Nico Racicot a joué des rôles importants dans Les Honorables, Nuit Blanche et L’heure Bleue. Néanmoins, la prochaine année pourrait tout changer, alors qu’il sera la tête d’affiche d’Anna et Arnaud aux côtés de Guylaine Tremblay. Diffusée sur TVA cet automne, la télésérie est l’adaptation du best-seller Anna et l’enfant vieillard de Francine Ruel.
Qui est Arnaud?
NICO RACICOT : Un gars bienveillant, original, qui se fout du regard des autres et qui se fait couper les ailes, lorsqu’un accident fait basculer sa vie. Il sombre dans la toxicomanie et vit dans la rue pendant des années. Durant la série, on suit son évolution et celle de sa mère qui assiste avec impuissance à ce qu’il traverse.
Quel impact ce rôle pourrait avoir?
NICO RACICOT : J’espère que ça va marquer un tournant dans ma carrière. Il s’agit de mon premier lead à la télévision. J’ai joué sur 40 des 47 jours de tournage. Ça m’a donné le temps de découvrir Arnaud. Dans la série, on navigue entre ses 20 ans, sa mi-vingtaine après l’accident et une décennie plus tard, après des années d’itinérance et de dépendances. Il y a tellement de couches à jouer. C’est la quintessence du rôle de composition.
Comment as-tu joué une personne toxicomane?
NICO RACICOT : Moi aussi, j’ai des dépendances. Je n’ai pas besoin d’entrer dans les détails sur leur nature, mais je comprends le manque et comment gérer une vie autour de cette dépendance quand ça t’habite 24h sur 24. Je n’ai pas besoin d’avoir fait de l’héroïne pour comprendre ça. Pour jouer Arnaud, je devais trouver comment le manque m’affecte à l’intérieur.
As-tu fait des recherches sur la consommation d’opioïdes?
NICO RACICOT : Absolument. J’ai appris qu’un toxicomane en manque ressent des douleurs musculaires et un grand mal de vivre. Il commence à avoir des tics, car son système nerveux est affecté. Comme on voit mon personnage de 20 à 35 ans, j’avais besoin de comprendre comment les effets de sa consommation se manifestent au début et après cinq ans. Arnaud boit, fume du weed, prend de la coke, de l’ecstasy et du mushroom avant de commencer l’héroïne et la roche. Toutes ces drogues ont des effets différents, mais quand tu les mélanges, les effets varient d’une personne à l’autre. Alors, il y a place à interprétation.
Comment les tournages se sont déroulés?
NICO RACICOT : Dès que c’était le temps de jouer, j’étais dans le moment présent, mais à la seconde où on disait « couper », je déconnais pour insuffler un peu de légèreté dans notre travail. Ç’aurait été facile de me perdre dans un tel personnage. Si j’étais arrivé sur le plateau avec une énergie lourde, parce que je joue un toxicomane qui vit dans la rue, ç’aurait pu être lourd pour tout le monde.
Ton personnage affectait-il ta vie personnelle?
NICO RACICOT : Pendant trois mois de tournage, je n’avais pas de vie. J’avais besoin d’aller jusqu’au bout du projet avant de voir mes proches. Si je les avais visités pendant, je savais que j’allais me faire questionner sur le personnage, si j’avais rencontré Francine Ruel, comment c’est de tourner avec Guylaine. J’avais besoin de me protéger. La seule personne que je voyais, c’était mon copain.
Dans un reportage de La Presse, tu t’es exprimé sur les réalités des comédiens queers, votre accès parfois plus restreints aux personnages d’hétéros, votre crainte d’auditionner pour des rôles queers de peur d’y être ensuite associés à jamais et le fait qu’une énorme quantité de personnages queers sont donnés à des hétéros.
Comment expliques-tu aux gens qui ne sont pas sensibles à cette réflexion que tu joues un hétéro?
NICO RACICOT : C’est correct, parce que 90% des rôles écrits à télévision québécoise sont hétéronormatifs. Si j’ai envie d’avoir une carrière de comédien, je dois avoir accès à ces personnages. Malheureusement, personne ne va penser à moi si je porte mes crop tops, mes talons hauts, ma robe, mon vernis à ongles et que je parle comme une drag. On ne verra plus mon talent, mais seulement la personne que je suis. Et cette personne, ils ne l’aimeront pas pour jouer un straight. Pourtant, on a besoin de personnages comme ceux que je viens de décrire. Cela dit, avant que ces rôles soient accessibles à des personnes comme moi, on a besoin de prouver qu’on est à la hauteur, qu’on est aussi bon que les straights et qu’on a une vision intéressante sur ces personnages.
Les acteurs hétéros devraient-ils pouvoir donner leur vision des personnages queers?
NICO RACICOT : Je sais que j’ai l’air de me contredire en affirmant que les rôles LGBTQ+ devraient surtout être joués par des personnes queers, mais il faut comprendre que nos communautés ont longtemps été tenues sous silence. Je pense qu’on a besoin de plus de personnes LGBTQ+ pour jouer des personnes queers, afin que les conversations sur nos enjeux soient mieux représentées dans le milieu culturel. Par exemple, quand un hétéro interprète un gai, il va raconter en entrevue qu’il a pu jouer à l’extérieur de lui-même et qu’il a beaucoup appris. Moi, je pourrais répondre que j’ai attendu ce rôle toute ma vie, que je n’avais pas de modèles à la télévision quand j’étais enfant et que c’est probablement pour ça que je me bats encore avec une forme d’homophobie intériorisée.
As-tu craint de ne plus avoir accès à des rôles diversifiés en affichant que tu es queer?
NICO RACICOT : Ça me fait encore peur de le dire à voix haute…. J’ai toujours refusé les entrevues sur le sujet, mais je sais qu’on a besoin de ce genre de voix. Je suis à un âge où je m’aime, je me respecte et je comprends la personne que je suis.
Tu es aussi un artiste visuel. Quelle part de toi tu exprimes dans ton art?
NICO RACICOT : Dans mon projet LezAutres, je crée des personnages très queers, sans sexe et sans genre. Tout est possible. Ils sont une représentation de notre âme et de notre intérieur. C’est toute ma queerness. Mes couleurs. Mon amour de la nature. Mon côté nostalgique. C’est mon échappatoire, comme un journal intime.
INFOS | Anna & Arnaud dès le 13 septembre à TVA+
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