécu de marginalisation.


    Comment as-tu choisi les plumes?
    NICHOLAS DAWSON : Je voulais inviter des personnes marginalisées pour différentes raisons : orientation sexuelle, identité de genre, origines, communauté d’appartenance, femmes, milieu socio-économique. J’ai aussi cherché une diversité de positionnements, c’est-à-dire que je n’ai pas invité seulement des auteurs et des autrices connu.e.s ou uniquement des artistes avec beaucoup d’expérience. Ça amène une autre sorte de vulnérabilité. Évidemment, j’avais une très longue liste de personnes et j’ai fait beaucoup de choix déchirants, ce qui est toujours le cas en dirigeant un collectif.


    Tu voulais entre autres les faire réfléchir sur l’effet de l’écriture dans le soin de soi. Quand on lit les textes, ça ne semble pas thérapeutique pour tout le monde.
    NICHOLAS DAWSON : Quelque chose qui nous fait du bien n’est pas nécessairement quelque chose qui nous apaise immédiatement. Certaines séances de thérapie peuvent être douloureuses, mais nécessaires pour avancer. Moi-même, j’ai écrit un livre sur ma dépression. Ça ne signifie pas que je me sentais mieux après l’avoir terminé. Mais l’écriture fait partie du processus de réparation de différents traumas, particulièrement l’écriture de soi.


    Tu dénonces le courant mettant la responsabilité de bien aller sur les individus, alors que la société ne permet pas ces comportements de manière égalitaire, puisque tout le monde n’a pas les mêmes moyens financiers, le temps ou l’espace pour prendre soin d’eux. C’est un angle peu abordé dans l’espace public.
    NICHOLAS DAWSON : Il faut aussi dire que l’un des effets d’individualiser le soin, c’est de défaire les solidarités existantes en tournant les gens les uns contre les autres. Si prendre soin de soi, c’est le faire selon ses modalités, quand je vais regarder comment les autres le font, je vais me dire que ce n’est pas la bonne. Ça crée un système de valeurs hiérarchiques.


    Ironiquement, ce livre sur le soin de soi a été écrit en pleine pandémie. En quoi cela a influencé le projet?
    NICHOLAS DAWSON : Bon nombre de plumes se sont désistées durant la crise. L’idée de produire des livres, des mots, du sens et des pensées était une affaire un peu étrange en pandémie. Comme si le fait de sortir des objets quand c’était un peu l’apocalypse, c’était contradictoire. On s’est demandé si ça servait à quelque chose ou si on était en train de tomber dans une logique super productiviste pour nier l’état du monde actuel. On a donc arrêté le processus.


    Qu’est-ce qui vous a convaincu.e.s de reprendre?
    NICHOLAS DAWSON : On a vu que les gens lisaient énormément et qu’il s’était créé des réseaux de solidarité par l’écriture et la littérature. La pandémie a rendu le livre plus urgent dans sa légitimité, en soulevant des questions sur qui peut prendre soin de soi et quelles existences sont perçues dans le monde politique. Lorsque François Legault a annoncé le couvre-feu, il portait atteinte à des modes de vie qui ne sont pas ceux de son électorat : des gens qui vivent en banlieue, qui travaillent de 9 à 5, qui ne sortent pas de chez eux le soir et qui ont une cour. Moi, j’habite une coop dans le Village.

    J’ai des voisins qui dorment le jour, car ils fonctionnent ainsi depuis toujours après avoir travaillé de nuit. Ils ont leur propre communauté, mais ils ne pouvaient plus sortir la nuit ni vivre comme avant. Les mesures sanitaires ont marginalisé plein de monde déjà marginalisés. Bref, le livre contient beaucoup de colère influencée par la situation sociale, les vagues de dénonciations et Black Lives Matter. Tout cela a contribué au livre.


    INFOS | nicholasdawson.ca — Les ouvrages de Nicholas Dawson sur leslibraires.ca

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