Vendredi, 29 mars 2024
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    Géolocaliser l’amour : en paroles et en images

    En 2016, Simon Boulerice se fait un malin plaisir de Géolocaliser l’amour à travers les plateformes de rencontres qu’il fréquente et d’en partager ses aventures, bonnes et moins heureuses, avec le public. Six ans plus tard, Radio-Canada met à l’antenne une série où réalité et fiction se combinent habilement pour nous présenter le parcours de l’auteur dans sa quête amoureuse.


    Non content d’avoir œuvré à l’adaptation de son roman en poèmes du même titre, Simon Boulerice interprète également dans cette série le rôle-titre et certains comédiens y tiennent aussi leur propre rôle. À titre d’exemple, Jocelyn Lebeau interprète le rôle de Jocelyn, son meilleur ami : une fiction qu’il maitrise bien puisqu’il occupe cette position dans la réalité. La série navigue donc dans les mêmes eaux que Tout sur moi, où la frontière entre le vrai et le faux n’est pas toujours aisément discernable : tout n’est pas vrai, mais rien n’est vraiment faux.

    Dès le premier épisode, les enjeux sont très clairement installés : Simon est en pleine conversation virtuelle avec Félix, qu’il a croisé au détour de Grindr. Coup de foudre immédiat de part et d’autre, même si le contexte est un peu inhabituel. En effet, Félix est sur le point de partir pour un séjour au Mexique et sa caméra est en panne. Simon se contente de sa très séduisante photo de profil et d’un heureux mélange de textos et de conversations audios. Nul doute dans son esprit, c’est le grand amour !

    Géolocaliser l’amour : Gabriel Lemire et Simon Boulerice


    On s’embrasse, virtuellement bien sûr, et des promesses de rencontres sont échangées. Puis le quotidien reprend bien vite le dessus et Simon visite une classe du primaire pour parler de son métier aux élèves. À sa grande surprise, des éléments de sa vie personnelle font irruption puisqu’une petite fille lui confie que ses papas le connaissent, ce qui génère des souvenirs très rigolos où il se remémore un trip à trois avec ces derniers.

    La scène est à la fois naïve et cocasse et on serait en droit de penser qu’elle représente bien le ton général de la série, mais rien n’est plus faux puisqu’on assiste par la suite à une rencontre très crue et explicite entre Simon et le concierge de l’école. Et c’est sans aucun doute ce qui contribue au charme des univers de l’auteur, où innocence et candeur côtoient toujours de très près une réalité très frontale. Le jeu de quilles de nos a priori est donc sans cesse, et délicieusement, bousculé. Nulle surprise donc de réaliser que Félix semble manquer à l’appel : a-t-il même jamais existé ? Sa photographie se révèle être celle d’un mannequin, mais Simon n’en démord pas : il veut retrouver Félix puisque c’est sa personnalité qui l’a touché et non la photo. Une déclaration qui laisse Jocelyn particulièrement sceptique. Tout au long de la série demeure en filigrane le mystère entourant la véritable identité de Félix, qui trouvera par ailleurs une résolution surprenante dans son tout dernier épisode.


    C’est par ailleurs avec adresse que la série illustre divers éléments de la culture gaie, que ce soit la drague dans les gyms, l’utilisation des applications de rencontre et son lot de bons et de mauvais rancards, de même que l’étiquette propre aux « p’tites vites » lors desquelles on se salue puis on se souhaite une très belle journée. Simon Boulerice nous fait ainsi pénétrer dans ses jardins secrets, qu’ils soient avérés ou semi-fictifs, il n’hésite pas à se présenter dans des moments très intimes et à apparaitre presque désarmant de vulnérabilité, le ridicule étant toujours à deux pas de la jubilation. La scénarisation se distingue par la grande leçon d’humilité dont elle fait preuve puisqu’il résiste à la tentation de se présenter sous son meilleur jour et assume pleinement les côtés à la fois grotesques et loufoques qui la ponctuent. Par exemple, l’humiliation d’un homme qui s’endort pendant une fellation.

    Certains moments sont parfois même très durs, c’est notamment le cas d’un « t’es plus beau en photo qu’en vrai » qui lui est décoché brutalement, de même qu’une scène de viol qui l’accompagnera tout au long de la série. Le tout est nimbé d’une grande tendresse, d’un humour toujours délicieusement iconoclaste, mais également de passages bouleversants.

    Impossible donc, pour le spectateur, de ne pas s’investir dans la quête du bonheur de Simon ! Réalisée par Nicolas Legendre-Duplessis, la série se compose de dix épisodes de dix minutes, que l’on ne peut que dévorer en rafale ! Et si on se fie aux dernières secondes de cette première saison, on est en droit d’en espérer une seconde !


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