Jeudi, 5 décembre 2024
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    Boycotter la Coupe du Monde de soccer au Qatar

    Le Qatar sera l’hôte de la coupe du monde de soccer, du 21 novembre au 19 décembre 2022. On peut s’étonner que la Fédération internationale de Football, Association, mieux connue sous le sigle FIFA, choisisse un pays pour qui les droits humains sont malmenés. Mais l’argent a souvent raison des valeurs morales. Le Qatar est par ailleurs reconnu pour sa répression contre les LGBTQ.


    Éclaircissons tout de suite l’argument marketing voulant que la tenue de grands événements internationaux sportifs aident aux changements des mentalités et des décisions gouvernementales. Le meilleur exemple reste les Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi, où malgré les atermoiements de l’Occident pour rappeler les droits de la personne et, entre autres, les droits des LGBTQ, rien n’a changé. En fait, si. La Russie a depuis renforcé les mesures qui limitent encore plus la liberté d’expression des minorités sexuelles, soutenue en ce sens par l’Église orthodoxe russe. On pourrait aussi inclure la Chine, qui a mis l’accent sur des mesures sanitaires très contraignantes contre la Covid, dont on a beaucoup parlé dans les médias, bien loin des questions de liberté et de droits de la personne.
     
    Nul doute qu’il en sera de même au Qatar, ce qui devrait éveiller la conscience de la FIFA et renoncer à la coupe du monde 2022 pour marquer le coup, et rappeler qu’elle ne se rendra plus complice et solidaire par son silence des régimes totalitaires. Mais je rêve en couleur. D’autant que pour l’attribution de la coupe du monde, la FIFA est soupçonnée d’avoir reçu plusieurs dizaines de millions de la chaîne de télévision Al-Jazeera, propriété de l’État qatari, quelques jours avant le vote.
     
    État patriarcal s’il en est — même si le Qatar est le seul pays des États arabes du Golfe à avoir donné le droit de vote aux femmes —, le Qatar se réfère toujours à la Charia (la loi islamique) dans le domaine de la vie privée, interdisant toute relation sexuelle hors mariage, les relations extraconjugales. Les femmes ne peuvent pas sortir seules et la plupart des mariages sont arrangés. Et bien entendu, les actes homosexuels sont toujours passibles de la peine de mort.
     
    Pour apporter la touche finale à ce portrait, soulignons que pour la construction des infrastructures devant accueillir la Coupe du monde, le gouvernement Qatari a fait venir des dizaines de milliers de travailleurs étrangers, principalement de l’Asie. De nombreux organismes humanitaires ainsi que de nombreux reportages ont parlé des conditions de travail et de vie inacceptables, ainsi que des centaines d’accidents de travail entraînant la mort. Devant la médiatisation de ce scandale, les autorités qataries ont amendé le code du travail, mais comme il n’existe aucun syndicat de
    travailleurs, très peu d’inspecteurs, et des peines ridicules contre ceux qui ne respectent pas les nouvelles normes, la situation des travailleurs étrangers n’a pas changé.
     
    Certes, on peut penser, tout seul à son clavier, que le boycott serait une solution. Mais encore faudrait-il que cette action soit collective et non pas l’initiative d’un individu ou d’un groupe quelconque. Et pourtant, nous pouvons à travers nos contacts, nos relations avec les politiciens organiser des pressions au Canada comme ailleurs. À commencer par les député.e.s, puis les organismes internationaux qui travaillent dans le domaine des droits de la personne. On peut aussi s’allier avec des mouvements de femmes. Enfin faire assez de bruits pour que les médias relaient ces voix d’opposition.
     
    À titre d’exemple, le Qatar est membre associé de l’Organisation internationale de la francophonie. On pourrait demander à Égides, Alliance internationale francophone pour l’égalité et les diversités de lancer le bal. Certes on me rétorquera toutes les difficultés liées à une pareille action, comme de maintenir un lien avec des régimes totalitaires, féminicides et homophobes et bien souvent racistes, en espérant par une politique de petits pas les voir changer dans un an, dix ans, un siècle. On peut mettre dans la balance l’échec de ces politiques si l’on se tourne vers certains États comme la Hongrie dont on constate le recul aujourd’hui le recul, ou encore la Russie. On pourrait aussi s’inquiéter de ce qui se passe aux États-Unis avec l’avortement ou encore des lois qui restreignent la liberté d’expression des LGBTQ. Il faut de temps en temps se tenir debout. Enfin, les Émirats Arabes Unis ont accueilli l’Exposition universelle en 2020 sans que là non plus on se soucie, sinon timidement, des lois répressives pour les femmes et pour les LGBTQ.
     
    On ne peut d’un côté clamer au et fort par de nombreuses campagnes d’information et de sensibilisation que l’homophobie et la transphobie tuent et, dans un même mouvement, se réfugier dans un silence complice de ce qui se joue sur la planète. Il paraîtrait que le Qatar s’engage à respecter la venue de LGBTQ étranger-ère.s pendant la coupe du monde, à condition qu’ils et elles s’astreignent à respecter le code vestimentaire imposé à tous les hommes et toutes les femmes du pays, et aussi de ne pas porter de signes « ostentatoires » les distinguant, entendre pas de drapeaux arc-en-ciel, et surtout ne pas témoigner par des gestes leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. On ne sait pas encore si des couples LGBTQ pourront partager une chambre d’hôtel.
     
    Le plus ironique en ce moment est la contradiction flagrante entre la volonté de nombreuses fédérations nationales et régionales de lutter contre l’homophobie au point d’arrêter des matchs si les supporters crient des slogans homophobes et/ou racistes ». Certaines équipes ajoutent des drapeaux arc-en-ciel sur les maillots des joueurs durant les compétitions de juin. Des actes que l’on salue, mais visiblement on ne ressent aucune gêne à se commettre avec des pays où l’homophobie est institutionnalisée.

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