Elana Dykewomon, dont les personnages sont des lesbiennes juives comme elle, s’est éteinte ces jours-ci peu de temps avant une représentation de la pièce inspirée de la mort de sa femme. Beyond the Pale, son roman récompensé en 1997, raconte l’histoire entremêlée de lesbiennes juives de Kishinev, en Moldavie, jusqu’au Lower East Side, dans une saga évoquant également les pogroms russes et l’incendie tragique de l’usine Triangle Shirtwaist.
«Il est impossible que nous soyons la première génération de militantes lesbiennes juives sur la planète », déclarait Dykewomon à l’époque. « Par conséquent, le roman parle de la recherche de nos ancêtres et de notre communauté de lesbiennes juives.»
Le livre a remporté le prix littéraire Lambda 1998 pour la fiction lesbienne et a été réédité en 2013. Il est un classique du genre, dans lequel Dykewomon, décédée cette semaine à l’âge de 72 ans, a été pionnière. La mort de Dykewomon à Oakland en Californie où elle résidait depuis de nombreuses années, est dû à un cancer de l’œsophage. Elle est survenue quelques minutes avant que sa première pièce, inspirée de la mort de sa femme en 2016, ne soit jouée lors d’un festival.
« Nous pleurons la perte d’Elana Dykewomon, activiste, auteure et enseignante queer avec un lectorat des plus fidèles », ont notamment déclaré les Jewish Women’s Archive [les Archives des femmes juives] dans une publication sur Twitter, un des nombreux hommages à Dykewomon. « Que sa mémoire soit bénie. »
Née Elana Nachman à New York en 1949, Dykewomon a changé de nom après la publication de son premier roman, Riverfinger Women, en 1974. Elle voulait prendre ses distances avec la lignée de rabbins Nachman dont elle était issue, s’en était-elle expliquée au Jewish News of Northern California, en 1997. Elle a adopté le nom de Dykewoman, puis Dykewomon, en témoignage de son allégeance à la communauté lesbienne, confiant plus tard regretter de ne pas avoir utilisé son nom pour affirmer son identité juive.
« Si c’était à refaire, j’aurais peut-être choisi Dykestein ou Dykeberg », déclarait-elle à l’époque.
Dykewomon a grandi dans une famille très sioniste : son père a pris part à la guerre d’Indépendance d’Israël, et sa mère a travaillé avec un réseau de contrebande sioniste.
Dykewomon a passé une partie de son enfance à Porto Rico, étudié les beaux-arts au Reed College de Portland, en Oregon, et s’est installée à Oakland, en Californie, au début des années 1980, attirée par la communauté militante lesbienne juive, a-t-elle expliqué à J.
Bien qu’elle ait rejeté la religion après être devenue une féministe radicale, comme elle le disait elle-même, elle a étudié le yiddish, la Torah et le Talmud tout en écrivant Beyond the Pale. Thèmes et personnages juifs émaillent son œuvre. Le roman de 2009 Risk, par exemple, met en scène une lesbienne juive vivant à Oakland, qui gagne sa vie en donnant des cours particuliers à des lycéens.
Au-delà de l’écriture, elle a édité Sinister Wisdom, une revue littéraire et artistique lesbienne, de 1987 à 1994. Dans « La tribu de Dina », numéro spécial en deux parties de 1986 consacré aux perspectives des femmes juives, elle a rédigé une histoire du point de vue d’une femme errant dans le désert avec les Israélites, après la sortie d’Égypte. En 2021, elle a co-édité un numéro spécial intitulé « Être une lesbienne juive au 21e siècle ».
Dykewomon est l’une des cinq dramaturges – sur 240 – dont les œuvres ont été sélectionnées pour le Bay Area Playwrights Festival, cette année.
Ces dernières semaines, elle a travaillé avec les interprètes des deux représentations de « How to Let Your Lover Die », programmées le 30 juillet et le 7 août. Sa mort a été annoncée dans le “chat” en direct de la représentation du 7 août.
« J’aimerais voir au moins une représentation avant de mourir, ce qui va m’arriver bientôt », déclarait-elle dans une interview à J. en juillet. « La mort n’est pas si tragique. »